courant de sociabilité mondaine actif au XVIIe siècle.
Il est des précieuses dès le Moyen Âge qui ne sont que des prudes, moquées par le poète Eustache Deschamps. Mais la préciosité n'apparaît comme phénomène social qu'au XVIIe siècle (le substantif date de 1664), lié à une stabilité politique et à une paix civile retrouvées, propices à l'épanouissement de la galanterie et de la conversation dans un nouvel espace : le salon.
Arthénice, Sapho et les autres.
• C'est en effet au salon que, quittant la cour et ses manières rustaudes, la société aristocratique se déplace, autour de la maîtresse des lieux, bientôt rejointe par ceux qui se piquent de bel esprit et font profession d'écrire : Malherbe fréquente chez Mme des Loges, Voiture entame sa carrière à l'hôtel de Condé, la vicomtesse d'Auchy attire des plumitifs de moindre renommée... Mais c'est le salon de Catherine de Vivonne, marquise de Rambouillet, qui, par sa durée - des années 1620 à 1665 -, symbolise le mieux le phénomène « précieux » : on y rencontre tout ce que Paris compte de gens bien nés, d'esprits brillants, d'écrivains de renom - Corneille, Mairet, Scarron... Voiture y fait admirer toutes les facettes de son esprit. L'hôtel de Rambouillet règne ainsi sur la mondanité parisienne, et l'admission dans la chambre bleue d'Arthénice (version anagrammatique du prénom de la marquise) donne lieu à des intrigues aussi poussées que pour assister aux levers ou couchers du Louvre. Au mitan du siècle, l'Hôtel décline : Voiture n'est plus, la marquise se vieillit, sa fille - Julie d'Angennes, pour qui fut tressée la fameuse Guirlande poétique - manque de charisme. Les mondains trouvent refuge chez Mlle Sully, Mlle de La Suze, Mme de Sablé, Mlle de Scudéry. Cette dernière - qui s'est portraiturée dans son Grand Cyrus sous le nom de Sapho - attire un public plus bourgeois. Quelques années plus tard, Louis XIV drainera vers Versailles une mondanité qu'il mettra au service de sa seule gloire.
Jeux de paroles, enjeux de société.
• « Le précieux choisit un mode d'action, duquel découlent des mœurs et un jargon », remarquait justement René Bray, alors même que l'on a souvent pris l'apparence de la préciosité - les badinages salonnards, l'épuration du langage, la sophistication des sentiments, etc. - pour son essence. Effort pour se distinguer, la préciosité procède donc d'une volonté : par là même, elle affirme le primat de la culture sur la nature. Dès lors, on conçoit que, hors de ces excès qu'a caricaturés Molière dans ses Précieuses ridicules (1659), le classicisme en est le prolongement logique.
Il apparaît ainsi, au-delà d'une écume à laquelle on l'a trop souvent réduite, que la préciosité recouvre des enjeux qui excèdent largement les salons et ruelles où elle s'épanouit. Témoin, l'importance des débats sur la place de la femme tant à travers des revendications en matière matrimoniale qu'en matière de culture. Sans aller à faire d'elles des féministes avant la lettre, du moins doit-on reconnaître que les précieuses agitent des idées qui témoignent d'une attention portée à la vie sociale - fût-elle réduite à un microcosme de privilégiés de la fortune et de l'esprit - en vue d'en modifier les permanences en un temps où, précisément, le pouvoir entend en renforcer l'immobilisme.