Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
P

précaire, (suite)

La politique menée par Charles Martel (688-741) est en effet coûteuse : il lui faut disposer des moyens de récompenser les services politiques et militaires qu'il exige de l'aristocratie franque, et veiller à ce que leur coût n'entraîne pas l'appauvrissement de ceux qui y sont astreints. Charles confisque donc de nombreuses terres d'Église afin de les attribuer en bénéfice à ses fidèles. Mais ce mouvement de spoliation ne peut être poursuivi longtemps car il dresse les évêques contre le pouvoir politique. Aussi, les fils de Charles - Pépin et Carloman - mettent-ils au point dans les années 740, en accord avec les autorités ecclésiastiques, un instrument juridique permettant de mobiliser les biens de l'Église sans l'appauvrir : par un simple ordre, le roi transfère la possession d'une terre appartenant à un monastère ou à un évêché à un laïc ; à charge pour ce dernier de verser au propriétaire une redevance, souvent lourde. Il s'agit donc à la fois d'un bénéfice et d'un contrat agraire. Le « précariste » doit au roi tous les services du fidèle, tout en ayant avec l'Église une relation économique.

La formule est employée essentiellement durant la seconde moitié du VIIIe siècle. Le renforcement du pouvoir de l'Église au IXe siècle empêche, par la suite, les souverains de procéder à de nouvelles opérations de cette nature.

préciosité,

courant de sociabilité mondaine actif au XVIIe siècle.

Il est des précieuses dès le Moyen Âge qui ne sont que des prudes, moquées par le poète Eustache Deschamps. Mais la préciosité n'apparaît comme phénomène social qu'au XVIIe siècle (le substantif date de 1664), lié à une stabilité politique et à une paix civile retrouvées, propices à l'épanouissement de la galanterie et de la conversation dans un nouvel espace : le salon.

Arthénice, Sapho et les autres.

• C'est en effet au salon que, quittant la cour et ses manières rustaudes, la société aristocratique se déplace, autour de la maîtresse des lieux, bientôt rejointe par ceux qui se piquent de bel esprit et font profession d'écrire : Malherbe fréquente chez Mme des Loges, Voiture entame sa carrière à l'hôtel de Condé, la vicomtesse d'Auchy attire des plumitifs de moindre renommée... Mais c'est le salon de Catherine de Vivonne, marquise de Rambouillet, qui, par sa durée - des années 1620 à 1665 -, symbolise le mieux le phénomène « précieux » : on y rencontre tout ce que Paris compte de gens bien nés, d'esprits brillants, d'écrivains de renom - Corneille, Mairet, Scarron... Voiture y fait admirer toutes les facettes de son esprit. L'hôtel de Rambouillet règne ainsi sur la mondanité parisienne, et l'admission dans la chambre bleue d'Arthénice (version anagrammatique du prénom de la marquise) donne lieu à des intrigues aussi poussées que pour assister aux levers ou couchers du Louvre. Au mitan du siècle, l'Hôtel décline : Voiture n'est plus, la marquise se vieillit, sa fille - Julie d'Angennes, pour qui fut tressée la fameuse Guirlande poétique - manque de charisme. Les mondains trouvent refuge chez Mlle Sully, Mlle de La Suze, Mme de Sablé, Mlle de Scudéry. Cette dernière - qui s'est portraiturée dans son Grand Cyrus sous le nom de Sapho - attire un public plus bourgeois. Quelques années plus tard, Louis XIV drainera vers Versailles une mondanité qu'il mettra au service de sa seule gloire.

Jeux de paroles, enjeux de société.

• « Le précieux choisit un mode d'action, duquel découlent des mœurs et un jargon », remarquait justement René Bray, alors même que l'on a souvent pris l'apparence de la préciosité - les badinages salonnards, l'épuration du langage, la sophistication des sentiments, etc. - pour son essence. Effort pour se distinguer, la préciosité procède donc d'une volonté : par là même, elle affirme le primat de la culture sur la nature. Dès lors, on conçoit que, hors de ces excès qu'a caricaturés Molière dans ses Précieuses ridicules (1659), le classicisme en est le prolongement logique.

Il apparaît ainsi, au-delà d'une écume à laquelle on l'a trop souvent réduite, que la préciosité recouvre des enjeux qui excèdent largement les salons et ruelles où elle s'épanouit. Témoin, l'importance des débats sur la place de la femme tant à travers des revendications en matière matrimoniale qu'en matière de culture. Sans aller à faire d'elles des féministes avant la lettre, du moins doit-on reconnaître que les précieuses agitent des idées qui témoignent d'une attention portée à la vie sociale - fût-elle réduite à un microcosme de privilégiés de la fortune et de l'esprit - en vue d'en modifier les permanences en un temps où, précisément, le pouvoir entend en renforcer l'immobilisme.

préfet,

fonctionnaire institué par la législation du 28 pluviôse an VIII (17 février 1800), et placé par Bonaparte à la tête de chaque département .

Un agent essentiel du pouvoir.

• « Il faut que la France date son bonheur de l'établissement des préfectures », affirme le Premier consul. La réforme administrative mise en œuvre sous le Consulat repose sur la nomination directe ou indirecte de l'ensemble des exécutifs des différents niveaux administratifs par le pouvoir central. À partir de février 1800, le pouvoir dispose d'un atout essentiel en la personne du préfet. Comme le remarque Tocqueville, l'intendant et le préfet « semblent se donner la main à travers le gouffre de la Révolution qui les sépare » ; le second dispose néanmoins d'un pouvoir plus étendu que le premier, du fait de la disparition de nombreux échelons intermédiaires entre le pouvoir central et son représentant local.

Les premiers préfets choisis par Bonaparte sont surtout d'anciens membres des assemblées révolutionnaires, auxquels s'ajoutent anciens ministres et généraux. La diversité de leurs antécédents et de leurs engagements politiques renvoie à une volonté politique claire, que précise la circulaire du 28 floréal an VIII (17 mai 1800) : « Toute idée d'administration et d'ensemble disparaîtrait si chaque préfet pouvait prendre pour règle de conduite son opinion personnelle sur une loi ou sur un acte de gouvernement. Les idées doivent partir du centre ; c'est de là que doit venir l'impulsion uniforme et commune. »