Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Empire (Second). (suite)

L'intervention militaire en Italie constitue cependant la grande affaire du régime et, malgré les hésitations et les prudences, sa principale réussite. Les victoires de Magenta et de Solférino, en 1859, délivrent l'Italie de la domination autrichienne. Certes, le programme élaboré l'année précédente à Plombières entre Cavour et Napoléon III n'a pu être honoré, les hostilités ayant été rapidement interrompues par crainte d'une intervention prussienne, et en raison d'une opposition catholique intérieure inquiète du sort réservé au pouvoir temporel du pape. La Vénétie n'est rattachée à l'Italie qu'en 1866, et les États de l'Église (réduits à Rome et au Latium) sont défendus par le corps expéditionnaire français, jusqu'en 1870, après la capitulation de Sedan. Mais le royaume d'Italie est né, en mars 1861, des conséquences de la victoire franco-piémontaise sur les Autrichiens, et du bon vouloir de Napoléon III, récompensé en 1860 par la cession de Nice et de la Savoie à la France.

Dans les années 1860, la politique étrangère devient plus incertaine. L'expédition du Mexique, « la grande pensée du règne », est politiquement mal engagée, et militairement maladroite : le nouvel empire mexicain s'effondre, et l'exécution de Maximilien, en 1867, est une humiliation pour la France. De la même façon, l'insurrection polonaise de 1863 se solde par un échec diplomatique : d'abord hostile au soulèvement, Napoléon III s'efforce bientôt de soutenir une cause polonaise qui bénéficie de la sympathie de l'opinion, et qui illustre son attachement au principe des nationalités. Mais, incapable d'imposer ses vues, il se brouille avec la Russie (dont il s'était rapproché depuis 1859), sans parvenir à établir un front commun franco-anglais, la Grande-Bretagne s'irritant, à cette occasion, de ses projets de remaniements territoriaux européens. Soucieux, ensuite, de ménager la Prusse, qui a renforcé ses positions lors de l'affaire polonaise, il la laisse occuper les duchés danois du Schleswig et de Holstein (1864). La politique allemande révèle les erreurs de la diplomatie française. En 1866, Napoléon III escompte une guerre longue entre l'Autriche et la Prusse, en rivalité pour asseoir leur domination en Allemagne, à l'issue de laquelle il pourra imposer ses conditions. Or, le triomphe prussien de Sadowa (3 juillet 1866) l'oblige à une médiation improvisée et bâclée : il entérine les acquisitions territoriales de la Prusse, et lui laisse le champ libre pour unifier l'Allemagne, à condition de ne pas dépasser la ligne du Main. Les demandes de compensation sont présentées tardivement et maladroitement. La dernière d'entre elles (revendication concernant le Luxembourg, en 1867) manque de provoquer une guerre immédiate avec la Prusse. Le conflit de 1870 est né, en partie, de cette faillite diplomatique.

On peut imputer ces échecs à la personnalité de l'empereur, inconstant, trop ambitieux, affaibli aussi par la maladie à partir de 1866. En outre, son entourage, favorable au statu quo stratégique en Europe, ne l'a pas toujours soutenu. Le Second Empire n'a pas eu les moyens de sa politique extérieure : l'armée française est alors dotée d'effectifs insuffisants, d'une organisation déficiente et d'un commandement médiocre. L'empereur en a pris conscience tardivement, et il échoue dans sa tentative de réforme militaire en 1867 et 1868. Enfin, il a eu trop tendance à faire dépendre sa politique d'une opinion publique versatile.

La lente libéralisation d'un régime autoritaire

Les orientations de la politique étrangère, ses échecs, mais aussi l'ouverture commerciale décidée en 1860, génèrent une opposition cléricale et protectionniste au sein du Corps législatif. Napoléon III s'efforce de la canaliser par quelques concessions en 1860 et 1861 : rétablissement du droit d'adresse, publicité des débats parlementaires, fin des crédits extraordinaires sans consentement du Corps législatif. Ces mesures ne changent pas la nature du régime, mais elles raniment la vie politique. Les élections de 1863, plus disputées, se soldent par le succès de 32 opposants et le triomphe complet des républicains à Paris. Thiers fait sa rentrée politique. L'absence d'autres concessions impériales provoque la formation, en 1866, du Tiers Parti, favorable au bonapartisme libéral. Les échecs extérieurs de 1866 conduisent l'empereur à faire de nouvelles propositions, annoncées en 1867 : rétablissement du droit d'interpellation, libertés contrôlées de la presse et de réunion. Elles enhardissent l'opposition républicaine menée par une nouvelle génération, critique à l'égard de ses aînés, dont le programme se radicalise, et qui trouve un chef de file en la personne de Léon Gambetta. Le Tiers Parti n'est pas satisfait pour autant, car les bonapartistes autoritaires, avec Eugène Rouher, demeurent au pouvoir. Les élections de 1869 voient le succès de la tendance libérale, au sein ou hors de la majorité, qui s'illustre lors de l'« interpellation des 116 », quand, à l'initiative d'Émile Ollivier, cent seize députés évoquent « la nécessité de donner satisfaction au sentiment du pays en l'associant de manière plus efficace à la direction de ses affaires ». Napoléon III est contraint de lui accorder satisfaction : le sénatus-consulte du 8 septembre 1869 redonne au Corps législatif les attributions normales d'une Assemblée, et établit un régime semi-parlementaire de fait, avec double responsabilité des ministres devant le Corps législatif et devant l'empereur. Le choix d'Émile Ollivier en tant que chef du gouvernement, le 2 janvier 1870, confirme cette orientation, parachevée par le sénatus-consulte du 20 avril 1870 transformant le Sénat en seconde chambre législative. L'empereur garde néanmoins le droit de faire appel au peuple, et il en use en soumettant à un plébiscite les transformations constitutionnelles. Il réussit ainsi à regrouper ses partisans - les défenseurs de la dynastie - mais aussi ses adversaires de l'opposition républicaine. Le 8 mai 1870, le « oui » obtient 68 % des inscrits presque autant qu'en 1852 -, et le régime paraît une nouvelle fois fondé. Pourtant, quelques mois plus tard, il s'effondre, à la suite du désastre de Sedan.