Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
C

Cats (Jacob)

Homme d'État et poète hollandais (Brouwershaven 1577 – La Haye 1660).

Magistrat, il fut grand pensionnaire de Hollande (1636). Influencé par le piétisme de son épouse, il publia des œuvres moralisatrices et autobiographiques sous forme de poèmes au rythme proche de celui de la langue parlée et qui connurent un grand succès populaire (Sentences et Images d'amour, 1618 ; Miroir du temps ancien et nouveau, 1632 ; l'Anneau de mariage, 1637).

Catulle, en lat. Caius Valerius Catullus

Poète latin (Vérone v. 87 – Rome v. 54 av. J.-C.).

Issu d'une famille aisée de la Gaule Cisalpine, il vint à Rome vers 62, fréquenta les milieux cultivés de la noblesse romaine et prit rapidement la tête du groupe des « nouveaux poètes » influencés par l'alexandrinisme. Il entretint une liaison tumultueuse avec Clodia, sœur de Clodius Pulcher, l'ennemi de Cicéron, qu'il chanta sous le nom de Lesbie et qu'il s'efforça d'oublier en suivant en Bithynie le préteur Memmius. Son œuvre consiste en 116 pièces d'ampleur et d'inspiration différentes, qui ont été regroupées selon le mètre employé. À côté de poèmes savants et mondains comme les Noces de Thétis et de Pélée, où il rivalise avec Callimaque (au cœur de l'évocation du banquet nuptial de la néréide Thétis et du mortel Pélée, une longue digression décrit une tapisserie représentant Ariane abandonnée par Thésée, introduisant le thème de la passion malheureuse), il composa de nombreuses épigrammes satiriques contre les mœurs contemporaines ou les hommes politiques. L'essentiel de son œuvre réside cependant dans les pièces lyriques, où il évoque ses amours tourmentées, et qui sont à la source de la poésie élégiaque à Rome.

Cau (Jean)

Écrivain français (Bram 1925 – Paris 1993).

Secrétaire de Sartre (1947-1956), il peint les adhésions et les interrogations de toute une génération (le Fort intérieur, 1947 ; les Paroissiens, 1958 ; la Pitié de Dieu, 1961). Critique acerbe de la décadence du monde occidental dans ses pamphlets (Lettre ouverte aux têtes de chiens occidentaux, 1967), ses romans (le Spectre de l'amour, 1968), ses récits allégoriques (la Conquête de Zanzibar, 1980 ; le Grand Soleil, 1981) et son théâtre (les Yeux crevés, 1967), il regarde avec nostalgie son enfance (les Enfants, 1975 ; Nouvelles du Paradis, 1980 ; les Culottes courtes, 1988) et son activité d'écrivain (Proust, le chat et moi, 1984).

câu dôi (vietnamien, « sentences parallèles »)

Sentences se présentant sous la forme d'un ensemble de deux phrases symétriques séparées, gravées sur panneaux de bois, brodées sur pièces de soie ou tracées sur papier ou simple cotonnade. Très concises, elles ne comportent généralement que cinq ou sept mots chacune. Leur parallélisme est assuré par la correspondance des idées exprimées et des mots utilisés (même nature grammaticale mais opposition des tons). Très fréquentes dans les habitations traditionnelles et les édifices cultuels, les sentences parallèles répondent à des buts variés : célébration de la beauté d'un paysage, expression de sentiments, glorification de divinité, génie ou ancêtre.

caudillismo

Phénomène social lié à l'histoire de l'Amérique latine depuis l'indépendance, il tire son nom de caudillo dont le sens premier est « chef militaire », mais aussi chef de bande, et même chef d'État : c'est le titre que porta le général Franco jusqu'à sa mort. Terme plutôt positif à l'origine (Simón Bolívar, le Libérateur, était un caudillo), il a peu à peu acquis une valeur péjorative, et le mot évoque désormais la violence, le pouvoir acquis par la force. À partir de personnages réels ou de traits empruntés à plusieurs d'entre eux, certains romanciers élaborent une véritable mythification du caudillo, surtout depuis Miguel Angel Asturias (Monsieur le Président, 1946) ; caudillo, « cacique », chef, dictateur, patriarche, macho, il s'agit toujours de « leaders » dont le charisme indéniable, la vie et le caractère font, par nature, d'excellents modèles pour des personnages de fiction. Ces modèles peuvent être expressément nommés, ce qui est le cas de l'Argentin Rosas, personnage de l'Amalia de José Mármol (1951), que l'on s'accorde à considérer comme le premier roman du genre ; de Facundo Quiroga, du Facundo de Sarmiento (1845) ; d'Henri Ier de Haïti dans le Royaume de ce monde de A. Carpentier (1949) ; du Mexicain Carranza dans l'Aigle et le serpent de M. L. Guzmán (1928) ; du Paraguayen Francia, figure centrale de Moi, le Suprême de A. Roa Bastos (1974). Dans d'autres cas, le modèle, sans être nommé, transparaît clairement sous le protagoniste du roman : ainsi Estrada Cabrera dans Monsieur le Président, ou Elías Calles dans l'Ombre du caudillo de M. L. Guzmán. Tous ces caudillos historiques présentent de très nombreux points communs, ce qui a conduit à la constitution d'un archétype. La formule, inaugurée par l'Espagnol Ramón del Valle Inclán avec le Tyran Banderas (1926), a été reprise par J. Zalamea (Le grand Burundun Burunda est mort, 1952), D. Aguilera Malta (la Séquestration du Général, 1973), A. Carpentier (le Recours de la méthode, 1974), Gabriel García Márquez (l'Automne du patriarche, 1975) : les protagonistes de ces romans sont des caudillos d'envergure nationale, mais d'autres écrivains traitent le même thème sur le plan local – c'est le cas de R. Gallegos (Doña Bárbara, 1929), de M. Azuela (les Caciques, 1917), de Borges (le Caudillo, 1921), de C. Alegria (Vaste est le monde, 1941), de J. Rulfo (Pedro Paramo, 1955). On peut citer encore Fièvre (1939) de M. Otero Silva et la Plus Limpide Région (1958) de Carlos Fuentes.

   Quel que soit leur caractère fictif, tous les personnages de caudillos reposent sur une réalité souvent vécue par leurs auteurs, et étayée par des documents authentiques ; la plupart de ces livres sont non seulement des romans, mais encore des témoignages sur la société du temps où ils se déroulent. Ils proposent tous, à des degrés divers, une interprétation du phénomène, qui met en lumière son caractère de mythe (en particulier chez Asturias, Roa Bastos, Carpentier ou García Márquez) ; dès lors, le roman échappe à la réalité spatiale ou temporelle qui lui sert de point de départ : les pays où sévissent les caudillos sont de véritables microcosmes de l'Amérique latine tout entière ; le « Patriarche » de García Márquez résume à lui seul l'histoire du continent, et le « Président » d'Asturias est une réincarnation du dieu Tohil des anciens Mayas Quichés. La leçon est ainsi claire : le caudillismo est un mal endémique dont les racines plongent au plus profond des mentalités et des structures latino-américaines.