Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
F

Foreman (Richard)

Auteur dramatique et metteur en scène américain (New York 1937).

Promoteur d'un théâtre « hystérique ontologique », défini dans ses Pièces et manifestes (1976), il ne s'attache ni aux mots ni aux choses, mais à leurs relations. De Face d'ange (1968) à la Robe de chambre de Georges Bataille (1983), il fait des acteurs des objets animés et joue sur la démultiplication de l'espace et du temps, identifiant le théâtre au pouvoir du regard.

formalisme russe

Ce terme, initialement péjoratif, a été repris par les membres d'un mouvement issu de deux cercles littéraires animés par de jeunes critiques, Roman Jakobson (1896-1982) à Moscou, Viktor Chklovski (1893-1894) et Boris Eikhenbaum (1886-1959) à Saint-Pétersbourg. Attentifs aux acquis de la linguistique et aux expérimentations de la poésie moderne, futuriste en particulier, ceux-ci entendent se débarrasser à la fois de l'histoire littéraire et de la critique subjective pour élaborer une « science de la littérature ». Héritiers en cela des symbolistes, ils travaillent d'abord sur la spécificité de la langue poétique, ce qui leur permet de dégager des « procédés » qui fondent la « littérarité » d'un texte et sa puissance de « défamiliarisation ». Si Jakobson, en émigrant, a poursuivi l'entreprise formaliste, dont est issu le structuralisme, les formalistes restés en Russie, sous la pression du réalisme socialiste, reviennent sur leur position. Les grands textes fondateurs de Boris Tomachevski (1890-1957), Iouri Tynianov (1894-1943), Viktor Jirmounski (1891-1971) sur le vers, et de Chklovski et Eikhenbaum sur la prose sont donc tous antérieurs aux années 1930. Beaucoup de formalistes se sont tournés vers la biographie ou la fiction (Chklovski, Zoo, 1923 ; Tynianov, Lieutenant Kije, 1928).

Forner (Juan Pablo)

Écrivain espagnol (Mérida 1756 – Madrid 1797).

Poète néoclassique et pamphlétaire véhément, il défendit la pureté de la langue espagnole (Obsèques de la langue castillane, 1782) et l'originalité de la littérature ibérique contre les influences étrangères (Discours apologétique, 1786). Il polémiqua notamment contre le fabuliste Tomás de Iriarte (l'Âne érudit, 1783). On lui doit aussi des comédies et des tragédies (l'Athée, le Philosophe amoureux).

Forneret (Xavier)

Écrivain français (Beaune 1809 – id. 1884).

Il se ruina pour faire jouer ses pièces (l'Homme noir, blanc de visage, 1834) et éditer ses textes ; il est vrai que ses exigences typographiques désemparaient les imprimeurs et que l'originalité de ses poèmes déroutait la critique (Vapeurs, ni vers ni prose, 1838 ; Pièce de pièces, Temps perdu, 1840 ; Broussailles de la pensée, 1870). Les surréalistes surent découvrir chez Forneret des « images audacieuses » (A. Breton) et firent de lui l'un de leurs ancêtres, au même titre que Lautréamont.

Forster (Johann Georg)

Écrivain allemand (Nassenhuben, près de Danzig, 1754 – Paris 1794).

Il voyagea aux Indes, en Russie, Hollande et en Angleterre, et participa au deuxième voyage de Cook. Professeur de sciences naturelles, puis bibliothécaire, partisan de la Révolution française, il fut président du Club des Jacobins de Mayence et se rendit à Paris pour demander le rattachement de la rive gauche du Rhin à la France (1793). Proscrit en Allemagne, il mourut dans la misère. Ses récits de voyage (Voyage autour du monde, 1779-80) ainsi que ses Voyages philosophique et pittoresque sur les rives du Rhin (1791-1794) font de lui un précurseur de l'histoire de l'art et de l'anthropologie.

Forster (Edward Morgan)

Écrivain anglais (Londres 1879 – Coventry 1970).

Issu d'une famille liée à Wilberforce, agnostique, anticlérical, proche de Bloomsbury, il chante discrètement la beauté et le désir. Il se livre à une critique du philistinisme, de la tristesse et des mutilations du cœur (Où les anges n'osent marcher, 1905) puis de la fidélité contrainte dans le mariage (le Plus Long Voyage, 1907). Chambre avec vue (1908) oppose la douceur de vivre des pays méditerranéens au puritanisme et à l'austérité de la société britannique. Retour à Howard's End (1910) confronte une nouvelle fois la liberté et la tolérance des intellectuels progressistes à l'étroitesse d'esprit et aux préjugés bourgeois de la moralité victorienne, dont le carcan paraît insupportable en ce début du XXe siècle. Forster y exprime l'aristocratie naturelle des audacieux et des attentionnés ; l'héroïne, Margaret Schlegel, a pour devise « Only connect », qui résume l'utopie relationnelle de l'auteur. Avec Maurice (1914, publié à titre posthume en 1971), il réclame le droit au bonheur homosexuel. La Route des Indes (1924), son chef-d'œuvre, balaye l'héritage colonialiste du XIXe siècle et souligne le gouffre qui sépare les cultures malgré la bonne volonté de quelques individus malheureusement isolés. Proche de Bloomsbury, Forster opte cependant pour une fiction traditionnelle dans sa forme. À 33 ans, son œuvre est pratiquement achevée, mais il interviendra comme critique pour la complexité romanesque (Aspects du roman, 1927) et, durant la guerre à la radio, contre la barbarie (Deux Bravos pour la démocratie). En 1951, il rédige pour le compositeur anglais Benjamin Britten le livret de l'opéra Billy Budd, d'après la nouvelle de Herman Melville. Dans les années 1980, les adaptations cinématographiques de David Lean et de James Ivory ont beaucoup fait pour la popularité de E. M. Forster auprès du grand public.

Fort (Paul)

Poète français (Reims 1872 – Montlhéry 1960).

Fondateur du théâtre des Arts (1890-1893), où sont joués Shelley, Marlowe, Maeterlinck et Rachilde en réaction contre le théâtre naturaliste d'Antoine, il collabore au Mercure de France et à l'Ermitage où il publie des poésies qui deviennent, en 1897, les premières Ballades françaises. Il conservera ce titre pour tous ses écrits poétiques (1897-1951). Petits poèmes en prose rythmée, assonancée ou rimée, les « ballades » chantent la joie de vivre dans un cadre familier hors du temps, et la fantaisie d'un imaginaire bon enfant (« Si tous les gars du monde voulaient se donner la main », la Ronde autour du monde). Directeur, avec Paul Valéry, de la revue Vers et Prose (1905-1914), qui défend le symbolisme, il est, en 1912, après un référendum organisé par le Gil Blas, triomphalement élu « prince des poètes » à la Closerie des Lilas, à Paris. Dans ses Chroniques de France, qui rassemblent son œuvre théâtrale (Louis XI, curieux homme, 1922 ; Ysabeau, 1924 ; les Compères du roi Louis, 1927), on retrouve la couleur et l'esprit des Ballades mais sans ce sens de l'épique et de la destinée qui seul aurait pu faire de Paul Fort le poète national qu'il rêvait d'être.