Montemayor (Jorge de)
Écrivain espagnol d'origine portugaise (Montemor-o-Velho, près de Coimbra, v. 1520 – en Piémont 1561).
Il est l'auteur d'un Cancionero (1554), d'une traduction (1560) en castillan de la première partie des Chansons d'amour d'Ausiás March et, surtout, d'un roman pastoral mêlé de prose et de vers, les Sept Livres de la Diane (1559), souvent réédité, traduit et imité. L'œuvre, continuée par Alonzo Pérez (1563), puis par la Diane amoureuse de Gaspar Gil Polo (1564), exerça une grande influence sur la société de cour et la littérature européenne, principalement sur l'Astrée d'Urfé.
Montépin (Xavier de)
Écrivain français (Apremont, Haute-Saône, 1823 – Paris 1902).
Chartiste, collaborateur du Pamphlet et du Lampion, il fut condamné pour obscénité pour son roman, les Filles de plâtre (1855). Successeur de Dumas à la tête du Mousquetaire (1856), il se fit connaître par de nombreux romans populaires comme la Porteuse de pain (1884) ou la Voleuse d'amour (1894). La plupart de ses romans furent adaptés en drames.
Montesquieu (Charles Louis de Secondat, baron de)
Écrivain et philosophe français (La Brède 1689 – Paris 1755).
Noble de robe, il fit ses études chez les oratoriens, puis acquit une bonne formation de juriste à Bordeaux et à Paris ; mais, attaché à sa terre, il sut la mettre en valeur. S'il fut parisien et cosmopolite, il ne laissa pas de revenir très régulièrement dans ses terres et son château. C'est là qu'il travailla, médita et trouva la sérénité et le détachement qui caractérisent son œuvre.
Un provincial, homme du monde
Conseiller au parlement de Bordeaux, il reçoit de son oncle, en 1716, le nom de Montesquieu et une charge de président à mortier. Il conserve cette charge jusqu'en 1725. En fait, il n'aime pas la procédure, dont le détail l'embarrasse. Son expérience de juriste s'ajoutera cependant à une maîtrise des réalités économiques concrètes. De 1717 à 1721, il consacre son temps à l'étude des sciences et compose divers mémoires de physique (l'Écho, 1718 ; le Flux et le Reflux, 1718) et de médecine (les Maladies rénales, 1718). Il écrit deux essais en 1716, la Politique des Romains dans la religion et un Système des idées. La publication, en 1721, des Lettres persanes lui apporte un succès immédiat. Il vient alors à Paris de 1722 à 1725 et y fera par la suite de nombreux séjours. Il fréquente la bonne société parisienne, les salons de Mme de Tencin, de Mme Geoffrin et de Mme du Deffand. Toute une partie de son œuvre porte la marque mondaine de ces salons et a, comme le dit Sainte-Beuve, « le cachet Régence » : le Temple de Gnide (1725), l'Histoire véritable d'Arsace et Isménie, qui fut composée vers 1730 mais ne parut qu'après la mort de leur auteur. Ces ouvrages témoignent à la fois d'une aisance sociale et d'une finesse remarquable dans l'analyse des sentiments et, déjà, des mœurs.
Il fréquente le club de l'Entresol, où il lit le Dialogue de Sylla et d'Eucrate, un texte de forme académique mais qui révèle l'intérêt du philosophe pour l'histoire et la politique. Il compose des Considérations sur les richesses de l'Espagne dans lesquelles il s'essaie à l'histoire économique. En 1727, il entre à l'Académie française.
