Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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métayer. (suite)

Ainsi, en 1567, dans la Gâtine poitevine, étudiée par Louis Merle, le laboureur Jehan Girault et son fils prennent à bail la métairie de Landroye. Le bailleur est un marchand ayant pris à ferme la seigneurie de Landroye du seigneur de Fontaines. Il fournit seul le capital (bâtiments, biens fonciers, instruments aratoires et bestiaux), les preneurs apportant leur force de travail. Cette association entraîne le partage des « fruits » produits par le bien. Le métayer doit ainsi à son bailleur environ la moitié de la production, année commune, de seigle et d'avoine, plus une petite somme d'argent pour le nourrain (ce qui est indivisible). Il doit également une foule de petites redevances, survivances du système seigneurial du cens en nature et de la corvée : porcs, moutons, chapons, poulets, oisons, fromages, foin et bois, le tout portable au domicile urbain du bailleur, ainsi que des prestations en travail (des charroies) et même les rentes seigneuriales.

Ce contrat est typique du système qui se met en place à l'époque moderne. Dès le XVe siècle, en effet, afin d'accroître ses revenus, la noblesse procède au remembrement de ses seigneuries, reconstituant des exploitations d'un seul tenant à partir des tenures paysannes pour les confier à des métayers. Or les principaux bénéficiaires du système sont les fermiers généraux, auxquels recourent les seigneurs fonciers pour la mise en valeur de leur patrimoine.

La relation qui s'instaure alors entre « maître » et métayer est pire que celle, distendue, liant le seigneur foncier à ses tenanciers. Le sort du métayer se rapproche en fait de celui de l'ouvrier agricole. Il est évoqué par l'écrivain périgourdin Eugène Le Roy (1836-1907) à travers le personnage du père de Jacquou le Croquant, Martissou, un métayer qui, sous la Restauration, abat d'un coup de fusil le régisseur inique du maître. Cependant, si, en 1905, tous les participants du Ve congrès national des syndicats agricoles de Périgueux soulignent que le métayer est un paysan peu enclin au progrès, ils s'accordent à trouver dans le métayage « le plus précieux instrument de paix sociale ».

métropolitain.

Dernier des réseaux ferrés des grandes capitales européennes, le métro parisien est le fruit d'un long débat sur la fonction d'un transport urbain par rail.

Les termes du débat.

• Le Paris du Second Empire, transformé par Haussmann, souffre d'un déficit de transports urbains, sujet auquel le baron s'est peu intéressé. Autour de ce constat se noue, dès 1871, un débat à quatre - ville, département, État et compagnies de chemin de fer - sur la structure d'un réseau ferré dans Paris. On s'accorde rapidement sur le tracé : des anneaux suivant les grands boulevards, des radiales nord-sud, des liaisons entre les gares, le renforcement de l'axe de la Seine. En revanche, la Ville et l'État - suivi par les compagnies de chemin de fer - s'opposent sur le statut de l'ouvrage : l'État plaide pour un chemin de fer d'intérêt général, prolongeant les grands réseaux ferrés dans Paris et ouvert sur la banlieue. Les élus municipaux revendiquent le droit de concession d'un chemin de fer d'intérêt local, spécifique à la Ville. Autre point de friction, le tracé aérien - peu coûteux mais source de nuisances visuelles et sonores - est abandonné dès 1887 au profit d'un passage souterrain. Ce choix influe sur le mode de traction, qui privilégie l'électricité au détriment de la vapeur.

Derrière ces controverses se profile la lutte entre les compagnies de chemin de fer et la Ville pour la maîtrise du nouveau moyen de transport. Cette dernière, arguant de l'urgence à disposer du métro pour l'Exposition universelle de 1900, triomphe en 1895 et obtient le droit de concession.

La réalisation.

• Le conseil municipal lance alors un emprunt de 165 millions de francs-or pour financer les infrastructures du premier réseau de six lignes, qui totalise 65 kilomètres de voies. Les travaux, entrepris en 1898, sont confiés à l'ingénieur Fulgence Bienvenüe, qui vient à bout des nombreuses difficultés techniques : franchissement de la Seine, croisement des lignes entre elles, passage sous la butte Montmartre et les carrières de l'Est parisien. L'exploitation et la réalisation des superstructures - accès, voies et matériel roulant - sont attribuées à la Compagnie générale de traction du baron Empain, qui crée aussitôt la Compagnie du chemin de fer métropolitain (CMP), concessionnaire pour une durée de trente-cinq ans, en échange de la reversion d'un péage à la Ville.

Prouesse technique, le premier métro parisien souffre pourtant de certains défauts : le tracé suit l'axe des rues pour éviter les frais d'expropriation, mais renforce ainsi le déséquilibre du maillage haussmannien au profit de la rive droite. Le faible gabarit des tunnels et la petitesse de leur rayon de courbure interdisent aux trains classiques la possibilité d'en emprunter les voies : le réseau est isolé, coupé de la banlieue. De plus, il est onéreux : le coût du premier programme s'élève à 300 millions de francs-or.

Succès et évolution.

• Mais le succès est indéniable, fondé sur le modeste prix du billet. Dès l'inauguration de la ligne 1, le 19 juillet 1900 - Porte de Vincennes-Porte Maillot -, la foule se presse aux guichets : 30 000 tickets sont vendus le premier jour, 16 millions durant les cinq premiers mois d'exploitation. En 1903, le métro transporte 100 millions de passagers pour 17 millions de francs de recettes. Le trafic est le double de celui du métro de Berlin, moitié plus élevé que celui de Londres.

Aussi, la création d'un réseau complémentaire est-elle décidée : en 1903, la société Berlier-Janicot, future « Nord-Sud », obtient la concession des lignes A et B (actuelles lignes 12 et 13). En 1914, six lignes sont achevées. En 1930, la CMP et Nord-Sud fusionnent, favorisant l'harmonisation des travaux et de l'exploitation. La Libération marque l'apogée du trafic : en 1946, le métro transporte 1,6 milliards de voyageurs. Mais, pour la Régie autonome des transports parisiens (RATP), créée en 1949, les années 1950-1970 sont une période de stagnation et de difficultés économiques. Ce n'est qu'à l'aube des années 1980 que le métro retrouve un nouveau souffle, grâce à la relance des extensions vers la banlieue, au renouvellement du matériel roulant et à l'interconnexion avec le Réseau express régional (RER). Sont ainsi conciliées les deux exigences qui semblaient contradictoires aux yeux des premiers promoteurs : établir une jonction entre les lignes d'intérêt général et créer un transport spécifiquement urbain.