Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Thomas (Albert),

homme politique (Champigny-sur-Marne 1878 - Paris 1932).

Fils d'un boulanger, Albert Thomas illustre à merveille la méritocratie républicaine : brillant élève du lycée Michelet de Vanves, il entre à l'École normale supérieure (1898) et en sort agrégé d'histoire (1902), puis soutient une thèse de doctorat en droit (1910). Il est happé par la politique au retour d'un séjour en Allemagne, d'où il rapporte une étude très remarquée sur le syndicalisme d'outre-Rhin. Jaurès le fait entrer à l'Humanité pour tenir la rubrique sociale. Socialiste, soucieux de nouer des relations entre son parti et le mouvement syndical, Albert Thomas milite également en faveur des coopératives, voyant dans ce type d'entreprise un moyen de préparer les ouvriers à la gestion économique.

Conseiller municipal de Champigny à partir de 1904, il est maire de cette ville de 1912 à 1925. Il est élu député de la Seine en 1910, et s'affirme au sein du groupe socialiste, notamment en se spécialisant dans les questions économiques. Durant le premier conflit mondial, il est avec Jules Guesde et Marcel Sembat l'un des trois membres de la SFIO à participer aux gouvernements de guerre : il est sous-secrétaire d'État à l'Artillerie et aux Équipements militaires (mai 1915-décembre 1916), puis ministre de l'Armement et des Fabrications de guerre (décembre 1916-septembre 1917).

Cette participation active et prolongée aux gouvernements d'« union sacrée » comme son opposition irréductible à la révolution bolchevique tendent à l'isoler à l'intérieur de la SFIO, parti auquel il reste pourtant fidèle. Il est de nouveau élu député - du Tarn, cette fois - en 1919, mais se démet de son mandat en 1921, pour se consacrer entièrement au Bureau international du travail (BIT), dont il est le véritable fondateur et le premier directeur (1920-1932).

Thorez (Maurice),

homme politique, dirigeant du Parti communiste (Noyelles-Godault, Pas-de-Calais, 1900 - à bord du navire Litva, en mer Noire, 1964).

Issu d'une famille de mineurs du Pas-de-Calais, Maurice Thorez exerce, dès l'âge de 12 ans, divers métiers (mineur, valet de ferme, ouvrier du bâtiment). En 1919, il adhère à la CGT, puis à la SFIO, où il milite dans la tendance favorable à la IIIe Internationale. Après la scission du congrès de Tours, il choisit le Parti communiste. Il y devient permanent dès 1923, se pliant à la rude discipline imposée par l'Internationale communiste (IC), et fait figure de militant révolutionnaire modèle. Nommé au bureau politique en 1925, secrétaire à l'organisation en 1926, il compte alors parmi les principaux dirigeants du parti. Membre du comité exécutif de l'Internationale communiste en 1928, désigné pour assurer les fonctions de secrétaire général du PCF en 1930, il est chargé de mettre en application la ligne « sectaire » de refus de tout rapprochement avec les autres forces de gauche.

Au début des années 1930, il met sur pied une organisation solide, pourvue d'une direction stable, placée sous le contrôle de l'IC, mais dont les effectifs partisans et l'électorat sont en nette diminution. La victoire de Hitler en Allemagne en 1933 n'entraînant pas de changement de ligne de l'IC, Thorez poursuit l'application de la ligne sectaire, n'hésitant pas à traiter les autres forces de gauche de « social-fascistes ». Le 26 juin 1934 seulement, sur l'ordre de Moscou, il proclame la nécessité de l'alliance « à tout prix » avec la SFIO. Il met alors en œuvre avec zèle et talent la nouvelle directive, lançant la formule de « Front populaire » (octobre 1934), prônant très tôt l'élargissement de la coalition aux radicaux, donnant du PCF une image patriotique, « tendant la main » aux catholiques et aux Croix-de-Feu (avril 1936). Après la victoire électorale du Front populaire, le PCF montre, par la voix de son secrétaire général, son « esprit de responsabilité » en appelant les travailleurs à mettre fin aux grèves, dès lors que « satisfaction a été obtenue ». Les succès du parti pendant cette période font de Thorez l'un des principaux hommes politiques français. La publication de son autobiographie en 1937, Fils du peuple, marque le sommet de sa popularité. Surpris lui-même par la signature du pacte germano-soviétique du 23 août 1939, Thorez défend toutefois cette politique auprès des communistes français. Mobilisé après la déclaration de guerre, il rejoint son unité le 3 septembre. Mais, le 4 octobre, cédant aux injonctions de l'IC, il part clandestinement pour l'URSS, où il séjourne durant toute la guerre, politiquement marginalisé.

En novembre 1944, amnistié par le général de Gaulle, il rentre en France et reprend ses fonctions de secrétaire général. Il s'applique alors à donner du PCF une image rassurante. Ministre de novembre 1945 à mai 1947, il appelle à gagner la « bataille de la production », mais les communistes, en butte à l'hostilité de leurs alliés, doivent quitter le gouvernement Ramadier en mai 1947. Suivant les injonctions du représentant de Staline lors de la conférence des partis communistes de septembre 1947, le parti dénonce désormais avec ardeur les gouvernement français de la « troisième force » et « entre » dans la guerre froide : Thorez proclame de façon marquée son appartenance au camp socialiste. Il devient lui-même, à l'exemple de Staline, l'objet d'un véritable culte. Victime d'une attaque cérébrale en 1950, soigné en URSS, de retour en France après la mort de Staline (1953), il reste jusqu'à sa mort le numéro un du PCF, engageant le parti dans la sclérose doctrinale et manifestant jusqu'au bout sa réticence devant l'œuvre de dénonciation du stalinisme engagée par Khrouchtchev.

Thou (Jacques Auguste de),

magistrat, homme politique et historien (Paris 1553 - id. 1617).

Il appartient à une illustre famille de l'aristocratie de robe originaire d'Orléans et, comme son père Christophe, il devient conseiller au parlement de Paris (1576). Homme de confiance d'Henri III, il poursuit une carrière brillante, obtenant successivement les charges de maître des requêtes (1586), de président à mortier (1587) et de conseiller d'État (1588). Au plus fort des troubles ligueurs, il reste fidèle au souverain légitime. Il contribue à la préparation de l'édit de Nantes.