Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Rothschild, (suite)

De ce fait, les liens entre les Rothschild et le pouvoir politique sont étroits. Alphonse de Rothschild est ainsi un proche de Napoléon III, qu'il invite à chasser dans son château de Ferrières, et se présente auprès de l'empereur comme un rival des Pereire. Mais l'affaire Dreyfus - malgré la discrétion d'Alphonse de Rothschild, alors président du Consistoire -, l'entre-deux-guerres, puis le régime de Vichy sont marqués par un antisémitisme dont les Rothschild sont victimes.

Aujourd'hui, après la nationalisation de la banque Rothschild en 1982, Rothschild & Cie Banque, héritier de l'établissement du même nom créée en 1817 par James de Rothschild, se concentre sur la gestion de fonds et le financement des sociétés, et n'occupe qu'une place mineure dans le classement mondial des géants financiers. Mais la famille contrôle d'autres établissements financiers, qui entretiennent des liens étroits avec la banque anglaise NM Rothschild & Sons. La fortune familiale est également immobilière, industrielle et vinicole, avec la production de crus prestigieux, mouton-rothschild et lafite-rothschild.

Rouher (Eugène),

homme politique (Riom, Puy-de-Dôme, 1814 - Paris 1884).

Fils d'un avoué auvergnat, Rouher fait son droit à Paris, avant de devenir avocat d'affaires dans sa ville natale. Par son mariage avec la fille du maire de Clermont-Ferrand, il s'affirme comme une notabilité locale. Morny le remarque et le pousse à se présenter aux élections législatives de 1846. C'est un échec. Et lorsque la révolution de 1848 survient, Rouher abandonne le camp conservateur pour se faire élire comme républicain à l'Assemblée constituante. Il revient vite, il est vrai, à des positions très conservatrices et se rapproche du prince-président qui le nomme ministre de la Justice en octobre 1849. Après le coup d'État du 2 décembre 1851, il entre au Conseil d'État. En 1855, il devient ministre de l'Agriculture, du Commerce et des Travaux publics, et joue un rôle déterminant dans le développement économique du pays sous le Second Empire, notamment en négociant le traité de libre-échange avec l'Angleterre en 1860. Mais c'est comme ministre d'État, de 1863 à 1869, que sa carrière prend un tour décisif. Chargé de défendre la politique impériale devant les Chambres, il profite du décès de Morny, de l'affaiblissement de Napoléon III, malade, et du soutien de l'impératrice pour s'affirmer comme une sorte de vice-empereur. Il est alors tout-puissant et cumule même, durant quelques mois en 1867, son ministère et celui des Finances. Politiquement, il incarne la résistance à la libéralisation du régime - une orientation que Napoléon III le force pourtant parfois à défendre. Orateur brillant, homme d'État énergique, Rouher pèche toutefois par manque de convictions profondes et par une certaine surenchère verbale qui le conduit à qualifier péremptoirement l'expédition du Mexique de « grande pensée du règne » ou encore à affirmer que le royaume d'Italie ne s'emparera « jamais » de Rome. En 1869, l'orientation libérale se confirmant, il démissionne le 12 juillet, puis est nommé président du Sénat. Rouher garde assez d'influence auprès de Napoléon III pour lui suggérer le plébiscite de mai 1870. Après la chute de l'Empire, il continue à animer le parti bonapartiste et siège à la Chambre de 1872 à 1881. Défenseur inlassable de la Constitution de 1852 et serviteur fidèle de Napoléon III, Rouher symbolise l'Empire autoritaire et le gouvernement personnel ; sa lutte acharnée contre les partisans d'une libéralisation du régime a dominé la vie politique des années 1860. Il n'a pu empêcher une évolution qu'il a cependant considérablement freinée.

Rousseau (Jean-Jacques),

écrivain genevois d'expression française (Genève 1712 - Ermenonville, Oise, 1778).

Sa vie autant que son œuvre, en décalage par rapport aux modèles sociaux et littéraires classiques, s'imposèrent à travers l'Europe entière comme le signe d'une sensibilité nouvelle.

De la célébrité à l'exil.

• Fils d'un horloger genevois, Jean-Jacques perd sa mère à sa naissance et passe son enfance de pensions en apprentissages. En 1728, il abandonne Genève et le protestantisme, découvre l'amour avec Mme de Warens, à Chambéry puis aux Charmettes, et la sensualité du catholicisme. Supplanté par un rival auprès de Mme de Warens, il est condamné à une vie errante avant de devenir précepteur à Lyon, secrétaire à Paris, puis à Venise auprès de l'ambassadeur de France. Il tente à Paris une carrière musicale, fait jouer les Muses galantes (1745), puis le Devin de village (1752), prend parti pour la musique italienne dans la querelle des Bouffons. Il se lie alors avec Diderot, qui le charge de rédiger les articles musicaux de l'Encyclopédie. Allant visiter son ami, prisonnier au château de Vincennes, il aurait eu la révélation de tout son système : l'aliénation des hommes, qui font de la perfectibilité de l'espèce une chute vertigineuse dans l'égoïsme de la propriété, dans l'artifice de la technique et de l'art. Il développe cette intuition dans deux réponses à des concours académiques, le Discours sur les sciences et les arts (1750), qui le fait connaître, et le Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes (1755), qui lui assure un succès de scandale. En l'espace de quelques mois, il devient célèbre. Mais les milieux littéraires ont tendance à réduire à de brillants paradoxes ce qui constitue pour Rousseau un engagement vital. Se réconciliant avec Genève, dont il reprend le titre de citoyen, il abjure le catholicisme. Il marque de plus en plus ses distances par rapport au groupe encyclopédique, par rapport à Diderot lui-même. La rupture est consommée à propos de l'article « Genève » de l'Encyclopédie, rédigé par d'Alembert, qui attaque le refus du théâtre par les pasteurs genevois. Rousseau réplique par une Lettre à d'Alembert sur les spectacles (1758) : le théâtre serait illusion et mensonge, alors que la fête où chacun est à la fois acteur et spectateur scelle une communauté. Il donne coup sur coup un roman, Julie ou la Nouvelle Héloïse (1761), et deux traités, Émile et Du contrat social (1762). Les trois œuvres se complètent dans une tension entre la politique, la pédagogie et la vie vécue. À l'aliénation des sociétés existantes, Rousseau oppose un même idéal qui s'exprime dans des modèles différents : Émile critique les modes d'éducation en vigueur et propose la formation d'un homme libre ; le Contrat social analyse une cité fondée sur la volonté générale ; Julie ou la Nouvelle Héloïse cherche dans une communauté réduite à quelques belles âmes une solution aux conflits entre le désir et l'ordre. Émile et le Contrat social s'attirant la condamnation des autorités françaises, Rousseau prend la fuite pour éviter l'arrestation. Il se réfugie à Môtiers-Travers, en Suisse, puis dans l'île de Saint-Pierre, sur le lac de Bienne, non sans essayer de répondre aux critiques et de justifier ses livres dans une Lettre à Christophe de Beaumont (archevêque de Paris, qui avait attaqué Émile, et en particulier la fameuse « Profession de foi du vicaire savoyard ») et des Lettres écrites de la montagne (réponse aux Lettres écrites de la campagne de Jean-Robert Tronchin, procureur à Genève, à l'origine de la condamnation des livres de Rousseau). À la suite d'une invitation lancée par Hume, l'illustre fugitif se rend en Angleterre, mais une brouille survient bientôt entre les deux hommes et le rend à sa vie errante.