Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Moyen Âge, (suite)

Gestionnaire du sacré, l'Église l'est aussi du savoir, le savoir élémentaire du fidèle - condition du salut -, le savoir nécessaire au fils d'un gros paysan ou d'un marchand, ou le savoir des clercs eux-mêmes, qu'on acquiert dans les écoles cathédrales, puis dans les universités à partir du début du XIIIe siècle. Ce savoir-là aussi doit déboucher sur la connaissance des Écritures et l'amour de Dieu. Il doit rester gratuit - la science n'appartient qu'à Dieu - et, donc, accessible en principe à tous. Mais il permet de plus en plus de belles carrières, tant au service de l'Église que de l'État.

Ce dernier a bien failli sombrer dans la crise châtelaine, qui, vers l'an mil, multiplie les pouvoirs locaux. La société féodale enserre les terres et les hommes dans des réseaux de liens complexes où chacun - seigneur ou vassal - a des droits et des devoirs. Mais les rois restent sacrés, prestigieux plus que puissants, et les clercs leur enseignent la façon d'assurer le salut de leur peuple. À partir du XIIe siècle, la redécouverte du droit romain ressuscite la notion de souveraineté et contribue à une définition plus précise du pouvoir royal. Tant en France qu'en Angleterre, les rois réussissent à s'imposer au sommet d'une pyramide féodale régularisée. Toutes les terres et tous les hommes du royaume leur sont liés. Vers la fin du XIIIe siècle, les royautés redeviennent territoriales ; la frontière, de même que les institutions centrales (Conseil, Chambre des comptes, parlements), et un maillage administratif régulier réapparaissent. Malgré un environnement plus difficile aux XIVe et XVe siècles, l'État « accouche » de la fiscalité permanente (mi-XIVe siècle), de l'armée permanente et de la fonction publique (mi-XVe siècle). Il sait, de plus, focaliser les loyautés autour de lui par une propagande nationale habile, particulièrement présente en France.

Vers une réhabilitation du Moyen Âge.

• Il y avait beaucoup à faire ! Au XVIe siècle, on avait déjà peu de sympathie pour ces temps ignorants et crédules qui n'auraient compté ni bons écrivains ni historiens soucieux de vérité. Au XVIIe siècle, alors que l'on continue de mépriser assez globalement une littérature grossière et naïve et un art volontiers qualifié de « gothique », sont sauvés du discrédit certains monuments (cathédrales) et quelques auteurs comme Joinville. Les premiers grands efforts de publication de documents par la congrégation bénédictine des mauristes, les collections de Robert de Gaignières (1642-1715), les glossaires de latin et de grec médiéval de Du Cange (1610-1688), témoignent néanmoins d'un progressif infléchissement de la vision du Moyen Âge, même si le souci de la gloire nationale, de l'identité régionale ou la célébration des bénédictins n'y sont pas étrangers. Au XVIIIe siècle, les chansons de geste, les chroniques ou les monuments médiévaux sont à nouveau appréciés. Mais les philosophes des Lumières se posent à nouveau en adversaires d'une période jugée trop soumise à l'Église et aux rois, et dépourvue d'esprit critique et de rationalité. Sous la Révolution, cette condamnation de la tyrannie féodale, caractérisée par l'injustice des seigneurs et l'intolérance de l'Église, s'accentue. Pourtant, les monuments - malgré quelques destructions - échappent à ce discrédit. La notion de patrimoine national se constitue ; bâtiments, statues, vitraux, perdent leur signification politique ou religieuse antérieure et se constituent en objets d'art, au besoin déplacés dans les musées comme mémoire de la collectivité destinée à l'instruction du peuple.

Le grand retour du Moyen Âge se situe à l'époque romantique. La période est alors à la mode, tant en Angleterre (Walter Scott) qu'en France (Notre-Dame de Paris, de Victor Hugo). Le style troubadour envahit le décor mobilier, l'intérêt pour le passé de la nation va croissant, même s'il n'est pas dépourvu d'arrière-pensées. Les historiens catholiques en écrivent la légende dorée tandis qu'à l'autre bout de l'échiquier politique on y voit plutôt une légende noire. À force, chacun y trouve les héros qu'il cherche : Clovis ou Saint Louis sont appréciés à droite alors que les Jacques ou le Grand Ferré, fils du peuple, sont promus par l'histoire républicaine. La figure de Jeanne d'Arc est tiraillée, de la fille du peuple de Michelet à la sainte guerrière des années 1920. Malgré un net apaisement, cette ambiguïté du souvenir des temps médiévaux persiste encore aujourd'hui. Toute situation qualifiée de « médiévale » est inacceptable et caractérisée par l'oppression, l'inculture ou l'extrême pauvreté matérielle. Mais le Moyen Âge se vend bien, qu'il faille attribuer ce succès au goût du dépaysement ou au souci d'enracinement !

MRP (Mouvement républicain populaire),

parti politique, fondé en novembre 1944, qui s'inscrit dans le courant démocrate-chrétien.

Divisés dans les années 1930 entre le Parti démocrate-populaire et la Jeune République, plus progressiste, les démocrates-chrétiens français trouvent à la Libération l'élan nécessaire à la naissance d'un nouveau parti. S'appuyant sur des fédérations départementales, le MRP, à la fois mouvement de militants et parti centralisé, exclut toute référence confessionnelle et profite du rôle joué dans la Résistance par ses principaux responsables, notamment Georges Bidault, ancien président du Conseil national de la Résistance (CNR). S'il ne répugne pas à utiliser, dans ses manifestes constitutifs, le mot « révolution » (mâtiné de personnalisme), il dépend néanmoins d'un électorat qui voit en lui le représentant du courant conservateur, en l'absence initiale d'un parti gaulliste, et face au discrédit qui frappe la droite traditionnelle. Premier parti de France avec 28 % des suffrages lors de l'élection de la seconde Constituante (2 juin 1946), il devient - au sein du tripartisme, aux côtés du PC et de la SFIO, puis de la « troisième force », avec la SFIO et la droite traditionnelle, contre les gaullistes et les communistes - l'un des piliers de la IVe République. Le parti connaît un net déclin à partir de 1951, mais, de 1946 à 1958, la plupart des gouvernements d'alors comprennent des ministres MRP (à l'exception des cabinets Mendès France, Guy Mollet et Bourgès-Maunoury). Le grand combat des démocrates-chrétiens, depuis la Déclaration Schuman en 1950, c'est la construction européenne : dans les rangs du MRP, les partisans d'une Europe fédérale sont nombreux. En 1954, le rejet par le Parlement du projet de Communauté européenne de défense (CED), que le MRP soutient, provoque la rupture avec le président du Conseil Pierre Mendès France. D'abord rallié à de Gaulle en 1958, le parti s'oppose ensuite à l'élection du président de la République au suffrage universel direct lors du référendum de 1962. Finalement, laminé à droite par les succès électoraux du gaullisme, et à gauche par le rapprochement entre socialistes et communistes - en dépit du projet d'une « grande fédération » autour de Gaston Defferre -, le MRP réunit son dernier congrès en 1964, avant de se diviser : d'un côté, le Centre démocrate, créé à la suite de la candidature de Jean Lecanuet à l'élection présidentielle de décembre 1965 ; de l'autre, le Centre démocratie et progrès de Jacques Duhamel ; enfin, une poignée de ralliés à l'UDR, au PSU ou à la SFIO. Le courant démocrate-chrétien est désormais surtout influent au sein de l'actuelle Force démocrate.