Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
T

Taillebourg (suite)

La dernière tentative d'Henri III et de ses alliés poitevins pour reprendre possession du Poitou tourne ainsi au profit du roi de France, qui retire de la victoire une brillante réputation de chef militaire.

Taine (Hyppolyte Adolphe),

essayiste, critique, historien, l'une des figures intellectuelles majeures de la seconde moitié du XIXe siècle (Vouziers, Ardennes, 1828 - Paris 1893).

Gabriel Monod l'a décrit comme « le philosophe et le théoricien du mouvement scientifique et réaliste qui a succédé en France au mouvement romantique et éclectique ».

Brillant normalien, deux fois recalé à l'agrégation de philosophie en raison de son hostilité à l'éclectisme alors dominant de Victor Cousin, Taine abandonne la carrière universitaire et complète sa formation par l'étude de la médecine et des sciences naturelles. Collaborant au Journal des débats à partir de 1857 ainsi qu'à la Revue des Deux Mondes, fréquentant les fameux dîners Magny avec Renan, Sainte-Beuve, Flaubert, il devient très vite une figure de la république des lettres.

S'étant d'abord adonné à des études d'esthétique, avec des essais sur les fables de La Fontaine (1853, 1861), un Essai sur Tite-Live (1855), une Histoire de la littérature anglaise (1864-1872), il applique ensuite la méthode du déterminisme scientifique à la recherche des causes des sentiments et des idées car, selon sa formule, « le vice et la vertu ne sont que des produits comme le vitriol et le sucre ». La causalité qu'il met en œuvre est animée par trois facteurs : la race, le milieu (climat et organisation sociale) et le moment ; les œuvres d'art s'expliquent selon le même schéma (la Philosophie de l'art, 1865, 1882). Marqué par le double choc de la Commune et de la défaite de 1870, il applique son système à l'histoire dans les Origines de la France contemporaine (11 volumes, 1876-1893). Tel « un naturaliste devant un insecte », Taine explique la Révolution comme un phénomène pathologique propre à la France, saisie par l'anarchie « spontanée », puis par l'anarchie légale qui transforme la dictature erratique et sanglante des foules en « caserne philosophique ». Nostalgique d'une France des notables et admirateur des institutions anglaises, il laisse une œuvre à la destinée contrastée : attaquée par les historiens positivistes (Aulard), qui dénoncent son mépris des documents (que Taine cite pourtant d'abondance), il trouve une large audience chez les historiens de l'Action française.

Talleyrand-Périgord (Charles Maurice de),

homme politique (Paris 1754 - id. 1838).

Talleyrand est l'aîné d'une famille appartenant à la vieille aristocratie française, issue d'une des branches des comtes souverains du Périgord. Boiteux dès son enfance, il doit renoncer à la carrière des armes et devient, sans vocation, ecclésiastique.

Un noble en Révolution.

• Conformément à son rang social et après de solides études au séminaire de Saint-Sulpice, qui contribuent à le doter d'une grande culture, Talleyrand est fait agent général du clergé de France en 1780, évêque d'Autun en 1788. La « douceur de vivre » de l'Ancien Régime, qu'il évoquera dans ses Mémoires (publiés en 1891-1892), ne l'empêche pas de choisir le parti des idées nouvelles : avec d'autres aristocrates d'ancienne noblesse (La Fayette, le duc d'Aiguillon, le duc de La Rochefoucauld et son cousin Liancourt), il contribue au mouvement d'abolition des privilèges. Ainsi, élu député de son ordre aux États généraux, il fait adopter par l'Assemblée constituante, le 2 novembre 1789, sa proposition de « mettre à la disposition de la nation » les biens du clergé, s'opposant en revanche à l'émission d'assignats gagés sur ces biens (17 avril 1790). Devenu chef du clergé constitutionnel à la suite de l'adoption de la Constitution civile du clergé (12 juillet 1790), il célèbre la messe au Champ-de-Mars lors de la fête de la Fédération (14 juillet 1790) et consacre les premiers évêques constitutionnels. Condamné par le pape comme schismatique, il abandonne l'Église et s'engage dans une carrière diplomatique sous la Législative.

Un diplomate sans attaches.

• En février 1792, Talleyrand est envoyé à Londres, sur sa demande, afin de négocier la neutralité de l'Angleterre. Compromis après la découverte des « papiers secrets » de Louis XVI (suspendu le 10 août 1792), décrété d'arrestation par la Convention, il gagne les États-Unis (1794), dont il revient deux ans plus tard, ayant été radié de la liste des émigrés. En juillet 1797, il est nommé ministre des Relations extérieures grâce à l'intervention pressante de Mme de Staël auprès de Barras. Bien que le Directoire ait couvert de très nombreuses malversations, les moyens dont use Talleyrand finissent par compromettre sa réputation, au point qu'il est contraint de démissionner en juillet 1799. Mais l'ancien évêque d'Autun, qui a prêté son concours au coup d'État du 18 brumaire, retrouve bientôt son portefeuille ministériel. Entre Bonaparte et Talleyrand naissent des relations passionnées : la culture, l'habileté et le style du grand seigneur fascinent celui qui est admiré, en retour, pour son génie militaire et politique. Inspirateur des articles organiques du Concordat, d'orientation gallicane, négociateur à Lunéville (1801), Amiens (1802), Presbourg (1805) et Tilsit (1807), Talleyrand est fait successivement grand chambellan (1804), prince de Bénévent (1806), vice-Grand Électeur (1807). Mais, après avoir conseillé l'alliance avec l'Autriche dans une vision classique d'équilibre des forces en Europe, Talleyrand est privé de son ministère en 1807. Devenu simple conseiller, il pousse à l'intervention en Espagne et trahit à Erfurt en incitant le tsar à ne pas soutenir Napoléon contre l'Autriche. L'Empereur, qui le soupçonne, le disgracie en janvier 1809, après une scène terrible. Talleyrand se vend alors à l'Autriche aussi bien qu'à la Russie et, à la chute de l'Empire, s'impose comme médiateur entre les alliés et le Sénat, auquel il fait accepter la déchéance de l'Empereur et le retour des Bourbons. Louis XVIII le rappelle alors au poste de ministre des Affaires étrangères et il parvient, au congrès de Vienne, à dresser l'Autriche et l'Angleterre contre la Russie et la Prusse, avant que les Cent-Jours ne reforment l'unité des alliés, ruinant ainsi tous ses efforts. Devenu président du Conseil au début de la seconde Restauration, en juillet 1815, il est contraint à la démission dès septembre, sous la pression des ultras, et rejoint à la Chambre des pairs l'opposition libérale, favorable à la branche des Orléans. Après les journées de juillet 1830, Louis-Philippe le nomme ambassadeur à Londres, où, jusqu'en 1835, il consacre son habileté au rapprochement franco-anglais. Au terme de sa vie, Talleyrand se réconcilie avec l'Église et reçoit l'extrême onction dans les formes dues à un évêque. Il laisse de nombreux enfants naturels, dont Eugène Delacroix...