Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
B

Bossuet (Jacques Bénigne), (suite)

Une souveraineté polémique.

• En 1681, Bossuet est nommé à l'évêché de Meaux, où il déploie jusqu'à la fin de sa vie un grand zèle pastoral. Mais sa réputation et son autorité ne peuvent borner son action aux limites d'un diocèse. Outre les oraisons funèbres qu'il continue de prononcer à Paris, Bossuet donne sa forme achevée à la tradition gallicane en rédigeant, pour l'assemblée extraordinaire du clergé de France, la Déclaration des Quatre Articles (1682). Il s'engage dans des controverses à l'extérieur de l'Église (Histoire des variations des Églises protestantes, 1688), tout en pratiquant une forme d'œcuménisme avant la lettre, mais il polémique aussi au sein même du catholicisme avec Fénelon, qu'il suspecte de quiétisme et fera condamner ; avec le Père Caffaro, qui avait osé prendre la défense du théâtre ; avec Richard Simon, auteur d'une traduction « téméraire » du Nouveau Testament. Bossuet finit par l'emporter, mais la postérité donnera raison à ses adversaires. Il meurt à Paris le 12 avril 1704.

Témoin inquiet de « la crise de la conscience européenne », qu'il avait combattue avec les armes d'une orthodoxie identifiée au pessimisme augustinien, Bossuet fut un temps la conscience de la monarchie absolue et de l'Église de France. Mais il demeure, au-delà des clivages religieux et politiques, comme le plus grand maître d'éloquence sacrée de notre histoire littéraire.

Boucher de Crèvecœur de Perthes (Jacques),

archéologue, considéré comme le fondateur de la science préhistorique moderne (Rethel, Ardennes, 1788 - Abbeville, Somme, 1868).

Il est directeur des douanes d'Abbeville lorsque, intéressé à la préhistoire par son ami Picard qui collecte des objets préhistoriques qu'il croit « celtiques », il commence lui-même, à partir de 1837, à ramasser dans les carrières de gravier de la Somme des outils de silex et des ossements d'animaux disparus. Il dénomme ces silex « haches diluviennes » (datant du Déluge) et les présente à la société savante locale, puis à l'Institut, à Paris. Il se heurte à un scepticisme général, l'idée d'évolution n'étant pas encore admise. Il publie De la Création : essai sur l'origine et la progression des êtres (1838-1841), puis Antiquités celtiques et antédiluviennes (1847-1864), supposant désormais que la présence de ces outils dans le gravier alluvial ne doit rien au Déluge. Cependant, peu à peu, l'opinion scientifique change. Le Dr Rigollot, qui fouille lui-même dans la vallée de la Somme, reconnaît dans ses Mémoires sur les instruments en silex trouvés à Saint-Acheul (1854), la justesse des découvertes de Boucher de Perthes, tout comme le paléontologue Albert Gaudry. L'année où est publié De l'origine des espèces par voie de sélection naturelle de Darwin (1859), Boucher de Perthes obtient une tardive consécration quand trois des plus célèbres géologues et paléontologues anglais - Falconer, Evans et Prestwich -, attestent l'authenticité des trouvailles et du lien chronologique entre des outils taillés par l'homme et des os d'animaux disparus. Mais c'est à tort qu'il croit découvrir, en 1863, à Moulin-Quignon, une mâchoire humaine fossile, qui n'est qu'une falsification due à ses terrassiers. Il n'en demeure pas moins que la science préhistorique est désormais lancée.

Boucicaut (Jean II le Meingre, dit),

chevalier (Tours vers 1365 - Londres 1421).

 Fils du maréchal Jean Ier, dit le Meingre, également dit Boucicaut, il incarne l'idéal du chevalier accompli. Dans les premières années du règne de Charles VI, de 1380 à 1390, il prend part aux expéditions des chevaliers de l'ordre Teutonique en Prusse. Fait maréchal de France en 1391, il est, en 1396, l'un des chefs de la croisade contre les Ottomans, écrasée par le sultan Bajazet devant Nicopolis, en Bulgarie. À son retour, Boucicaut est chargé par Charles VI de prendre possession de la ville de Gênes, qui s'est donnée au roi de France. Au cours des dix années suivantes, il s'empare de Constantinople en 1400, de Gênes en 1401, saccage Beyrouth en 1403, enlève Pise en 1404, et doit finalement abandonner l'Italie après la révolte de Gênes en 1409. De retour à la cour de Charles VI, il jouit d'un immense prestige de croisé et de chevalier. En 1415, il commande l'avant-garde de l'armée royale à Azincourt, où il est fait prisonnier. Il meurt en captivité, en Angleterre.

Le Livre des faits de Jean le Meingre, dit Boucicaut est la biographie d'un chevalier de légende, défenseur des dames et auteur lyrique, aussi habile aux joutes d'armes qu'aux joutes courtoises. Au tournant du XIVe et du XVe siècle, cette œuvre réhabilite une chevalerie française très déconsidérée depuis les batailles de Crécy (1346) et de Poitiers (1356), et qui, paradoxalement, sort grandie, par son sacrifice, de ses plus grandes défaites, celles de Nicopolis et Azincourt.

Bougainville (Louis Antoine, comte de),

mathématicien et explorateur, premier Français à avoir fait le tour du monde (Paris 1729 - id. 1811).

Ses talents de mathématicien, que révèle le Traité de calcul intégral (1754), lui valent d'être reçu à la Société royale de Londres en 1756. Parallèlement à cette carrière scientifique, il gravit les échelons militaires. En 1756, il s'embarque pour le Canada comme aide de camp de Montcalm de Saint-Véran, se familiarisant ainsi avec l'art de la navigation. Il séjourne dans ce pays jusqu'en 1759, s'illustrant dans la lutte menée par les Français contre les Anglais. En 1763, il est nommé capitaine de vaisseau. Désireux de compenser la perte du Canada français, il fonde une colonie aux îles Malouines, qui sera cédée aux Espagnols en 1767. Se pliant à la volonté du roi, il entreprend, le 5 décembre 1766, un tour du monde, embarquant à bord de l'Étoile et de la Boudeuse plusieurs scientifiques, notamment des biologistes. Il franchit l'Atlantique, fait escale à Buenos Aires, Montevideo, Rio, atteint la Terre de Feu (6 décembre 1767), traverse le Pacifique, et redécouvre Tahiti. Les descriptions qu'il rapporte de cette « nouvelle Cythère », que Diderot compare à un paradis terrestre, alimentent le mythe du bon sauvage propagé dans la France des Lumières. Après avoir exploré des eaux inconnues des Européens, il rentre à Saint-Malo, le 16 mars 1769.