Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
N

Nominoë,

premier duc de Bretagne ( ? - près de Vendôme, 851).

L'accession au trône de Pépin le Bref (751) est le prélude à une longue période de conflits avec les Bretons, l'objectif premier des rois francs étant la récupération de Vannes. Les campagnes entreprises par Pépin puis par Charlemagne (753, 786, 799, 811) ne créent aucune situation définitive, si ce n'est la création de la Marche de Bretagne et l'unification des Bretons sous le commandement d'un seul homme (Morvan d'abord, Wiomarc'h ensuite). Après la campagne de 818, menée par Louis le Pieux et marquée par la mort de Morvan, et l'assassinat de Wiomarc'h par les hommes de Lambert, comte de Nantes, les Francs semblent dominer la péninsule. Louis le Pieux, sentant qu'il ne peut s'agir là d'une situation durable, nomme le comte du Vannetais, Nominoë, envoyé de l'empereur (missus imperatoris) et chef de la Bretagne (dux in Britannia). La mort de Louis le Pieux et le partage de l'Empire poussent Nominoë à mener une politique indépendante. Se réclamant de l'empereur Lothaire, il entre en rébellion contre Charles le Chauve. Il conquiert rapidement la région de Rennes et de Nantes, donnant à la Bretagne ses frontières définitives, après la victoire de Ballon (845). Parallèlement, il réorganise l'Église bretonne, avec l'aide de saint Conwoïon, abbé de Saint-Sauveur de Redon, en remplaçant les évêques francs par des évêques bretons et en introduisant la règle bénédictine dans les monastères de sa principauté. La guerre reprend avec Charles le Chauve, et Nominoë pousse son avantage jusqu'en Anjou et dans le Maine. L'œuvre de Nominoë est poursuivie par son fils, Érispoë, qui contraint Charles le Chauve à lui reconnaître, par le traité d'Angers (851), le titre de roi ainsi que la possession de Rennes, Nantes et Retz.

Normandie.

Dépourvue d'une réelle unité géographique, la Normandie, délimitée à l'ouest par le Massif armoricain, et faisant partie du Bassin parisien à l'est, se compose aujourd'hui de deux régions administratives : la Haute-Normandie (Seine-Maritime et Eure) et la Basse-Normandie (Calvados, Manche et Orne). Elle doit son nom aux Normen (« hommes du Nord ») qui l'ont peuplée à partir du Xe siècle.

La Normandie d'avant les Normands.

• Avant la conquête de la Gaule par les Romains et la victoire de César à Montcastre (56 avant J.-C.), la région de la basse Seine est occupée par divers peuples : au nord, les Veliocasses (Vexin) et les Calètes (Caux) ; au sud, les Abrincates (Avranches), les Unelles (Cotentin), les Bajocasses (Bayeux), les Viducasses (Vieux, près de Caen), les Esuvii (Sées), les Éburovices (Évreux) et les Lexoves (Lisieux). Tous sont incorporés à la province de la Lyonnaise, puis, durant le Bas-Empire, à la Seconde Lyonnaise, avec Rotomagus (Rouen) comme capitale. Pendant la période des invasions germaniques, qui s'étend du IIIe au Ve siècle, l'intégration de la province dans la Neustrie constitue le fait le plus saillant. Les VIe et VIIe siècles sont marqués principalement par l'implantation solide du monachisme dans la région (Jumièges, Saint-Wandrille), à quoi succèdent les incursions de plus en plus fréquentes de Saxons ou de Scandinaves (en 841, Rouen est incendiée).

Le duché de Normandie : de la création à 1204.

