Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
A

arc de triomphe,

porte monumentale des villes gallo-romaines.

À Rome, l'arc de triomphe est censé, à l'origine, purifier du sang versé les soldats rentrés d'une campagne victorieuse, au cours d'une cérémonie qui donne le droit au général vainqueur (imperator) d'entrer dans le territoire sacré de la ville (pomoerium), à la tête de son armée, et d'y exercer son pouvoir de commandement au-dessus des autres magistrats (imperium militiae). La multiplication de ces monuments en Gaule est plutôt liée au souci architectural de délimiter les espaces urbain et rural dans les cités. Sur les trente-sept édifices recensés, seuls les arcs de Saint-Rémy-de-Provence (Glanum), Orange, Carpentras, Cavaillon et Saintes sont bien conservés.

Les arcs de triomphe gaulois se trouvent, le plus souvent, aux frontières de la ville, mais ils ne sont pas systématiquement intégrés à des remparts, qui sont un privilège peu fréquent, concédé par l'empereur (Nîmes). Avec les constructions d'enceintes fortifiées à la fin du IIIe siècle et au IVe, ils sont parfois intégrés aux murailles (porte de Mars, à Reims). Ces monuments à une, deux ou trois baies voûtées, que flanquent des colonnes ou des pilastres engagés, sont surmontés d'un entablement comprenant architrave, corniche et frise, et couronnés d'un ou plusieurs attiques.

L'inscription de l'architrave mentionne le nom du dédicataire de l'édifice (Tibère et les membres de sa famille, à Saintes), ainsi que celui du donateur et de ses descendants. Sur l'arc d'Orange, dédié en 26-27, des ornements militaires variés - trophées, dépouilles navales, panneaux d'armes, scènes de combats entre Romains et Celtes, qui évoquent peut-être la révolte menée par le Trévire Julius Florus et l'Éduen Julius Sacrovir en 21 - décorent la frise d'entablement, l'attique, les archivoltes latérales et centrales, les panneaux situés entre les voûtes et l'entablement, et rappellent ainsi la fonction militaire du monument. Lien entre les nécropoles suburbaines et la ville, édifice honorifique et commémorant les victoires romaines, l'arc de triomphe exprime la reconnaissance de la cité envers le prince. Cette gratitude se traduit dans le culte impérial municipal, qu'évoque précisément, sur la porte de Glanum, la frise de retombée de voûte.

arc de triomphe de l'Étoile,

monument érigé à la gloire des armées françaises, sur la colline de l'Étoile, à Paris, et devenu peu à peu un haut lieu de culte civique national.

Décidée par Napoléon Ier à son retour d'Austerlitz, la construction de l'Arc de triomphe, commencée en 1806, est interrompue en 1814 par l'abdication de l'empereur. Elle reprend en 1823, sur ordre de Louis XVIII, qui dédie l'Arc à l'armée d'Espagne et à son chef victorieux, le duc d'Angoulême. Mais les travaux ne sont achevés que sous la monarchie de Juillet, Louis-Philippe ayant rendu à l'Arc sa destination première et ajouté à la gloire des armées impériales celle des armées de la République. La situation élevée du monument, son alignement dans la perspective du château des Tuileries, sa masse imposante, l'érigent d'emblée en symbole de puissance.

L'Arc de triomphe est discrètement inauguré le 29 juillet 1836, et il est officiellement consacré le 15 décembre 1840, lors du retour des cendres de Napoléon, dont le char funèbre fait halte sous sa voûte : une cérémonie décidée par un Louis-Philippe -  « roi bourgeois » porté au trône par une révolution - en quête de légitimité. C'est encore une caution que recherche en 1885 la jeune République bourgeoise lorsque, voulant forcer l'unanimité contre les royalistes et les communards, elle offre des funérailles nationales à Victor Hugo, figure syncrétique et héros républicain, dont la dépouille est exposée, dans la nuit du 31 mai au 1er juin, sous l'Arc transformé en chapelle ardente. Au lendemain de la Grande Guerre, le monument prend véritablement toute sa dimension fédératrice et sacrée : l'inhumation sous sa voûte, le 11 novembre 1920, du soldat inconnu, « mort collectif » de la guerre, et les cérémonies du 11 novembre (décrété fête nationale en 1922) en font un nouveau lieu de culte national officiel.

Lieu œcuménique de liturgie à la fois républicaine et patriotique qui supplante les Invalides et le Panthéon, il devient le point de départ de cortèges rituels menant du Triomphe à la Concorde (le 18 juin 1945) et reliant parfois l'Ouest des beaux quartiers à l'Est populaire, tel le grandiose défilé de la Victoire du 14 juillet 1919, qui mène de l'Arc jusqu'à la Bastille. Conscience nationale et continuité de la République accompagnent la marche imposante du général de Gaulle depuis l'Arc jusqu'à Notre-Dame, le 26 août 1944, lendemain de la libération de Paris. Ainsi en est-il aussi du geste du président socialiste François Mitterrand qui, fraîchement élu, s'incline devant la tombe du soldat inconnu, avant de se rendre au Panthéon, le 21 mai 1981. À la symbolique de l'Arc de triomphe s'ajoute, depuis 1989, celle de la Grande Arche construite dans son axe, siège de la Fondation internationale des droits de l'homme.

Arc-et-Senans (Salines royales d'),

cité industrielle conçue par Claude Nicolas Ledoux (1736-1806).

Architecte de Louis XVI, Ledoux est nommé en 1771 inspecteur des Salines de Lorraine et de Franche-Comté, entreprend d'établir une usine de production de sel à laquelle serait rattachée une ville destinée à loger les ouvriers. À travers ce projet, qui ne sera que partiellement réalisé, transparaissent le goût du maître-d'œuvre pour l'antique et son talent novateur. Selon lui, l'architecture doit être à la fois idéalement belle, rationnelle et « parlante », l'aspect extérieur reflétant l'organisation intérieure. On retrouve tous ces éléments dans la physionomie du complexe industriel élaboré entre 1775 et 1779 : les bâtiments sont disposés en hémicycle ; l'entrée colossale est décorée d'un péristyle, dont les pierres sont taillées pour évoquer l'apparence du sel gemme exploité à l'intérieur ; la place qu'occupe chaque édifice (maison du directeur, maréchalerie...) répond à des choix stratégiques. Et la recherche d'une beauté idéale justifie l'adoption de formes géométriques très pures (cylindre, sphère, cube...), qui donnent à chaque bâtiment sa spécificité.