Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
C

Code civil,

recueil de lois de droit civil édicté en 1804 sous le nom de « Code civil des Français », et appelé, à partir de 1807, « Code Napoléon ».

Les précédents infructueux.

• Le Code civil vient clore avec succès une longue série d'essais de codification des relations sociales et familiales effectuée sous l'Ancien Régime et la Révolution. Depuis la rédaction des coutumes, entreprise à partir de 1454 et achevées en 1606, le besoin d'une loi unique s'est imposé peu à peu. Les premières tentatives, trop timides ou isolées et qui mêlent un peu de droit privé au droit public, ont cependant été balayées, qu'il s'agisse du Code Henry (1579-1587), sous Henri III, ou du Code Michau (1629), sous Louis XIII. Il faut attendre les grandes ordonnances de Colbert pour que se constitue un corps de règles durables. À côté du Code Louis proprement dit (ordonnance civile, 1667, et ordonnance criminelle, 1670), d'autres textes régissent le commerce (1673), la marine (1681) et l'action dans les colonies. Au XVIIIe siècle, l'effort législatif du chancelier d'Aguesseau permet la promulgation d'ordonnances relatives aux donations (1731), aux testaments (1735) et aux procédures civiles et criminelles (1747). Les gouvernements de la Révolution disposent donc d'une base de connaissances et de textes dont ils peuvent s'inspirer. Mais, malgré les promesses répétées des régimes successifs et, parfois, la nomination de commissions de rédaction, les travaux n'aboutissent pas. C'est Bonaparte qui mènera à bien ce projet, auquel il porte un grand intérêt : il y voit, selon sa célèbre expression, l'une des « masses de granit » sur lesquelles fonder le régime.

Un code inspiré par Napoléon.

• Le Premier consul nomme une commission de quatre membres - Portalis, Tronchet, Maleville et Bigot de Préameneu - chargée de lui proposer un texte. Lui-même intervient fréquemment, faisant prévaloir ses vues - souvent fort conservatrices - sur le fond des articles. 36 lois, votées en 1803 et 1804, sont regroupées en un seul corps de 2 281 articles, promulgué par la loi du 30 ventôse an XII (21 mars 1804). Composé de trois livres - « Les biens », « Les personnes », « Les contrats » -, le Code civil innove quant au fond et à la forme. Il affirme quatre idées essentielles : l'unité du droit, l'unité de la source juridique (la loi issue de la volonté populaire souveraine), l'universalité du droit régissant tous les rapports sociaux, la séparation du droit et de la politique. Il est rédigé dans une langue précise et compréhensible de tous - ce qui contribuera grandement à son succès ; il pose enfin les principes généraux, et confie aux tribunaux le soin de les interpréter et d'enrichir la législation par la jurisprudence. Ce souci de globalité et de clarté se retrouve dans les codes ultérieurs (Code de procédure civile, Code du commerce, Code d'instruction criminelle, Code pénal), promulgués entre 1806 et 1810.

Le Code Napoléon connaît aussitôt une diffusion rapide, une réussite qui est due à la synthèse heureuse entre les deux courants contradictoires du droit français : la doctrine de l'Ancien Régime et celle de la Révolution. Enfin, consacrant les principes de la Révolution - liberté de conscience, liberté du travail et, surtout, droit de propriété -, il rencontre les aspirations de la bourgeoisie libérale. Son adoption par différents États - Belgique, Luxembourg, Pologne, Italie, États allemands - ne tient pas seulement à la pression des armées napoléoniennes ou à la volonté de l'Empereur conquérant : l'ouvrage a survécu à la chute de l'Empire et a eu une influence durable sur les codes rédigés au XIXe siècle jusqu'en Amérique latine. Napoléon en avait sans doute la prescience, qui déclarait à Sainte-Hélène : « Ma vraie gloire [...], ce que rien n'effacera, ce qui vivra éternellement, c'est mon Code civil. »

Code noir,

ensemble de dispositions qui, de 1685 à 1848, régissent la vie des esclaves en captivité dans les colonies françaises des Caraïbes.

Promulgué en mars 1685 sous forme d'un édit de Louis XIV, il s'inscrit dans l'effort général de codification juridique engagé au début du règne par Colbert. Relativement court - une soixantaine d'articles -, il vient combler le vide juridique en matière d'esclavage, et reflète les hésitations ou ambiguïtés de l'époque concernant le statut ontologique de l'esclave : ce dernier est-il un être humain ou bien une chose ?

Le Code noir impose l'évangélisation des esclaves amenés d'Afrique par les navires négriers ; or, seuls des humains peuvent recevoir le baptême catholique. Comme chrétiens, on leur reconnaît le droit à une sépulture en terre consacrée et le droit au mariage - en théorie, de leur plein gré et avec la personne de leur choix, mais l'accord du maître est requis. S'il n'a pas pour but d'humaniser la traite, le Code noir sert de garde-fou : il prévoit la possibilité d'affranchissement ; il limite les châtiments applicables en les codifiant, et fixe des rations alimentaires minimales, protégeant l'intégrité physique des esclaves. Les peines peuvent être sévères, mais le maître n'a pas droit de vie et de mort sur son esclave : le tuer serait un homicide.

Inversement, l'esclave est aussi assimilé à une chose. Acheté, il peut être revendu, comme un objet de commerce. Il peut être assuré, comme n'importe quel bien, alors que la vie humaine, en droit français, ne peut pas l'être puisqu'elle dépend de la seule volonté divine, sur laquelle on ne peut spéculer. En somme, les Noirs qui travaillent sur les plantations constituent un cheptel humain, et font partie, au même titre que les machines, les bêtes et les bâtiments, de l'actif des entreprises coloniales. Ils ne possèdent rien en propre, leurs biens comme leur personne appartenant à leur maître. Si leur responsabilité pénale est reconnue, ils n'ont pourtant aucune capacité juridique : ils ne peuvent aller en justice, ni intenter un procès, ni même témoigner. Hors de question, bien sûr, de se révolter ou de fuir. En marge du Code noir se développe toute une jurisprudence répressive qui prévoit des peines de fouet, le marquage au fer rouge d'une fleur de lys sur l'épaule, ou bien, en cas de récidive, la peine de mort. Si un maître dénonce un esclave fuyard et que ce dernier est condamné à mort, le Trésor royal indemnise le propriétaire ainsi lésé ! Pareil régime, un temps suspendu pendant la Révolution française, ne disparaît vraiment qu'avec l'abolition de l'esclavage, lors de la révolution de 1848.