Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Louvre (suite)

Le renouveau se produit sous le règne de François Ier. Celui-ci, décidé à habiter plus régulièrement dans sa capitale, et au Louvre en particulier, signifie en 1527 qu'il a « délibéré faire réparer et mettre en ordre ledit chastel ». Pour dégager l'espace, la « grosse tour » est rasée l'année suivante, décision que seul pouvait prendre un roi puissant, compte tenu de la force symbolique de l'édifice. La cour est dallée, un quai est édifié le long de la Seine, mais les gros travaux sont différés. La tradition veut que le séjour de Charles Quint au Louvre en 1540 ait incité François Ier à agir : en effet, malgré des efforts d'aménagement, le roi n'avait pu accueillir l'empereur avec le faste requis. Le projet de rénovation, mis au point en 1545-1546, est confié à Pierre Lescot, et les travaux sont entamés en 1547, peu avant la mort du roi. Une aile ouest entièrement nouvelle s'élève, qui est achevée sous le règne d'Henri II. Le décor sculpté, signé principalement de Jean Goujon, y tient une place importante, tant en façade que dans les espaces intérieurs (salle des Cariatides). Mais les plans d'origine ont été profondément remaniés. L'escalier central initialement prévu est déplacé au nord pour agrandir et unifier l'espace de réception. Il faut donc construire un pavillon au sud, par souci de symétrie... tout en maintenant un avant-corps central, signe monumental hérité de la première Renaissance et qui n'a plus désormais qu'un rôle décoratif. De même, l'invention profondément novatrice du toit à comble brisé s'explique à la fois par le souci d'éviter le toit à comble droit - trop écrasant -, d'abord envisagé, et par la nécessité d'accroître la surface destinée aux logements : sous le comble brisé est en effet aménagé un étage qui n'était pas prévu au départ. La façade Henri II du Louvre, emblème du « premier » classicisme français, est ainsi le fruit de tâtonnements et de remaniements nombreux. Elle tient lieu de référence dans les étapes ultérieures de l'aménagement du Louvre, mais son rayonnement s'étend bien au-delà : elle influence l'ensemble des conceptions architecturales jusqu'au XIXe siècle. En son temps, le Louvre n'est pas seulement un « manifeste artistique » : il place le roi de France en bonne position dans la compétition architecturale internationale qui s'est instaurée entre les souverains. Quant au décor, il véhicule un message d'harmonie universelle, garantie par un souverain tout-puissant.

Un « grand dessein » de trois siècles

Le Louvre est devenu une résidence de prédilection pour les derniers Valois. La reine-mère Catherine de Médicis se fait alors construire un palais situé un peu plus à l'ouest, les Tuileries, dont les travaux commencent en 1564. Peu après, au Louvre, s'ouvre le chantier de la Petite Galerie, qui prolonge l'aile ouest vers la Seine, au-delà du pavillon du roi, et sera achevée en 1595. Germe alors l'idée de relier les deux châteaux par une grande galerie, le long du fleuve, projet peut-être inspiré par les réalisations effectuées entre le palais des Offices et le palais Pitti, à Florence. C'est le début du « grand dessein », celui d'un ensemble palatial unifié, d'une ampleur exceptionnelle. La galerie du Bord-de-l'Eau, longue de quelque 470 mètres, est achevée sous le règne d'Henri IV, en 1608. L'étage noble sert de galerie de circulation et de réception. Au rez-de-chaussée, une salle est destinée aux collections royales et de vastes ateliers sont réservés à des artistes. Dans l'espace compris entre la galerie et les deux châteaux, le quartier du Louvre connaît une réelle prospérité.

À partir de Louis XIII, la Cour carrée, qui s'étend alors sur le seul quart sud-est de la cour actuelle, mobilise l'essentiel des efforts architecturaux, sans pour autant empêcher la transformation d'espaces intérieurs existants, telle la décoration de la Petite Galerie, qui date du début du règne de Louis XIV. La nouvelle aile ouest a été flanquée dès l'époque d'Henri II et de Charles IX d'une aile sud très semblable. Mais des deux autres côtés subsiste encore le gros œuvre du Louvre de Charles V. Sous le règne de Louis XIII, Jacques Lemercier agrandit l'aile ouest de Lescot vers le nord, doublant ainsi sa longueur. Au centre, il édifie un pavillon dont l'étage supérieur est orné de cariatides signées de Jacques Sarrazin. Le dôme qui le surmonte servira de modèle pour la couverture de tout le palais. Les ailes nord et est sont édifiées par Le Vau, sur le modèle de l'aile ouest, dans les années 1660. À cette date, la Cour carrée a atteint la taille qu'on lui connaît aujourd'hui, et le bâtiment de l'époque médiévale a entièrement disparu. L'entrée principale, initialement située au sud, à l'abri d'une barbacane, se trouve à l'est depuis François Ier. Louis XIV et Colbert souhaitent la mettre en valeur par une façade solennelle servant de digne frontispice au palais. Un premier projet de Le Vau est remis en cause par les propositions du Bernin, à qui l'on fait appel. La façade en courbes et contre-courbes imaginée par ce dernier commence à être exécutée en 1665, puis est abandonnée après le départ de l'Italien. Le Vau, Claude Perrault et surtout François d'Orbay se remettent à la tâche, faisant édifier la colonnade actuelle, en retrait de 11 mètres sur les travaux précédents. Tour de force technique et nouveau manifeste du classicisme à la française, cette colonnade est le dernier grand chantier avant une longue éclipse. En effet, après la mort d'Anne d'Autriche, en 1666, le roi se désintéresse de plus en plus du Louvre, et ses successeurs, à l'exception de la brève période de la Régence, vont définitivement l'abandonner. Pendant plus d'un siècle, le palais ne fait plus l'objet que de réaménagements mineurs, telle la suppression, en 1776, de constructions parasitant la colonnade. Même les façades de la Cour carrée restent inachevées.

Sous la Révolution, le siège du pouvoir politique est de nouveau installé à Paris, mais ce sont désormais les Tuileries qui l'abritent. Le « grand dessein » de la fin du XVIe siècle est repris sous le Premier Empire. Cette fois, il s'agit de relier par le nord, le long de la nouvelle rue de Rivoli, Louvre et Tuileries. Sous la direction de Percier, puis de Fontaine, le chantier est ouvert aux deux extrémités. Dans l'espace qui sépare les deux ailes, l'arc de triomphe du Carrousel est édifié à la gloire de la Grande Armée (1808). Dans le même temps, les façades de la Cour carrée sont achevées ; les aménagements intérieurs se poursuivent, et ce jusqu'au milieu du XIXe siècle, la IIe République marquant un temps fort (en témoignent les travaux de restauration de Duban), alors que le chantier de l'aile nord a été interrompu dès 1814.