Na To-Hyang (Na Kyong-son, dit)
Écrivain coréen (Séoul 1902 – id. 1927).
Membre du groupe Paekcho (Marée blanche), il évolua dans ses nouvelles du romantisme au naturalisme : Un rêve (1923), les Mûriers (1925), Samyong le Muet (1925).
Nabigha (al-Dhubyani al-)
Poète arabe antéislamique (VIe-VIIe s.).
Il fréquenta les cours de l'Arabie du Nord où ses démêlés alimentèrent une riche littérature. Sa poésie et, notamment, sa Mu'allaqa valent par la suggestion évocatoire de l'image, la force du verbe.
Nabokov (Vladimir)
Écrivain américain d'origine russe et d'expression anglaise et russe (Saint-Pétersbourg 1899 – Montreux 1977).
Issu d'une famille d'aristocrates, contraint à l'exil par la révolution d'Octobre, il séjourna en Europe (Cambridge, Berlin, Paris) jusqu'en 1940, puis s'installa aux États-Unis, avant de terminer sa vie en Suisse. Son œuvre se partage entre des textes en russe et une production anglophone, où s'inscrit la thématique du déplacement et les figures d'une subjectivité livrée au poids du souvenir, à l'incertitude du moi et à la variation des lieux. La tentation du réalisme est présente, mais toujours au service d'un type de mentalisme : l'écrivain est seul apte à établir une systématique de correspondances généralisées, exemplairement lisible dans Regarde, regarde les Arlequins ! (1973). À la défaillance du langage, matérialisée par le plurilinguisme et aux masques de l'exil qui interdisent l'anamnèse parfaite, s'oppose le pouvoir de l'écriture, enquête sur ces défauts et mise en réseau de toutes les choses et de tous les sujets, comme dans Ada ou l'Ardeur (1969). Toute chronique se défait dans le prisme de la mémoire, inséparable de l'entêtement à dire la vanité du monde russe abandonné et la splendeur de l'hybridation littéraire. L'habileté à jouer de diverses traditions romanesques s'allie au constant plaisir pris à ruiner les constats négatifs que commande l'exil au profit de l'utopie secrète d'un espace géographique unifié et magnifié par le héros et la beauté de la femme (Détails d'un coucher de soleil, 1976). L'imaginaire double suscite le dédoublement dans le roman pseudo-biographique (Machenka, 1926) et exhibe, sous la fiction de l'adultère bourgeois banal, l'arbitraire de la narration (Roi, dame, valet, 1928). Les nouvelles d'Une beauté russe (1922-1940) enseignent que cet arbitraire a partie liée avec le constat de la ruine et avec la fatalité de l'humour, lucide et distancié. La Défense Loujine (1929), le Guetteur (1930), la Chambre obscure (1932), la Méprise (1934) s'attachent à la notation de la destruction, indissociable d'un calcul existentiel ou esthétique où la vie se fait œuvre. L'investigation et l'aptitude à l'analyse (le regard dans le Guetteur, les échecs dans la Défense Loujine) orchestrent la parodie du roman policier et fixent le statut de toute subjectivité, réceptacle d'images incapable d'attester une réalité. La vie, qui se dédouble en spectacles, impose une double vacuité du sujet et du récit, en un jeu explicite dans la Méprise, à la fois portrait parfait et meurtre du personnage. Si le Don (1937) conclut aussi sur la dissipation du moi, l'Invitation au supplice (1938), dernier roman en russe, établit le paradigme de la solitude : le condamné à mort diffère de tous tout en se sachant capable de rejoindre ses semblables. L'évidence du double est ainsi généralisée et devient certitude de l'appartenance du sujet à l'humanité.
La Vraie Vie de Sébastien Knight (1941), premier roman en anglais, s'oppose à la mystique de l'écrivain. Nabokov repousse la tentation de la spécularité narcissique : l'écriture ne rend compte de rien ni de personne, mais a pour fonction d'aller contre les genèses conventionnelles. Subsiste alors une manière d'autarcie : l'écrivain ne peut rendre compte de lui-même, mais reste, par sa vie et par son œuvre, une réalité intransgressable. Brisure à senestre (1947) tente de redresser ce portrait de l'écrivain sous les traits de l'intellectuel pris dans un État totalitaire. La thématique proprement américaine de Nabokov permet de jouer sur des dualités culturelles et de faire de l'exilé celui qui invite à lire l'envers des choses, même s'il en est prisonnier. Lolita (1955), roman de la nymphette, ne doit pas alors être interprété comme un récit érotique acide et provoquant, mais comme la fiction des fictions que porte la culture américaine. L'aventure entre une nymphette et un homme d'âge mûr (il épouse d'abord la mère avant d'entreprendre avec cette gamine cynique une randonnée exaspérante à travers les motels et les hypermarchés américains) joue des thèses freudiennes et des stéréotypes culturels américains. La nymphette est un personnage improbable, mixte d'enfant et de femme, qui permet la confession du héros, Humbert Humbert. Les amours interdites ne disent pas la transgression, mais la vanité de toute limite dès que l'Amérique est contrainte d'afficher ses paradoxes et l'irréalité de sa réalité. Dès lors, l'univers de l'exil entoure l'exilé. L'espace autarcique du campus universitaire et le personnage du professeur désignent la dépossession usuelle du héros et le pouvoir qu'il a d'être au centre de toutes choses, fût-ce de manière parodique (Pnine, 1957). Cette ambivalence et cette dualité ouvrent l'œuvre à la critique explicite du mentalisme et du report de l'écriture sur elle-même (Feu pâle, 1962), en une imitation humoristique d'un poème épique et de ses commentaires universitaires, qui suggèrent la mort de l'écrivain. Car, malgré la diversité des langues et des lieux, l'écrivain ne peut que dire un paysage syncrétique, où la femme-enfant symbolise à la fois l'appartenance première à toutes choses et un autre réel, irréductible et non-spéculaire. Ada ou l'Ardeur est ainsi la fable de l'écrivain, qui rassemble la généalogie, la botanique, les littératures, dans l'évidence d'un espace commun à l'Amérique et à la Russie tsariste. La revanche sur l'exil est revanche de l'imaginaire, qui va contre l'Histoire et convoque les interférences littéraires, preuves d'un continuum des êtres et des choses. Cette transparence est à la fois mémorielle (Autres Rivages, 1967) et fantasmatique (la Transparence des choses, 1972) : chaque œuvre est à elle-même son propre témoignage et la fiction, témoin de la biographie de l'écrivain obligé de dessiner sa propre terre et sa propre langue. Critique de Gogol, traducteur de Pouchkine, analyste de Joyce et de Flaubert, Nabokov se sait l'échangeur des langages et des réalités, et, par là, leur meilleur garant (Littératures I, 1980, sur les écrivains français et anglais ; Littératures II, 1981, sur les auteurs russes).