Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
E

Épinay (congrès d'),

congrès du Parti socialiste organisé à Épinay (Seine-Saint-Denis) du 11 au 13 juin 1971, et qui permet à François Mitterrand d'en prendre la direction. Symbolisant la rupture avec la vieille SFIO, ce congrès peut être considéré comme un épisode fondateur dans l'histoire du Parti socialiste.

Le processus de transformation de la SFIO s'est amorcé en mai 1969, au congrès d'Alfortville, lorsque le vieux parti, né en 1905, devenu Parti socialiste, a reçu le renfort d'Alain Savary et de ses amis de l'UCRG (qui avaient fait scission en 1958). Après l'échec cuisant de Gaston Defferre à l'élection présidentielle de juin 1969, puis le ralliement de Jean Poperen, Savary est élu premier secrétaire du PS, grâce à l'appui de Guy Mollet, leader de la SFIO depuis l'après-guerre. Néanmoins, le nouveau parti stagne sur le plan électoral, et une minorité de responsables souhaite rompre avec l'ère molletiste. L'occasion lui en est donnée au congrès d'Épinay, qui voit l'adhésion au PS de François Mitterrand et de ses compagnons de la Convention des institutions républicaines (CIR). Proposant d'engager des discussions avec le PCF, en vue de la signature d'un programme commun de gouvernement (alors que Mollet et Savary affirment la nécessité d'éclaircir d'abord les questions doctrinales entre les deux partis), Mitterrand parvient à fédérer les différentes oppositions à la direction sortante, qui dispose seulement de 30 % des mandats. La proportionnelle intégrale en tant que mode de désignation des responsables du parti est inscrite dans les statuts, et la motion des anciens dirigeants est mise en minorité. La nouvelle majorité, conduite par Mitterrand, obtient 43 des 81 sièges au comité directeur. Élu premier secrétaire au scrutin majoritaire, Mitterrand regroupe autour de lui une équipe composée de ses amis de la CIR (Claude Estier, Pierre Joxe) et de ses nouveaux alliés (Pierre Mauroy et Jean-Pierre Chevènement, dirigeant du CERES). Guy Mollet et ses partisans sont désormais marginalisés.

épuration,

processus judiciaire et extrajudiciaire visant à juger, voire à éliminer, les personnes soupçonnées d'avoir collaboré avec l'occupant et le gouvernement de Vichy.

Commencée au cœur des affrontements de l'été 1944, l'épuration atteint sa plus grande intensité en 1944-1945, pour connaître un terme quasi définitif en 1953 avec la seconde loi d'amnistie générale. Phénomène complexe, elle obéit à différents impératifs, qu'il s'agisse de raffermir la victoire de la Résistance, de rendre justice aux victimes directes des collaborateurs, de restaurer la morale et l'État républicains, ou encore de légitimer la prise du pouvoir par de nouveaux responsables. On distingue généralement l'épuration extrajudiciaire, dite « sauvage », de l'épuration légale, qu'elle soit judiciaire ou professionnelle.

L'épuration « sauvage ».

• Elle apparaît comme la réponse de la Résistance intérieure et d'une partie de la population à la répression orchestrée par le régime de Vichy et la Milice. Elle recouvre des actes très différents, dont le seul point commun est de se dérouler hors de toute instance régulière de jugement, et s'apparente parfois à des défoulements collectifs : ainsi la tonte humiliante de femmes compromises, stigmatisation publique qui permet à une population qui n'a pas toujours été résistante de se dédouaner à bon compte de sa propre passivité et de refaire son unité. Mais l'essentiel de cette première épuration s'inscrit dans le contexte des combats pour la libération complète du territoire : les hommes des maquis, FTP et FFI, s'en prennent d'abord aux supplétifs des nazis (les miliciens, des gendarmes et des policiers). Selon les cas, on pourra considérer qu'il s'agit d'actes de guerre ou de simple vengeance, plus ou moins justifiée : 8 000 à 9 000 exécutions sommaires ont ainsi été perpétrées, dont 80 % avant la mise en place, à l'automne 1944, des juridictions légales.

L'épuration légale.

• Soucieux de restaurer la légalité républicaine, le Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) du général de Gaulle entend imposer sa conception de l'épuration à la Résistance intérieure et aux mouvements communistes. Elle trouve son fondement juridique dans la non-reconnaissance par la France libre de la légalité de l'armistice et du régime de Vichy. Si les articles 75 à 89 du Code pénal en vigueur en 1939 permettent de réprimer les collaborateurs, certains ajouts sont nécessaires : la délation ainsi que les actes commis contre les armées alliées sont désormais considérés comme des crimes ; le délit d'indignité nationale, passible d'une peine de dégradation nationale (privation des droits civiques et politiques), sanctionne ceux qui ont apporté ouvertement leur soutien à l'occupant et au régime de Vichy. Outre les tribunaux militaires, trois juridictions spéciales, composées de magistrats et de résistants, sont instituées : les cours de justice, les chambres civiques et la Haute Cour de justice. Si cette dernière se montre relativement clémente à l'égard des principaux responsables de l'État français - 45 non-lieux ou acquittements simples, 3 exécutions effectives pour 108 dossiers examinés -, le bilan des cours de justice et des chambres civiques est plus lourd : 310 000 dossiers ouverts, près de 40 000 individus condamnés à des peines de prison ou bien de travaux forcés, 50 000 autres frappés par la dégradation nationale, et 6 763 peines de mort prononcées, dont 767 suivies d'exécution. Les tribunaux militaires, dont le détail des sentences reste mal connu, procèdent aussi à l'exécution effective de près de 800 personnes. L'épuration légale a donc entraîné la mort de plus de 1 500 personnes.

L'épuration professionnelle.

• En marge de l'épuration judiciaire, des structures spécifiques se mettent en place au sein des professions afin d'infliger des sanctions disciplinaires à ceux qui se sont compromis avec l'ennemi dans le cadre de leurs fonctions. Il s'agit d'écarter les personnes qui pourraient faire obstacle à la restauration d'un ordre démocratique comme à l'application de certaines réformes. Mais ces principes se heurtent à la volonté d'assurer la continuité de l'État et la relève rapide de l'économie du pays. L'épuration administrative achoppe aussi sur le problème de l'obéissance des fonctionnaires à un régime qui fut considéré comme légal. Elle n'en a pas moins été importante, et a provoqué plusieurs milliers de mises à la retraite. Malgré la pression sociale exercée par les syndicats et les communistes, l'épuration économique est en revanche plus limitée. À l'exception de la nationalisation-sanction de Renault, le patronat est peu touché. À l'inverse, les exclusions prononcées par le Comité national des écrivains sont d'autant plus importantes qu'elles touchent des personnes dont l'engagement en faveur de la Collaboration est connu de tous.