Adonis (Ali Ahmad Said Isbir, dit)
Écrivain libanais d'origine syrienne (Qassâbîn 1930).
Après des études de philosophie à Damas, il part pour des raisons politiques au Liban (1956), où il anime la revue Chi'r (1957) et fonde la revue Mawâqif (1960). Il vit à Paris depuis 1985. Poète avant-gardiste, subversif et visionnaire, il a une écriture très élaborée, alliant poème en prose et vers libre, qui puise dans les grands mythes et exprime jusqu'au surréalisme une constante inquiétude métaphysique ([Chants de Mihyar le Damascène], 1961 ; [le Livre des transformations], 1965 ; [le Théâtre et les miroirs], 1968). Il est aussi théoricien (Introduction à la poésie arabe, 1971).
Ady (Endre)
Poète hongrois (Érmindszent 1877 – Budapest 1919).
Issu de hobereaux calvinistes, il devint un des chefs du mouvement littéraire de la revue Occident (Nyugat). Un séjour de plusieurs années à Paris et sur la Côte d'Azur en compagnie d'une femme riche, passionnée et tyrannique, la « Léda » de ses poèmes (Poèmes nouveaux, 1906 ; Sang et Or, 1907 ; Sur le char d'Élie, 1909), contribua à enrichir son art, lui permettant notamment de se familiariser avec les poètes symbolistes français. Rénovateur des idées et des formes de la poésie nationale, il a su communiquer à la langue hongroise une vigueur nouvelle. Rongé par la maladie, hanté par l'idée de la mort et de Dieu, (Poèmes sur tous les secrets, 1911 ; la Vie fugitive, 1912 ; Notre amour à nous, 1913 ; Qui m'a vu ?, 1914), unissant un socialisme apocalyptique à un érotisme fantasmatique, Ady est un des premiers poètes européens de l'angoisse et du gouffre (les Derniers Vaisseaux, 1923).
Ælfric
Moine anglo-saxon (vers 955 – v. 1020).
L'un des principaux auteurs antérieurs à la conquête normande, Aelfric fut particulièrement prolifique. Ses quatre-vingts Homélies catholiques, écrites en une prose rythmée où l'allitération est fréquente, jouèrent un rôle important dans le renouveau monastique. On lui doit aussi le premier dictionnaire latin-anglais, une quarantaine d'hagiographies, des lettres pastorales (où il définit les devoirs et les fonctions des prêtres) et toutes sortes d'ouvrages destinés à répondre aux questions pratiques de l'Église.
Afa-Warq (Gabra-Yasus)
Écrivain éthiopien (Zagyé 1868 – Djiren, près de Djimma, 1947).
Après des études traditionnelles, il est envoyé en 1887 à Turin pour se perfectionner dans la peinture. À son retour au Choa, il est chargé de décorer la nouvelle église Sainte-Marie bâtie à Entotto. Il encourt la colère de l'impératrice Taytu et retourne en Italie, où il va assister à Naples F. Gallina pour l'enseignement de l'amharique, de 1902 à 1912. C'est le point de départ d'une carrière de linguiste et d'écrivain qui se poursuivra brièvement après son retour en Éthiopie. Sous le règne de Hâyla Sellâsê, il sera commerçant, fonctionnaire, diplomate, mais la conquête italienne marquera un tournant décisif dans sa vie. Il se rallie aux occupants, qui font de lui le président de la Cour suprême. À la libération de son pays, il est arrêté et meurt en déportation. Éditeur en guèze du Psautier, auteur en italien ou en français de quatre ouvrages de linguistique amharique, il n'a écrit qu'un seul roman, Histoire imaginaire (1908), mais c'est le premier roman de la littérature amharique. Avec cette histoire très romanesque, un peu naïve et moralisatrice, fortement imprégnée de l'esprit traditionnel, il inaugure un genre littéraire jusque-là inconnu en Éthiopie : le ton en est familier et simple, mais le vocabulaire est raffiné et le style recherché. Tous ces traits originaux inspireront les nouveaux écrivains éthiopiens. Afa-Warq est aussi l'auteur d'une vie de Ménélik II (1909) et du récit du voyage du régent Tafari à Djibouti et à Aden (1923). Il cultivait la poésie, et on connaît de lui un poème satirique contre Ledj Yasu. Il reste le plus important des écrivains éthiopiens de la première moitié du XXe s.
Afanassiev (Aleksandr Nikolaïevitch)
Folkloriste et écrivain russe (Bogoutchar 1826 – Moscou 1871).
Introducteur de l'« école mythologique » en Russie, il est surtout connu pour ses Contes populaires russes (1855-1864), première édition de contes populaires authentiques de cette envergure (plus de 600 textes) au monde. La conception du recueil, avec variantes, index, en fait un outil de travail incomparable.
Afrique du Sud
Trois grands domaines linguistiques se partagent la littérature sud-africaine : le domaine des langues bantoues, le domaine afrikaner et le domaine de la littérature de langue anglaise.
