Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Montesquiou (Robert de)

Poète français (Paris 1855 – Menton 1921).

La légende de cet aristocrate homme de lettres, figure du dandy raffiné et décadent, célèbre dans le Paris fin de siècle pour son faste, son orgueil, ses colères, ses duels, ses cannes et ses cravates, occulte quelque peu son œuvre de poète. Ses excentricités et son esthétisme ont inspiré ses contemporains, et il prête nombre de traits au Des Esseintes de Huysmans dans À rebours et au baron de Charlus d'À la recherche du temps perdu de Proust (lequel lui adressa une abondante correspondance de 1893 à 1921) ; il aurait même inspiré à Rostand le personnage du Paon dans sa pièce Chantecler. Amateur d'art et de sensations rares, il fréquenta Whistler et Mallarmé, Sarah Bernhardt et Gustave Moreau, les Goncourt et Loti, Jean Lorrain et Jacques Émile Blanche. Influencé par la poésie de Théophile Gautier et celle de Baudelaire, il composa des vers précieux et décadents, qu'il publia en partie à compte d'auteur, dans des éditions somptueuses : les Chauves-Souris (1892), les Hortensias bleus (1896), le Chef des odeurs suaves (1894), le Parcours du rêve au souvenir (1899), les Perles rouges (1899), les Paons (1901). Maniériste, pétrie de l'imagerie et des thèmes symbolo-décadents, sa poésie se recommande par ses assonances et ses répétitions compliquées et ludiques. Critique remarquable, Montesquiou consacra de belles études à ses contemporains, peintres et écrivains (les Roseaux pensants, 1897 ; Autels particuliers, 1899 ; Élus et appelés, 1921). La Première Guerre mondiale lui inspira une trilogie poétique : les Offrandes blessées (1916) ; Sabliers lacrymatoires (1917) ; Un monde de pleurs éternels (1919). Ses Mémoires, les Pas effacés, furent publiés à titre posthume en 1923.

Montfleury (Antoine Jacob, dit)

Auteur dramatique français (Paris v. 1639 – Aix 1685).

Fils d'un comédien célèbre pour son interprétation d'Oreste dans l'Andromaque de Racine, il prit la défense de son père contre les railleries de Molière (l'Impromptu de l'hôtel de Condé, 1664) ; il devint alors le rival de celui-ci, fournissant à l'Hôtel de Bourgogne des comédies enlevées et à succès (le Mariage de rien, 1660 ; le Mari sans femme, 1663 ; la Femme juge et partie, 1669), qui visent à une sorte de romanesque comique, avec une verve qui ne recule pas devant quelques équivoques gaillardes, plutôt qu'à la peinture des mœurs.

Montherlant (Henry Marie Joseph Millon de)

Écrivain français (Paris 1895 – id. 1972).

