Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Bonald (Louis Gabriel Ambroise, vicomte de),

philosophe et homme politique (Millau 1754 - id. 1840).

Issu d'une famille rouergate de petite mais ancienne noblesse, Louis de Bonald fait ses études chez les oratoriens de Juilly, devient mousquetaire du roi et maire de Millau en 1785. Lié aux milieux physiocratiques, il accueille favorablement les nouvelles de l'année 1789. Reconduit dans ses fonctions de maire en 1790, élu à la présidence de l'assemblée départementale, il refuse la Constitution civile du clergé en 1791, démissionne et émigre le 18 octobre, pour s'enrôler dans l'armée des princes, avant de se réfugier à Constance, où il séjourne jusqu'en 1797. Il y écrit la Théorie du pouvoir politique et religieux, premier grand ouvrage doctrinal de la Contre-Révolution française. Rentré clandestinement en France au printemps 1797, il publie, entre 1800 et 1802, l'Essai analytique sur les lois naturelles de l'ordre social, Du divorce, la Législation primitive, et collabore régulièrement au Mercure de France, puis au Journal des débats. Napoléon le nomme au Conseil de l'Université en 1810, et Louis XVIII à l'Académie en 1814. Élu à la Chambre « introuvable » en 1815, il publie notamment des Recherches philosophiques (1818). L'un des principaux rédacteurs du Conservateur (1818-1820), puis du Défenseur (1820-1821), pair de France (1823), comptant parmi les voix les plus respectées du parti ultra, Bonald préside le comité de censure en 1827. Il quitte la vie politique en 1829, se retire au château de Monna, près de Millau, où il mourra, laissant de nombreux textes inédits, dont des Réflexions sur la révolution de Juillet, publiées en 1880.

Éminent représentant de la pensée contre-révolutionnaire, avec Joseph de Maistre et le premier Lamennais, partie prenante dans tous les débats politiques et idéologiques de la Restauration, Bonald entend analyser les causes de la Révolution et en récuser les principes. À la différence du comte de Maistre, il fonde son système moins sur la providence que sur des concepts : société organique, législation primitive d'origine divine - à laquelle le langage inné donne corps -, constitution naturelle évoluant vers son achèvement monarchique et réunissant sociétés religieuse et politique, rythme ternaire fondamental « cause/moyen/effet ». Pour lui, l'histoire tend vers une fin catastrophique. Son influence marquera le XIXe siècle, de Balzac à Maurras, et sa formule - souvent attribuée à d'autres - « La littérature est l'expression de la société » (1802) passe pour avoir ouvert la voie à la sociologie littéraire.

Bonaparte (famille).

La formation, à partir de 1806, du Grand Empire, constitué de pays vassaux, royaumes, principautés et duchés, rassemblés autour de l'Empire français qui en compose le noyau, est indissociable du « pacte de famille », rouage essentiel de la stratégie européenne de Napoléon Ier.

Même si ce système relève d'une politique de puissance classique, la pratique napoléonienne innove par un systématisme tel que les frères et sœurs placés sur le trône de pays étrangers - à l'exception de Lucien, qui, refusant de se soumettre, est exclu de la succession dynastique - ne disposent d'aucune liberté de manœuvre. Au service exclusif de l'Empire français, ils sont aux ordres de l'Empereur, auquel ils sont personnellement attachés. L'organisation de la famille impériale, dont le statut particulier est promulgué le 31 mars 1806, place ainsi tous les parents de Napoléon entièrement sous sa tutelle : non seulement les enfants mineurs, mais aussi les parents majeurs, qui ne peuvent se marier ou adopter d'enfants sans son consentement, et qu'il peut emprisonner à sa guise. La même année, Joseph devient roi de Naples (puis roi d'Espagne en 1808) ; Louis, roi de Hollande ; Caroline - épouse de Murat -, grande-duchesse de Berg (puis reine de Naples en 1808), et Pauline, duchesse de Guastalla. En 1807, Jérôme, qui épouse la fille du roi de Wurtemberg, est fait roi de Westphalie ; puis Élisa, princesse de Lucques et de Piombino en 1805, devient grande-duchesse de Toscane en 1809. Les enfants du premier lit de Joséphine de Beauharnais, première épouse de Napoléon, jouent aussi un rôle dans cette politique familiale : Hortense, qui épouse Louis ; et, surtout, Eugène, vice-roi d'Italie en 1805, que Napoléon adopte et marie à la fille du roi de Bavière en 1806 ; sans oublier Stéphanie, nièce de Joséphine, également adoptée par l'Empereur, et mariée en 1806 au prince héritier du grand-duché de Bade.

Ce système n'est pas sans défauts ni conflits d'autorité. Napoléon se heurte à l'orgueil de Joseph, l'insoumission de Louis, l'insouciance de Jérôme ou l'ambition de Caroline. Mais ses parents appliquent ses principales consignes. Ils dotent ainsi leurs royaumes de Constitutions et d'institutions inspirées du modèle français, et, surtout, observent le Blocus continental, proclamé en novembre 1806, pillent les richesses et fournissent des soldats à la Grande Armée. Cependant, même si l'administration française remodèle en profondeur une partie de l'Europe conquise, aucun Bonaparte n'acquiert d'autorité ou de légitimité suffisantes pour conserver durablement son trône.

Bonaparte (Joseph),

homme politique (Corte, Corse, 1768 - Florence, Italie, 1844), roi de Naples (1806/1808) puis d'Espagne (1808/1813).

Frère aîné de Napoléon, avocat, entré en politique dès 1789, il s'engage avec les jacobins corses dans la lutte contre Paoli, mais il ne peut satisfaire ses ambitions. Après avoir quitté la Corse en 1793, il devient commissaire des guerres, puis, dans le sillage de son frère, est élu député au Conseil des Cinq-Cents en 1797, mais ne joue aucun rôle dans le coup d'État du 18 brumaire. Membre du Corps législatif et du Conseil d'État sous le Consulat, il remplit avec succès ses missions diplomatiques en œuvrant aux signatures du traité de Lunéville, du concordat de 1801 et de la paix d'Amiens. Sénateur en 1802, grand électeur en 1804, il reçoit la régence lors de la campagne de 1805. Bien que couvert d'honneurs, il supporte mal sa subordination et multiplie les brouilles. Fait roi de Naples en 1806, non sans avoir en vain réclamé une certaine autonomie auprès de Napoléon qui lui adjoint notamment Roederer, il adapte le modèle français à son royaume. Transféré sur le trône d'Espagne en 1808, il n'acquiert pas davantage d'autorité. Au terme de la longue guerre d'Espagne, il doit fuir la péninsule et perd sa couronne au traité de Valençay (11 décembre 1813). Lors de la campagne de 1814, il est nommé lieutenant général de l'Empire, chargé de défendre Paris - qu'il abandonne le 30 mars. Pendant les Cent-Jours, il préside le Conseil des ministres en l'absence de Napoléon. Installé aux États-Unis en 1815 sous le nom de comte de Survilliers, il se fixe à Florence, après plusieurs voyages, en 1841.