Le domaine bantou
Représenté par les littératures en sotho, xhosa et zoulou, il est certainement le plus ancien, puisque dès la première moitié du XIXe s. des missionnaires avaient entrepris la traduction dans ces différentes langues de la Bible et du Pilgrim's Progress de John Bunyan, point de départ des premières œuvres de création de la littérature sud-africaine. Si E. L. Segoete et Z. D. Mangoela peuvent être considérés comme les pionniers de la littérature sotho, celle-ci doit surtout sa renommée à Thomas Mofolo dont le Chaka, publié en 1925 et traduit en anglais dès 1931, a connu un très grand succès à travers toute l'Afrique, où il a servi de modèle à de nombreux écrivains. En xhosa, les écrivains les plus notables sont S. E. K. Mqhayi – dont le roman la Case des jumeaux (1905) est une tentative de restitution de la vie à la cour des anciens souverains avant l'arrivée des premiers Européens –, J. R. Jolobe, connu pour son recueil poétique UmYezo, et A. C. Jordan, qui, dans un récit intitulé la Colère des ancêtres (1951), prend ses distances vis-à-vis des conventions littéraires imposées par les missionnaires et affirme la permanence des valeurs traditionnelles de la tribu. La plus jeune des littératures du domaine bantou, la littérature zoulou, s'attaque d'entrée de jeu aux problèmes posés par la situation des Noirs d'Afrique du Sud avec le pamphlet de J. L. Dube, le Pire Ennemi de l'homme noir c'est lui-même (1922), mais son meilleur représentant est certainement B. W. Vilakazi (1906-1947), romancier et poète, dont l'œuvre la plus connue, Amal'ezulu (1945), témoigne avec énergie contre la condition misérable faite au Noir. Si King Masinga et Welcome Msomi (Umabatha, 1972) traduisent Shakespeare en zoulou, les littératures bantoues, nées dans le giron des missions chrétiennes, en sont venues progressivement à rejeter le moralisme et le folklore des premières œuvres pour exprimer la protestation des opprimés.
Le domaine afrikaans
Il en va tout autrement avec la littérature afrikaner, dont la naissance et l'évolution sont étroitement liées à l'implantation des colons d'origine hollandaise installés dans la région du Cap dès le XVIIe s,. et qui finissent par faire de leur langue, l'afrikaans, le symbole de l'indépendance nationale et le ciment culturel de la communauté boer ; c'est le révérend S. J. Du Toit (1847-1911), un pasteur de l'Église hollandaise réformée, qui, le premier, a compris l'importance du problème linguistique pour la communauté boer, et ses efforts ont abouti en 1914 à la reconnaissance de l'afrikaans comme langue officielle de l'enseignement secondaire. Toutefois, il faut attendre le lendemain de la Première Guerre mondiale pour qu'apparaissent les premières œuvres écrites dans cette langue, avec la publication des recueils poétiques de Jan Celliers (1865-1940), Eugène Marais (1871-1936), Totius (1877-1953) et Louis Leipoldt (1880-1947). En 1930, le mouvement des Dertigers prend la relève : c'est l'œuvre de N. P. Van Wyk Louw (1906-1970) qui exprime le mieux les tendances complexes d'une littérature hésitant encore entre la fresque historique, la confession romantique et la méditation métaphysique. On doit à Van Wyk Louw à la fois un important travail sur la langue littéraire, qu'il contribue à créer, et un profond renouveau de la critique longtemps limitée à l'interprétation biographique. Dans son sillage s'inscrit l'œuvre de deux poètes de moindre envergure, Élisabeth Eybers (Die stil Avontuur, Die Ander Dors) et Uys Krige (Rootdag, Hart Sonder Hawe), dont la poésie trahit l'influence des grands romantiques et qui a depuis lors choisi de s'exprimer en anglais. Après les bouleversements consécutifs à la Seconde Guerre mondiale, ce sont encore les poètes qui occupent la première place avec D. J. Opperman (Heilige Beeste, Joernaal van Jorik), S. J. Pretorius, Ernst Van Heerden, Peter Blum, mais, à partir de 1960, le roman jusque-là minoritaire (il faut toutefois excepter le best-seller de Hettie Smit, Sy Kom Met Die Sekelmaan, succès des années 1930) va l'emporter dans la production littéraire afrikaner. En partie sous l'influence du « nouveau roman » français, un groupe de « jeunes gens en colère », les Sestigers (écrivains des années 1960) s'appliquent en effet à donner de la société sud-africaine une image plus conforme à la réalité, et leurs œuvres traduisent un souci de sincérité qui n'a pas toujours rencontré l'approbation des milieux conservateurs. Ainsi le plus célèbre d'entre eux, André Brink (né en 1935), déjà connu pour son roman Die Ambassadeur, a-t-il encouru les rigueurs de la censure (jusqu'alors très indulgente à l'égard des écrivains afrikaners) au moment de la parution de Connaissance du soir en 1973. Cette sévérité, qui n'a pas épargné non plus le romancier Étienne Leroux (Sewe dae by die Silbersteins, Die Derde Oog), s'explique par le fait que, à l'instar de son cadet, l'auteur de Een Vir Azazel aborde dans ses œuvres le sujet tabou des relations sexuelles entre Blancs et non-Blancs : c'est pour avoir transgressé ce sujet, et cette législation, que le poète et peintre Breyten Breytenbach (né en 1939) a été emprisonné à plusieurs reprises (Feu froid, 1976).