Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
J

jacobins (Club des), (suite)

C'est grâce à eux que le club parisien sort vainqueur de la crise ouverte par la fuite du roi, en juin 1791 : le 16 juillet, plus de 260 députés modérés, dirigeants jacobins de premier plan, font défection pour former le Club des feuillants, craignant que les jacobins ne se radicalisent et ne rejettent la version officielle de l'« enlèvement » du roi. En appelant à l'unité des patriotes autour d'eux, ces derniers parviennent à rallier la majorité des sociétés de province, d'abord très hésitantes.

Débats et combats.

• Désormais dominé par la « gauche » (Robespierre, Brissot), le club ouvre ses séances au public et devient un lieu de débats politiques et de surveillance révolutionnaire qui fonctionne parallèlement à l'Assemblée : c'est « le véritable comité des recherches de la nation [... qui] embrasse, dans sa correspondance avec les sociétés affiliées, tous les coins et recoins des 83 départements [...], c'est le grand inquisiteur qui épouvante les aristocrates [...], c'est le grand réquisiteur qui redresse tous les abus et vient au secours de tous les citoyens » (Desmoulins). Pendant l'hiver 1791-1792, Brissot et Robespierre s'y opposent sur la question de la guerre. Après le 10 août 1792, le club prend le nom de « Société des amis de la Liberté et de l'Égalité », et son recrutement social s'élargit un peu à l'artisanat aisé, tout en restant strictement masculin - mais les tribunes publiques sont remplies d'hommes et de femmes du peuple. Il est alors dominé par le conflit entre la Gironde et la Montagne : Brissot est exclu en octobre, et la majorité des girondins, en mars-avril 1793.

Après juin 1793, le club va peu à peu diriger la vie politique ; pendant l'an II, il tient une place essentielle dans le fonctionnement du Gouvernement révolutionnaire en s'appuyant sur les sociétés provinciales pour stimuler l'action révolutionnaire, pour mobiliser et former l'opinion publique.

La défaite.

• Au cours du 9 Thermidor, le club, qui soutient les robespierristes, se déclare en insurrection avant d'être fermé quelques jours. Après Thermidor, il perd son pouvoir : il s'oppose à la réaction politique, mais, sans forces, isolé, assimilé à la Terreur, accusé d'avoir formé un « autre centre » de pouvoir que l'Assemblée, il est l'objet d'une violente campagne de dénonciations. Le 16 octobre 1794, la Convention démantèle l'organisation jacobine en interdisant l'affiliation et la correspondance entre clubs, ainsi que les pétitions collectives. Et, prenant prétexte des affrontements qui opposent jacobins et muscadins, elle ferme définitivement le club le 22 brumaire an III (12 novembre 1794). C'est la fin du Club des jacobins, malgré la reconstitution de sociétés « néojacobines » sous le Directoire. Mais ce n'est pas la fin de la tradition jacobine ni du jacobinisme, qui marqueront encore longtemps l'histoire de France.

Jacquerie,

mouvement de révolte paysanne qui touche, en 1358, la partie septentrionale du Bassin parisien, c'est-à-dire les plus riches plaines du royaume.

Il est caractérisé par sa soudaineté, sa violence, l'ampleur de l'effroi qu'il provoque et la brutalité de la répression à laquelle il donne lieu. Bien qu'il n'ait duré que deux semaines, il a suffisamment frappé les esprits pour que, désormais, tout soulèvement paysan lui soit assimilé, même si, par ses caractéristiques sociales, il constitue un phénomène unique. En effet, loin d'être un mouvement de désespoir du petit peuple rural, la Jacquerie est une révolte organisée par un groupe privilégié, épargné par la crise sociale, et qui en a même tiré largement profit.

L'affirmation d'un groupe social.

• À l'intérieur des communautés paysannes, un groupe social s'est affirmé - et sans doute consolidé - durant la première moitié du XIVe siècle : celui des laboureurs. Il est composé des fermiers les plus riches et les plus entreprenants, et des artisans ruraux. Constitué à la faveur de l'essor général des XIe-XIIIe siècles, il a résisté au renversement de tendance du début du XIVe siècle. Il a profité au mieux de l'affaiblissement des structures seigneuriales et tiré parti de la baisse du prix des denrées agricoles. Celle-ci dure pendant tout le XIVe siècle et entraîne une diminution, de surcroît, des loyers de la terre, ce qui met en difficulté les seigneurs, rentiers du sol. Leur revenu diminue ; ils sont contraints de renoncer au prélèvement de taxes autrefois lucratives, comme les champarts, et ne sont plus en mesure d'exiger l'exécution de corvées.

Le groupe des laboureurs tend donc à consolider sa fortune et sa position au sommet de la société villageoise. Dans un premier temps, la guerre contre les Anglais le renforce encore. En effet, les premiers désastres, qui ont ruiné le prestige de la noblesse, chèrement payée pour accomplir une mission - la défense du royaume - dont elle est manifestement incapable de s'acquitter, ont parfois amené les autorités à lui permettre de s'armer et de se constituer en milices, donnant ainsi naissance à des épisodes qui, comme celui du Grand Ferré, ont pu inspirer le comportement des « Jacques ».

Craintes et soulèvement.

• Or, dans les années 1350, le groupe des paysans aisés se sent menacé. La guerre, si mal menée, coûte d'autant plus cher qu'il va falloir verser la rançon du roi Jean II le Bon (3 millions d'écus) et payer également pour l'entretien de l'armée. Les défaites militaires entraînent un durcissement de la fiscalité royale qui, pesant essentiellement sur les communautés rurales, est très mal ressenti par ces dernières. Il suffit que les paysans puissent craindre que les seigneurs tentent de restaurer leurs anciens droits pour que la révolte éclate. C'est ce qui se passe en mai 1358.

La Jacquerie est donc le fait d'un groupe social en plein essor, qui redoute que la noblesse ne tente une réaction qui aboutirait à le déposséder de ses acquis économiques. Elle est également provoquée par les craintes que suscite la politique fiscale du duc de Normandie (le futur Charles V) en l'absence de son père, prisonnier en Angleterre. Ce double aspect - fiscal et social - fait de la Jacquerie un phénomène dont le seul équivalent est la « grande révolte des travailleurs » de 1381, en Angleterre. Là aussi, dans un contexte de défaites militaires, l'aggravation de la pression fiscale va déstabiliser le groupe dominant de la paysannerie et provoquer une révolte générale.