• Au début du Xe siècle, les pourparlers qui s'engagent entre le roi Charles III le Simple et le chef viking Rollon aboutissent au traité de Saint-Clair-sur-Epte (911). Rollon reçoit alors un territoire correspondant à peu près à la Haute-Normandie actuelle, en échange de son baptême et de l'arrêt complet des pillages par ses hommes. Entre 924 et 933, la région de Bayeux, le Cotentin et l'Avranchin passent sous son contrôle. Malgré une succession de révoltes et de crises, les premiers ducs de Normandie (Rollon [911/932], son fils Guillaume Longue-Épée [932/942], Richard Ier [942/996] et Richard II [996/1027]) parviennent à affirmer leur pouvoir sur le territoire. Richard II consolide le duché en adaptant les institutions féodales à la Normandie et en faisant construire de nouvelles villes : Dieppe, Alençon, Saint-Lô, et surtout Caen, qui supplante Bayeux et devient la deuxième ville du duché. À cette époque également, de nombreux Normands, refusant de se soumettre au régime ducal, choisissent l'exil et vont fonder un nouvel État prospère en Italie du Sud, voire servir des intérêts étrangers. Ces émigrés contribuent cependant, par l'envoi de fonds, à l'édification ou à la reconstruction des cathédrales (Sées, Coutances).

Mais le XIe siècle est surtout marqué par la personnalité du fils bâtard de Robert le Magnifique (1027/1035), Guillaume dit « le Conquérant », duc de 1035 à 1087 : ce chef doué de qualités exceptionnelles développe le duché dans le sens d'une centralisation croissante avant de se tourner vers l'extérieur. En s'appuyant sur l'Église et sur un conseil restreint de familiers - la curia, institution dont sortira l'Échiquier -, il obtient la succession du roi anglais, son cousin Édouard le Confesseur, qui meurt sans enfant. Une expédition - dépeinte par la Tapisserie de Bayeux - permet à Guillaume de remporter, sur le Saxon Harold, la bataille d'Hastings (14 octobre 1066) et d'être couronné roi d'Angleterre à Westminster. Jusqu'en 1204, Normandie et Angleterre posséderont une véritable communauté de destin, au point de ne former à certaines périodes qu'un seul et même État. C'est durant cette époque que l'art normand acquiert une renommée mondiale. Le duc Robert Courteheuse, fils aîné du « Conquérant », participe vaillamment à la première croisade, mais il est détrôné, à son retour, par Henri, son cadet, devenu roi outre-Manche en 1100. Henri Ier étend et consolide l'œuvre de son père, notamment par la construction de châteaux forts (Arques, Gisors, Domfront, Caen ou Brionne). Mais il ne laisse qu'une fille, Mathilde, mariée au comte d'Anjou, Geoffroi Plantagenêt : cette situation ouvre une crise successorale qui manque de provoquer la séparation de la Normandie et de l'Angleterre. Alors que les Anglais lui préfèrent le comte de Blois Étienne, un neveu d'Henri Ier, Geoffroi, s'empare de la Normandie et se fait couronner duc à Rouen le 19 janvier 1144. L'unité est cependant rétablie au profit du fils de Geoffroi, Henri II Plantagenêt (duc de 1150 à 1189), qui épouse en 1152 Aliénor d'Aquitaine. Après avoir reçu de son père la Normandie, il succède en 1153 à Étienne de Blois sur le trône d'Angleterre et devient le puissant monarque d'un État qui s'étend de l'Écosse aux Pyrénées, et que règle la coutume de la Normandie qu'il fait rédiger. Les fils d'Henri II ne font pas prospérer le duché : l'aîné, Richard Cœur de Lion, roi de 1189 à 1199, dilapide les richesses de ses États dans des campagnes militaires et dans la construction du Château-Gaillard, au-dessus des Andelys ; en un an, entre 1202 et 1203, son second fils, Jean sans Terre, roi de 1199 à 1216, perd la Normandie au profit du roi capétien Philippe Auguste, auquel les barons n'opposent guère de résistance. La rupture du lien anglo-normand entraîne la dislocation du duché : c'est la fin de l'État normand. Les institutions passent aux mains des dignitaires du domaine royal, tout comme l'Échiquier, qui garde le contrôle des Finances et de la Justice, que l'on continue à rendre d'après la codification du Très Ancien Coutumier.