Sa notoriété littéraire commence avec la Relève du matin (1920) et les Olympiques (1924), recueil de textes à la gloire du sport, qui pour Montherlant renouvelle les vertus de la guerre, qu'évoquent le Songe (1922) et le Chant funèbre pour les morts de Verdun (1924). En 1925, c'est « le grand départ » : Montherlant mène une vie de bohème dorée (Espagne, Italie, Afrique du Nord), expérimentant l'équivalence du « j'ai tout et tout m'échappe », se libérant de l'ennui en écrivant successivement : un roman (les Bestiaires, 1926), des recueils de textes indépendants (Aux fontaines du désir, 1927 ; la Petite Infante de Castille, 1929) et un fragment de pièce (Pasiphaé, 1928) ; il travaille à la Rose de sable (1930-1932), roman anticolonialiste (qui ne paraîtra qu'en 1968). Il écrit aussi les Célibataires (1934), qui traitent son sujet avec un naturalisme enjoué et reçoivent un accueil enthousiaste. Il revient définitivement en France en 1935. Il regroupe dans Service inutile (1935) des essais qui exposent les raisons de sa conduite, son moralisme désabusé et le sentiment de la vanité des choses. Les quatre volumes des Jeunes Filles (1936-1939), qui abordent la question des relations entre les hommes et les femmes, remportent, à leur tour, un très grand succès. Durant les quelques années qui précèdent la Seconde Guerre mondiale, il écrit dans des journaux et des revues politiquement opposés. Pourtant, les événements de 1938 ne le laissent pas indifférent. Dans l'Équinoxe de septembre (1938), il s'en prend à « l'esprit de Munich ». Les écrits de cette période troublée trahissent chez lui deux attitudes contraires : une « réserve » pour sa propre destinée, pour son art, et une angoisse insupportable devant la destinée tragique de la France. Il travaille cependant à Solstice de juin (1941), qui marque une sorte de recul, d'acceptation. Après ces derniers « écrits publics », il fait retraite dans le théâtre. Ce sont les grandes œuvres dramatiques, entre 1942 et 1965. À la Reine morte (1942) succèdent le Maître de Santiago (1947), la Ville dont le prince est un enfant (1951), Port-Royal (1954), de veine chrétienne, le Cardinal d'Espagne (1960), de veine espagnole, Malatesta (1950), la Guerre civile (1965), de veine italienne et romaine, et enfin des pièces « en veston » : Fils de personne (1943), Demain il fera jour (1949), Celles qu'on prend dans ses bras (1950). Montherlant a commenté son théâtre dans de nombreuses notes, rassemblées dans la Tragédie sans masque (1972). À ceux qui tentent de définir son théâtre par « le goût de la grandeur » il précise qu'il s'agit d'« un théâtre de caractères » : « Ces caractères s'élèvent par moments, pour retomber, ensuite, à un niveau moyen ou bas. » Ce sont des tragédies de l'aveuglement, de la faiblesse, de la peur, de l'honnêteté : tout l'homme. Montherlant a aussi commenté son œuvre d'écrivain dans ses divers Carnets (1957), auxquels se rattachent Va jouer avec cette poussière (1966), la Marée du soir (1972), qui révèlent une continuité des convictions, une permanence des thèmes, particulièrement de l'amour de la vie et de la hantise de la mort qui s'affirmera de plus en plus dans les dernières œuvres, le Chaos et la nuit (1963), Un assassin est mon maître (1971). Cette vie « qui fut une retraite perpétuelle tantôt dans le travail, tantôt dans le plaisir », il en fixa volontairement le terme, par le suicide, le 21 septembre 1972, jour de l'équinoxe.

Monti (Vincenzo)

Poète italien (Alfonsine 1754 – Milan 1828).

Principal représentant de l'esthétique néoclassique, sa carrière fut jalonnée de palinodies politiques. En 1778, protégé par le neveu du pape Pie VI à Rome, il remporte un vif succès avec ses œuvres de style classique (la Prosopopée de Périclès, 1779 ; la Beauté de l'univers, 1781 ; le Pèlerin apostolique, 1782 ; les Pensées d'amour, 1784), ainsi que deux tragédies (Aristodème, 1787 ; Galeotto Manfredi, 1788) et prend une position antirévolutionnaire (La Bassvillienne, 1793). Mais, devant le succès des offensives napoléoniennes, il s'enfuit à Milan où il se transforme en démocrate convaincu (la Superstition, 1797) puis s'exile à Paris. Il reviendra, avec Bonaparte, comme professeur d'éloquence à l'université de Pavie (1802) et « historiographe du royaume » (1806). À cette période appartiennent bon nombre de ses œuvres courtisanes, la tragédie de Caius Gracchus (1802), le Barde de la Forêt-Noire (1806), mais aussi sa correspondance avec Mme de Staël. À la chute de l'Empereur, Monti offre aux Autrichiens Mystique Hommage (1815), Retour d'Astrée (1816), Invitation à Pallas (1819). Avant de s'opposer définitivement aux romantiques (Discours sur la mythologie, 1825), Monti prône à leurs côtés une langue littéraire nationale (Proposition de quelques corrections et ajouts au Dictionnaire de la Crusca, 1817-1826). Ses chefs-d'œuvre demeurent cependant la traduction de l'Iliade (1825) et celle de la Pucelle d'Orléans (publiée en 1878), et il excelle dans le registre intime (Pour la fête de ma femme, 1826).