Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
M

Móricz (Zsigmond)

Écrivain hongrois (Tiszacsécse 1879 – Budapest 1942).

Il s'était préparé à une carrière scientifique, mais sa première nouvelle Sept Sous (1909) le rendit aussitôt célèbre. Collaborateur de la revue Nyugat, il salua avec enthousiasme la révolution de 1918 et la commune de 1919 – ce qui lui valut d'être emprisonné sous le régime de l'amiral Horthy. Ses romans peignent avec réalisme la vie des paysans et des propriétaires terriens (Fange et Or, 1910 ; Pauvres Gens, 1917 ; Ces messieurs s'amusent, 1928) et dénoncent la dégénérescence de la petite noblesse hongroise (Jusqu'à l'aube, 1926 ; la Famille, 1941). Auteur de romans historiques (Transylvanie, 1922-1923), de récits consacrés à la guerre d'indépendance de 1848 (Sándor Rózsa fait caracoler son cheval, 1941), de nouvelles (les Barbares, 1932) et de pièces de théâtre (le Sanglier, 1925), il reste un des écrivains majeurs de la littérature hongroise moderne.

Mörike (Eduard)

Écrivain allemand (Ludwigsburg 1804 – Stuttgart 1875).

La tonalité mélancolique de son œuvre reflète la modestie de son existence de pasteur, de professeur et de poète méconnu. Sa connaissance des littératures grecque et latine lui ont permis de renouveler les formes poétiques héritées du romantisme et du classicisme, et de créer un lyrisme d'une grande pureté qui a inspiré Schumann, Brahms et H. Wolf. Ses poèmes, parus en 1838 et 1848, contiennent des ballades baignant dans une atmosphère de sourde inquiétude et des idylles dans le goût du Biedermeier. Il est aussi l'auteur du roman d'éducation Maler Nolten (1832), de contes et de la nouvelle le Voyage de Mozart à Prague (1856).

Moritz (Karl Philipp)

Écrivain allemand (Hameln 1757 – Berlin 1793).

Il a raconté ses tourments d'enfant doué, mais pauvre et humilié, et ses tribulations d'adolescent saisi par la passion du théâtre dans le roman Anton Reiser (1785-1790), où l'introspection héritée du piétisme est appliquée à la recherche de la vérité psychologique. Goethe, qui voyait en lui « un frère cadet maltraité par le sort », l'aida à obtenir un siège à l'Académie de Berlin. L'œuvre de Moritz aborde les domaines esthétique, philologique, psychologique, mythologique avec des intentions didactiques qui la situent dans la tradition de l'Aufklärung. Mais elle appartient aussi au Sturm und Drang par son caractère tourmenté, brut et fragmentaire.

Mornay (Philippe de)

Seigneur du Plessis-Marly, homme politique et écrivain français (Buhy, Vexin, 1549 – La Forêt-sur-Sèvre 1623).

Surnommé « le Pape des huguenots », il est l'auteur d'une œuvre qui défend la religion réformée. Polémiste engagé contre Du Perron, philosophe et moraliste chrétien dans l'Excellent Discours de la vie et de la mort (1576) et les Discours et Méditations chrétiennes (1611-1624), il a fait œuvre d'apologiste dans le traité De la vérité de la religion chrétienne contre les athées, épicuriens, payens, juifs, mahomédistes et autres infidèles (1581) et l'Athéomachie (1582).

Moro (César Quispes Asin, dit César)

Écrivain péruvien (Lima 1903 – id. 1956).

Il organisa à Lima la première manifestation surréaliste et attaqua vivement Vicente Huidobro, qu'il accusa de plagiat. En 1933, il fonda la revue El uso de la palabra (l'Usage de la parole), puis organisa avec Paalen à Mexico, en 1940, une exposition internationale du surréalisme. Il a publié des poèmes en français (le Château de grisou, 1943 ; Amour à mort, 1957) et en espagnol (la Tortue équestre, 1957).

Morris (William)

Peintre et poète anglais (Elm House, Walthamstow, Essex, 1834 – Hammersmith, Londres, 1896).

Ami des préraphaélites Burne-Jones et Rossetti, il propose dans son premier recueil une relecture de l'épopée arthurienne (la Défense de Guenièvre, 1858). Il tente ensuite de redonner corps à un héroïsme esthétisé (Vie et Mort de Jason, 1867 ; le Paradis terrestre, 1868-1870), relance la « saga » (Sigurd le Volsung, 1876) et s'oriente vers l'exaltation des mythologies scandinaves et de la littérature médiévale. Fondateur en 1861 d'une fabrique de papiers peints, de tissus et d'objets décoratifs, créateur à Kelmscott d'une imprimerie d'où sortent des livres illustrés de gravures sur bois, militant socialiste dénoncé par Marx comme rêveur et esthète, exclu de la Ligue socialiste sous l'influence des anarchistes, il exprime son double souci d'une démocratie quotidienne et de la lutte contre la barbarie dans des textes utopiques : Un rêve de John Bull (1886-87), Nouvelles de nulle part (1890).

Morris (Wright)

Romancier américain (Central City, Nebraska, 1910 – Californie 1998).

Inversant les stratégies de Faulkner, il cherche non à recréer le passé pour en trouver l'aboutissement dans le présent mais à le figer pour l'exorciser : le Lieu natal (1948), Homme et enfant (1951), le Long Sommeil (1953), le Champ de vision (1956), Sur orbite (1967). On lui doit aussi des récits autobiographiques (Enfant de la volonté, 1981).

Morrison (Toni)

Romancière américaine (Cleveland 1931).

De son enfance à Lorain (Ohio), elle conserve l'attachement au folklore, aux mythes et aux croyances mystiques de la communauté noire. Après des études à Cornell University et des débuts au Texas, elle est depuis 1989 professeur à Princeton University. Sa vocation littéraire naît des histoires racontées par les membres de sa famille. Après une thèse sur Virginia Woolf et William Faulkner, elle devient aussi lectrice pour la maison d'éditions Random House à New York. Ses œuvres sont marquées par une volonté de découverte de l'autre et par l'exploration de l'aliénation du sujet quand il devient objet du regard (l'Œil le plus bleu, 1970 ; la Chanson de Salomon, 1977 ; Beloved, 1987). Auteur également d'une pièce de théâtre inédite, Emmet le rêveur (1986), elle reçu de nombreux prix, notamment le prix Pulitzer en 1988 et le prix Nobel de littérature en 1993. Dans Jazz (1992) et Paradis (1998), on retrouve une technique narrative originale, malgré ses liens indéniables avec Faulkner et d'autres écrivains du Sud : compassion et humour marquent une œuvre qui réfléchit sur la place des Noirs dans l'espace et dans le temps américains et tente de libérer le langage du poids des préjugés de sexe et de race, en une entreprise véritablement poétique. Son travail de critique porte sur la littérature afro-américaine et sur les réalités sociales de la condition noire aux États-Unis (le Jeu des ombres blanches et l'imagination littéraire, 1992).