Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Louis XVI (suite)

Lors de son avènement, Louis XVI a hérité d'un royaume dont le prestige international est gravement atteint depuis le désastreux traité de Paris (1763). Vergennes a pourtant l'intention de faire de son maître l'arbitre de l'Europe. Il veut orienter la politique extérieure de la France contre l'Angleterre, sans pour autant compromettre la paix continentale. Il faut donc éviter à tout prix de soutenir les entreprises hasardeuses de l'allié autrichien tout en resserrant le « pacte de Famille » conclu avec l'Espagne. Le soulèvement des colonies d'Amérique contre leur métropole fournit au roi et à son ministre le prétexte qu'ils appellent de leurs vœux. Le 6 février 1778, un traité d'amitié est conclu avec les États-Unis. Beaucoup de jeunes aristocrates qui défendent les idéaux de liberté et d'indépendance partent combattre aux côtés des insurgents. Considéré comme une guerre de revanche contre l'Angleterre, ce conflit outre-mer rompt cependant avec la politique traditionnelle de la monarchie française, puisqu'il s'agit de défendre des colons républicains désireux de mettre fin à tout lien avec leur souverain. La France ne se contente pas d'envoyer des troupes et de participer à l'effort militaire, elle subventionne les Américains, ce qui accroît considérablement la dette de l'État. Necker finance l'entreprise par une série d'emprunts, sans lever d'impôts nouveaux.

Lorsque la paix de Versailles est signée le 3 septembre 1783, Louis XVI apparaît bel et bien comme un arbitre. La France, qui l'a emporté sur sa rivale, a réussi à maintenir la paix en Europe. En outre, elle obtient le Sénégal, l'île de Tobago, des droits de pêche élargis à Terre-Neuve, et pleine liberté de fortifier Dunkerque. Cependant, la guerre d'Amérique ravive les idées de liberté et d'égalité, et contribue à allumer la flamme républicaine. D'autre part, une crise financière menace : jamais une guerre n'a coûté si cher à l'État.

Necker n'est plus aux Finances. Devant l'opposition du parlement et de la cour, il a préféré démissionner dès le mois de mai 1781. Troublé par la mort de Maurepas, et après deux expériences malheureuses, Louis XVI désigne finalement Calonne comme contrôleur général, le 3 novembre 1783. Afin d'éviter la banqueroute, ce dernier propose un « plan d'amélioration des finances » (20 août 1786). Il prévoit un impôt levé sur tous les détenteurs de biens fonciers et dont le montant serait réparti par des assemblées de propriétaires élus. Une fois encore, cette mesure, qui doit aboutir à l'élection d'assemblées représentatives et bouleverser les structures de l'État, suscite l'opposition des privilégiés. Louis XVI recule, renvoie Calonne et appelle au pouvoir son principal adversaire, l'archevêque Loménie de Brienne, lequel propose aussi un impôt équitablement réparti. La crise financière, relayée par des difficultés économiques, prend une telle ampleur que Brienne, devenu principal ministre, demande au roi de céder à la volonté générale : la réunion des états généraux.

Les débuts de la Révolution : mai-octobre 1789

En convoquant les états généraux, Louis XVI renoue avec une pratique ancienne à laquelle on n'a pas recouru depuis 1614. Pour le roi, la crise financière étant à l'origine de cette consultation nationale, on ne doit traiter que des problèmes fiscaux avec les députés. Il redoute cependant que les élus de la nation ne veuillent élaborer une Constitution bouleversant les institutions. Dès 1788, Malesherbes, qu'il a de nouveau désigné comme ministre de la Maison du roi (l'équivalent du ministère de l'Intérieur), lui a conseillé de rédiger lui-même une Constitution avant d'y être contraint par la force. Mais, estimant qu'il doit léguer intact l'héritage de ses pères, Louis XVI refuse d'admettre qu'une part de son autorité soit transférée à une assemblée. Roi de droit divin, il considère que l'exécutif et le législatif dépendent de sa seule personne. Dans ces conditions, la réunion des représentants de la nation ne va pas tarder à devenir une épreuve de force opposant des élus manifestant clairement leur volonté de changement au souverain sourd à des aspirations jugées révolutionnaires.

Dès les premiers jours de mai 1789, le conflit s'engage entre les deux ordres privilégiés et le tiers état d'une part, entre le roi et le tiers état d'autre part. Les députés du troisième ordre ayant osé se proclamer « assemblée nationale » le 17 juin, Louis XVI décide de riposter. Le 23 juin, il tient une « séance royale » durant laquelle il définit les concessions auxquelles il consent : il accorde la liberté individuelle, la liberté de la presse et l'égalité devant l'impôt ; il admet que les contributions et les emprunts soient votés par les états généraux. Ceux-ci, réunis périodiquement, auraient le droit d'établir le budget. Il demande aux députés de chacun des trois ordres (clergé, noblesse et tiers état) de délibérer séparément, ce qui montre sa volonté de ne pas changer les structures fondamentales de la société. Animée par un certain nombre de libéraux - dont Mirabeau est le porte-parole le plus prestigieux -, l'« assemblée nationale » passe outre et poursuit ses travaux. Les jours suivants, la majeure partie du clergé et plusieurs nobles la rejoignent, bravant ainsi les décisions royales.

Louis XVI feint alors de céder. Il accepte la réunion des trois ordres, ce qui revient implicitement à reconnaître l'« assemblée nationale ». Néanmoins, il commence à concentrer des régiments autour de la capitale, sous prétexte de maintenir l'ordre. En réalité, il a l'intention de disperser l'assemblée pour rétablir son pouvoir. Ces mouvements de troupes créent la panique dans Paris, alors menacé par la disette. Redoutant le pire, l'assemblée demande au roi d'éloigner les troupes. En vain. Alors que la capitale est la proie de troubles, l'« assemblée nationale » se proclame « Assemblée nationale constituante » - nouvelle provocation à l'égard du pouvoir. Mais le roi poursuit imperturbablement ses préparatifs. Le 11 juillet, il renvoie le populaire Necker, qu'il a rappelé en 1788, et forme un ministère de combat avec le baron de Breteuil et le duc de Broglie. Contrairement à ce qu'espèrent le souverain et son entourage, ces mesures entraînent un soulèvement populaire, qui aboutit à la prise de la Bastille, le 14 juillet. Ayant compris qu'il s'agit là d'une véritable révolution, Louis XVI se rend dans la capitale, le 17 juillet, et accepte le fait accompli. « Ainsi finit une amende honorable telle qu'aucun souverain n'en avait jamais faite, ni aucun peuple jamais reçue », écrit l'Américain Jefferson, ce soir-là.