Un explorateur à l'œuvre
Montesquieu entreprend alors une série de voyages, en Allemagne, en Autriche-Hongrie, dans les États italiens, en Suisse et en Hollande (1728-1729). Puis il passe en Angleterre à la suite de lord Chesterfield. Il y séjourne de 1729 à 1731. Ces années sont décisives dans la formation intellectuelle de l'auteur de l'Esprit des lois. Ses journaux de voyage révèlent un esprit d'une immense curiosité. Il s'intéresse à tout, géographie, économie, mœurs, usages politiques, richesses artistiques. Cette observation fait de lui le plus réellement cosmopolite des philosophes de son temps. De 1731 à 1748, il travaille à l'Esprit des lois (1748), qui sera l'œuvre de sa vie. Il en publie séparément un chapitre, digression devenue un livre autonome, les Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence (1734). L'Esprit des lois rencontre un succès immense, mais est attaqué à la fois par les jésuites et par les jansénistes : Montesquieu leur répond avec vigueur dans la Défense de l'Esprit des lois (1750). Il compose encore deux ouvrages, Lysimaque (1754) et, pour l'Encyclopédie, à laquelle il apporte ainsi son soutien, l'Essai sur le goût, qui ne paraîtra qu'en 1756, après sa mort. Il jugea avec perspicacité la politique de son temps : l'absolutisme et le faste de Louis XIV, le système de Law, la politique du cardinal Dubois trouvèrent en lui un censeur sévère. Mais son génie exigeant avait besoin du calme de La Brède et des ressources de sa bibliothèque ; c'est à la retraite et à l'étude que l'on doit l'Esprit des lois. Le détachement est chez lui une ascèse ; c'est le fondement même de sa méthode.
Les Lettres persanes (1721). Dans ce roman par lettres, l'extériorité du narrateur persan et la naïveté feinte donnent à l'image de la société française le statut d'objet sociologique. Les deux explorateurs persans, Usbek et Rica, découvrent Paris comme des ethnologues modernes une société amérindienne. Montesquieu se situe dans la tradition satirique de La Bruyère. Mais cette ironie et cette mise à distance ont valeur de révolution copernicienne. Montesquieu ne se contente pas de montrer les ridicules de la mode, des discussions littéraires, de la vie mondaine, il s'attaque aux cercles de la politique et de la religion. Par le recours à un autre recul, celui de l'utopie, Montesquieu analyse, dans son histoire du peuple troglodyte, les relations qui unissent les mœurs d'un État à son régime politique. Le choix de la forme épistolaire permet aux deux voyageurs d'adresser leurs impressions à différents correspondants. Ainsi, le récit se développe à deux niveaux : à mesure qu'Usbek poursuit son enquête sur les mœurs parisiennes, le luxe, le progrès, le gouvernement, la législation, le désordre s'installe et la révolte éclate dans le sérail qu'il a abandonné. Découvrant intellectuellement le lien nécessaire, et si souvent distendu, entre bonheur et liberté (témoin la fable des troglodytes), Usbek constate que son propre système de vie repose sur la contrainte infligée à autrui : contradiction qui noue étroitement romanesque et débat philosophique.
L'esprit des Lois (1748). Il y a, dans ce livre, une réelle rupture avec la réflexion de ses prédécesseurs, Hobbes, Spinoza ou Grotius. Aussi n'a-t-il pas pour but de « saisir des essences, mais découvrir des lois ». Écartant toute référence à la notion de « contrat social », Montesquieu, dans le même temps qu'il se débarrasse de la problématique des origines, se trouve libre de s'occuper des faits. Cependant, son information est surtout livresque et souvent peu critique. Mais une méthode est née qui n'abandonne l'histoire ni au hasard ni à la Providence. Loin de fonder le droit d'une société future, il ne s'intéresse qu'aux lois (scientifiques) qui expliquent les lois (celles du droit). Il rapporte les trois types de gouvernement qu'il aperçoit (républicain, monarchique, despotique) à leur « principe » respectif (la vertu, l'honneur, la crainte). C'est dire qu'il lie la forme du gouvernement au fonctionnement de la société civile. Il ne néglige pas les autres instances déterminantes concrètes, conditions géographiques ou climatiques : les minuscules États antiques sont plus facilement républicains ; le despotisme sévit dans les immenses empires orientaux.
L'objectivité ne met pas à l'abri du « parti pris », et celui de Montesquieu est fort lisible. Ce gentilhomme est favorable à la monarchie, du moins à une monarchie qui laisse un pouvoir à la noblesse. Voilà pourquoi il condamne la dérive absolutiste du pouvoir royal français et reste attaché à des « pouvoirs intermédiaires » qui protègent les nobles du roi et du peuple tout à la fois. Montesquieu plaide pour une « société douce », maintenue en équilibre par la combinaison des pouvoirs. La contestation doit être constitutionnelle. Le meilleur garant de « la liberté », ce sont les libertés, les droits des individus et des groupes.