Le mot a d'abord existé sous la forme de l'adjectif « humaniste », le substantif « humanisme » étant apparu tardivement. L'adjectif, dont on situe la première apparition dans la langue française vers 1539, proviendrait d'une adaptation du néolatin « umanista », qui désignait dans l'Italie du XIVe s., professeurs et étudiants qui se spécialisaient dans l'étude de la langue et des littératures de l'Antiquité, domaine que l'on appelait encore récemment les « humanités ». L'humanisme serait donc avant tout une activité fondée sur l'étude des textes anciens – les studia humanitatis – qui ouvrent un champ de découverte dont l'homme est l'objet central. Derrière les « humanités », c'est bien l'étude de ce qui est humain qui est visée. L'humanisme peut ainsi se définir comme un mouvement intellectuel lié à l'époque de la Renaissance et à ses nouveaux modes de diffusion du savoir, tels que l'imprimerie, fondé sur une nouvelle méthode d'investigation des textes et donnant lieu à un renouvellement de la représentation du monde et de la place que l'homme y occupe.
Le renouveau philologique et critique
Ce mouvement est avant tout lié au renouveau de l'érudition : sous l'influence des grammairiens byzantins fuyant Constantinople, après la prise de la ville par les Turcs en 1453, les érudits améliorent significativement leurs compétences linguistiques en grec. Dès lors, des auteurs tels que Platon, Aristote, Diogène Laërce ou Homère deviennent accessibles dans le texte d'origine ; il n'est plus besoin d'être tributaire de traductions ou de réécritures latines tardives. Les editio princeps (premières éditions imprimées) de la plupart des auteurs grecs fleurissent alors entre la fin du XVe et le XVIe s. De même, l'hébreu est de plus en plus pratiqué et, avec le grec et le latin, devient une des trois langues maîtrisées par les humanistes.
En outre, ce renouveau passe par une modification radicale du rapport que l'on pouvait entretenir avec les textes : la recherche et l'étude des œuvres antiques commencent dès le XVe s. à être considérées pour leur intérêt propre : ces textes ne sont plus simplement considérés comme des matériaux à intégrer au théocentrisme médiéval : Pétrarque, Boccace, Salutati en ont donné l'exemple. De plus, il ne s'agit plus de passer par des intermédiaires, qu'ils soient traductions, commentaires ou autres gloses diverses, mais d'atteindre le texte dans son authenticité originelle en éliminant tous les ajouts et toutes les transformations qu'on a pu lui faire subir. Cet exercice de remontée au texte primitif, qui vise à lire à nouveau le texte tel que l'auteur l'avait réellement conçu, a pour nom la philologie, discipline que l'humaniste français Guillaume Budé définit comme « amour des bonnes lettres et inclination à l'étude ». Aimer les textes, rechercher leur fréquentation sans les maltraiter et en respectant leur identité implique une véritable éthique des professions liées à l'érudition.
L'humanisme, fondé sur cet exercice de la philologie, passe alors par deux gestes fondamentaux. Tout d'abord « trouver ». Les humanistes de l'Europe tout entière se rendent dans les grandes cités italiennes – Venise au premier chef – pour s'approvisionner en profitant des caisses de manuscrits débarquées de l'Empire Byzantin avec les savants grecs en fuite. Les libraires-imprimeurs comme Henri Estienne viennent de loin pour traquer des textes qui leur permettront de préparer des publications imprimées. Ils ne sont pas les seuls : des copistes sont dépéchés dans les bibliothèques afin d'alimenter les fonds d'autres bibliothèques, comme la Librairie royale que François Ier décide de fonder vers 1522. Cette recherche fiévreuse se prolonge par la tâche philologique par excellence, l'établissement des textes : il s'agit de reconstituer, à partir des manuscrits recopiés par plusieurs scribes successifs au fil des siècles, le texte réellement écrit par l'auteur. Une telle restitution demande de « collationner » – c'est-à-dire de comparer – les différentes versions afin de remonter par hypothèses successives vers le texte le plus proche de celui que Cicéron, Plutarque ou Virgile avaient pu composer de leur vivant. Ce travail de « nettoyage » du texte définit peu à peu ses règles qui en font une discipline à part entière.
La première « conquête intellectuelle » de l'humanisme fut donc d'arracher les textes à l'oubli ou aux métamorphoses que leur avaient fait subir les générations successives de lecteurs irrespectueux. Elle entraîna logiquement l'essor d'un nouvel esprit critique : dans la mesure où l'on ne se satisfaisait plus des acquis légués par la tradition et où il fallait tout vérifier par soi-même, on réaffirmait les droits de l'individu à refuser l'autorité des textes disponibles fondée le plus souvent sur l'ancienneté et le prestige. La volonté de Lefèvre d'Étaples de traduire les textes bibliques et de les commenter en langue vulgaire est significative de l'insatisfaction éprouvée par ces humanistes face à la Vulgate, traduction latine établie par saint Jérôme sur laquelle l'Église se fondait depuis le VIIIe s. Il fallait revenir aux sources grecques et hébraïques, établir à nouveau le texte dans sa pureté pour le traduire ensuite en une langue qui serait accessible à tous. Ainsi, les humanistes tels que Lefèvre, Érasme ou Budé mirent en œuvre cette volonté de « dépoussiérer » pour mieux comprendre, ce qui permit une approche renouvelée de textes primordiaux pour la vie sociale tels que les saintes Écritures ou encore les Pandectes, recueils de textes de droit romain.
S'ouvre ainsi, entre les spéculations scolastiques et les disciplines formelles du trivium, un champ de recherches aux frontières imprécises où les questions morales, politiques, religieuses, esthétiques se profilent sous l'éclairage contrasté de tous les foyers de pensée de l'Antiquité païenne et judéo-chrétienne, ravivées par leur confrontation. Et les difficultés s'accroissent dans la mesure même où les travaux se font plus rigoureux : entre hellénisme et christianisme, Budé marque les différences qu'estompait Ficin, et invite à « passer » de l'un à l'autre (De Transitu, 1534) au lieu de les confondre ; c'est là une perception plus nette de la question, requise par les exigences mêmes de l'humanisme.