La Motte-Fouqué (Friedrich, baron de)
Écrivain allemand (Brandebourg 1777 – Berlin 1843).
Ce descendant de gentilshommes huguenots participa aux campagnes de 1794 et 1813 et se consacra à la rédaction d'une œuvre très en vogue jusque vers 1820. Jean Paul, Goethe, Schlegel ont vu dans certains de ses contes, drames et romans l'exemple de créations puisées aux sources de la civilisation germanique, mais ses évocations d'un passé transfiguré par la nostalgie de la société féodale se sont vite démodées. Sa trilogie Sigurd, héros du Nord (1808-1810), première adaptation dramatique de la légende des Nibelungen, inspira Wagner, mais seule sa célèbre Ondine (1811) assure sa postérité. Ondine s'humanise en s'unissant à un chevalier, mais retourne au royaume des Eaux quand il se lasse d'elle, et n'en revient que pour l'entraîner dans la mort. Cette enluminure réunissant quelques-uns des motifs les plus chers au romantisme allemand a inspiré des ballets et des opéras, la Petite Sirène (1837) d'Andersen et l'Ondine (1939) de Giraudoux.
La Roche (Sophie von)
Romancière allemande (Kaufbeuren 1731 – Offenbach am Main 1807).
C'est son Histoire de la demoiselle de Sternheim (1771) qui l'a rendue célèbre. Fidèle à la sentimentalité de ses débuts et à son modèle Richardson, elle est aussi nourrie d'« Encyclopédie ». La Révolution française lui fournit le thème de Erscheinungen am See Oneida. Elle publie divers écrits pédagogiques inspirés des idées de Pestalozzi. Récits biographiques, descriptions de voyages, correspondances diverses (avec Wieland et Goethe), font d'elle un remarquable témoin de la seconde moitié du XVIIIe s. (Fanny et Julia, 1802 ; les Soirs d'été de Mélusine, 1806).
La Rochefoucauld (François, duc de)
Écrivain français (Paris 1613 – id. 1680).
Marié à 14 ans et demi, maître de camp à peu près au même âge, François VI de La Rochefoucauld appartient à une famille de très vieille noblesse et partage sa vie, comme la plupart des nobles de sa génération, entre les combats et les conspirations. Il complote avec la duchesse de Chevreuse, ce qui lui vaut un séjour à la Bastille et un exil de deux ans sur sa terre de Verteuil. Jusqu'à la mort du cardinal de Richelieu, en 1642, il est de cœur avec toutes les conjurations et passe la plus grande partie de son temps éloigné dans ses terres. Il joue encore un rôle de premier plan dans la cabale des Importants qui prend corps dès 1642, mais il s'aperçoit vite qu'il ne devait pas compter sur la faveur de la reine. En 1648, il rejoint la Fronde, pour l'amour de la duchesse de Longueville, et s'impose comme le plus fidèle lieutenant du prince de Condé. Après l'arrestation des princes, en janvier 1650, il organise la guerre civile ; les troupes royales pillent et détruisent son château de Verteuil. Grièvement blessé au visage au combat de la porte Saint-Antoine (1652), il se trouve dans une situation difficile au moment où le roi entre à Paris, en octobre : malade, menacé de cécité à la suite de sa blessure, menacé d'être arrêté, il est englobé dans une déclaration royale qui le met au nombre des criminels de lèse-majesté. Il doit partir au Luxembourg, d'où il revient l'année suivante. Mais il ne retrouva jamais la confiance du pouvoir et ce sera à son fils aîné de s'assurer la faveur de Louis XIV. Dans sa demi-retraite, l'amitié et les lettres tinrent, dès lors, une grande place – il fréquentait assidûment le salon de Mme de Sablé et, à partir de 1665, celui de Mme de Lafayette, dont l'amitié l'accompagnera toujours. Ses Mémoires, relatant les brigues pour le gouvernement à la mort de Louis XIII, parurent en 1662. Curieux texte apprécié de Bayle et de Voltaire, pris entre deux livres rédigés à la première personne et quatre autres à la troisième. Piège aussi de mémoires qui dissimulent la « disgrâce » qui a abrité l'écriture, car le mémorialiste de seulement 40 ans raconte bien une vie achevée, celle de la Fronde.
1662, c'est aussi l'année où sont publiées, sans son aveu, à La Haye, ses Réflexions ou Sentences et Maximes morales, qu'il rééditera à Paris dès l'année suivante, puis en 1666, 1671, 1675 et 1678. L'ouvrage des Maximes est connu par deux manuscrits (le manuscrit de Liancourt, partiellement autographe et achevé en 1663, qui contient 272 maximes ; un manuscrit autographe utilisé pour l'édition des « Grands Écrivains de la France » comportant 257 maximes) et sept éditions. La première, réunissant 188 maximes, parut sans nom d'auteur à La Haye sous le titre de Réflexions ou Sentences et Maximes morales. La dernière édition (1678), du vivant de l'auteur, rassemble 504 maximes. L'édition posthume de 1693 ajoute 50 maximes, et le Discours sur les Maximes, publié en 1665, mais retiré des éditions postérieures. La vérité est que La Rochefoucauld dénonce sans pitié les vertus qui trouvent leur récompense immédiate dans la gloire, la réputation et le profit. Mais il ne nie pas l'existence de la vertu, qu'il veut totalement désintéressée (c'était déjà le désir de Montaigne). Au lieu de définir l'indéfinissable, œuvre du théologien, La Rochefoucauld préfère décrire, et son moralisme (qui rejoint Pascal et Descartes sur le rôle des passions dans la vie morale) est une enquête psychologique. Les jeux de l'amour et de l'amour-propre sont analysés concrètement en une suite d'aphorismes, parfois si paradoxaux qu'ils peuvent aisément se retourner.
À l'âpreté de la lutte pour le maintien des clivages traditionnels (autour de notions chevaleresques et d'un roi primus inter pares) succède l'âpreté du regard porté sur le monde. Au jeu collectif du combat pour le pouvoir se substitue le jeu collectif de la maxime. Cette dernière, art mathématique de la réduction, est aussi une entreprise de séduction, donc de pouvoir. Elle possède sa part d'intrigue : elle est comme une intrigue dénouée et expliquée. La Rochefoucauld pénètre les êtres par leurs défaillances et leurs ruptures. Le vice suprême est dans le pourquoi des actions humaines : ce n'est pas ce qu'on fait qui compte, c'est pourquoi on le fait. La seule explication se trouvant dans l'égoïsme qui seul concilie, au bout du compte, des passions souvent contradictoires, l'homme est tout entier défini négativement, tout comme après la Chute. Chez les jansénistes et chez La Rochefoucauld, la Chute n'empêche certes pas la grâce, mais empêche tout à fait de croire qu'on puisse la mériter. L'itinéraire suivi par La Rochefoucauld est celui d'une éducation politico-sentimentale où le monde est comme dévoilé de force. Le jeu mondain de la maxime fait ici se rejoindre le désir de gloire des Frondeurs avec le désabusement du chrétien confronté sans cesse à sa propre vanité.
La fin de la vie de La Rochefoucauld fut marquée par la maladie et des deuils – en juin 1672, il perd à la guerre l'un de ses fils légitimes et le comte de Saint-Paul, qu'il avait eu avec Mme de Longueville. Il mourut assisté par Bossuet au mois de mars 1680.