Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
R

reine. (suite)

Usages du pouvoir.

• Plusieurs mères ou épouses des héritiers légitimes du trône ont dirigé, de manière occulte ou proclamée, les affaires du royaume. Lorsque le roi meurt et que l'héritier du trône n'a pas atteint la majorité, la reine devient régente et gouverne au nom de son fils : c'est le cas, entre autres, de Blanche de Castille, de Marie de Médicis et d'Anne d'Autriche. Blanche de Castille, que son mari Louis VIII n'a jamais manqué de consulter sur les questions politiques, exerce même la régence à deux reprises : d'abord à la mort de son époux, ensuite lorsque son fils Louis IX, en 1248, entreprend une croisade en Terre sainte. De la même manière, il arrive que le roi confie la régence à sa femme lorsqu'il guerroie au loin : Henri II laisse ainsi plusieurs fois le gouvernement du royaume à Catherine de Médicis.

Durant ces périodes de régence, la reine doit souvent faire face à des troubles - mouvement populaire des pastoureaux et révolte de vassaux (Blanche de Castille), Fronde aristocratique et parlementaire (Anne d'Autriche) - et affronter une opinion publique qui ne manque pas une occasion de lui rappeler qu'elle est « étrangère » au royaume de France. Si la reine, dans ces circonstances, dispose de pouvoirs explicitement énoncés, il peut également arriver qu'elle règne dans l'ombre d'un souverain, ou qu'elle partage avec lui le pouvoir effectif. L'exemple le plus célèbre est celui de Catherine de Médicis, qui détient une réelle autorité sous les règnes successifs de ses trois fils, François II, Charles IX et Henri III ; fait paradoxal : celle que l'opinion a qualifiée d'étrangère et accusée de toutes les perfidies machiavéliques fait preuve, au début des guerres de Religion, d'un sens indéniable de l'État et de la grandeur de la monarchie. De la même façon, Anne d'Autriche, qui, en s'attachant les services de Mazarin, s'attire une impopularité d'une rare violence, apparaît guidée par le souci de laisser à son fils un royaume intact.

Représentation de la monarchie.

• Le roi régnant, le rôle de la reine est moindre ; il n'est pas pour autant aisé. Associée à la majesté royale, l'épouse doit animer une vie de cour où les prérogatives de la reine mère et les intrigues nouées par les maîtresses royales ne lui facilitent pas la tâche. L'Espagnole Marie-Thérèse, épouse effacée de Louis XIV, souffrira toujours de mal parler le français et de ne pas maîtriser les codes mondains. Lorsque la reine, par sa légèreté et ses habitudes dispendieuses, perd le sens de ce qu'elle doit à la représentation monarchique, elle alimente toutes sortes de rumeurs et d'accusations ; c'est le cas de Marie-Antoinette, dont les agissements ne sont pas étrangers au climat délétère où sombre la cour à la veille de la Révolution. Quelques reines, manifestement peu à l'aise dans une représentation réduite à la superficialité courtisane, ont su remplir leurs devoirs de souveraine en animant des foyers de culture : Anne de Bretagne, femme de Louis XII, protège les arts et les lettres, tandis que Marie Leszczynska, femme de Louis XV, devient le centre d'un groupe savant où musique et histoire sont à l'honneur.

D'une manière générale, le rôle de la reine reste quelque peu ingrat : privée d'intimité - son accouchement est public -, condamnée à accepter les aventures amoureuses de son royal époux, obligée d'affronter une cour et une opinion publique hostiles, elle est bien souvent, selon la formule d'un historien contemporain, « confinée dans la procréation et la dévotion ».

Religion (guerres de).

De 1562 à 1598, la France connaît une longue période de troubles au cours de laquelle des factions se revendiquant plus ou moins ouvertement d'un engagement religieux se combattent.

Ces guerres de Religion ont laissé, dans la mémoire, l'image réductrice d'un temps dramatique et sanglant de régression durant lequel la violence la plus « inhumaine », les massacres les plus « horribles », auraient fait glisser le royaume dans la « barbarie » et le « fanatisme ». Mais elles furent aussi l'occasion d'une série de découvertes ou redécouvertes historiquement fondamentales à court, moyen ou long terme : de l'idée de concorde à l'affirmation d'une souveraineté contractuelle, de la valorisation d'un roi incarnant la raison à la théorisation d'une royauté absolue, de la quête intellectuelle des penseurs de l'histoire « parfaite » à la réflexion novatrice des Essais de Montaigne... D'emblée, trois précisions doivent être apportées. D'abord, les « guerres de Religion » sont entrecoupées d'expériences discontinues de pacification d'une durée totale de plus de vingt années ; plus d'une année sur deux ne connaît pas d'engagements militaires. Ensuite, lorsqu'il y a guerre, les différents espaces du royaume sont atteints avec des niveaux d'intensité de violence divers ; une vision trop uniformément sombre empêcherait de comprendre la rapidité du redressement économique et démographique après 1598. Enfin, l'expression « guerres de Religion » est trompeuse, laissant entendre que les affrontements présentent une unité alors que, globalement, deux séquences bien différenciées doivent être distinguées : dans la première, qui concerne les trois premières guerres, la confrontation oppose catholiques et calvinistes ; dans la seconde, qui débute après le choc de la Saint-Barthélemy et s'achève avec la promulgation de l'édit de Nantes, des catholiques prennent les armes contre d'autres catholiques, cherchant à obtenir l'appui du parti réformé. Le problème est alors de savoir si ces guerres ont une finalité uniquement religieuse ou si elles ne conditionnent pas aussi, par la résolution de certaines contradictions, la transition historique de l'ordre monarchique de la Renaissance vers le système du pouvoir absolu du XVIIe siècle.

Une « guerre de religion » avant les guerres de Religion

Il est factice d'opposer le temps troublé des guerres civiles à un premier XVIe siècle qui aurait été celui de la Renaissance française.

Les paradoxes du « beau xvi• e siècle ».

Depuis plusieurs décennies, en effet, le royaume vit dans un univers d'illusions qui dissimule la virulence d'une crise socio-économique (paupérisation d'une partie des sociétés urbaines, faillite financière de l'État, endettement des lignages aristocratiques) et, surtout, la montée en force de l'hétérodoxie religieuse et sa construction confessionnelle calviniste. Certes, depuis l'avènement de François Ier, l'État royal a développé une idéologie triomphaliste, dans laquelle le roi était dit exercer sa prééminence comme le Soleil exerce la sienne sur les planètes gravitant autour. L'ordre politique était présenté comme inné parmi les sujets du roi, sécrétant naturellement l'obéissance. Sol in orbe terrarum : le roi était dit régner sur un État parfait. Mais le discours dissimule une tension de plus en plus forte depuis 1534-1535 (affaire des Placards) et 1536 (première édition de l'Institution de la religion chrétienne, de Calvin) : tous les efforts de la monarchie pour endiguer le processus de désunion religieuse, par la répression et la censure, se sont révélés vains. Il est indéniable que les conflits de religion ont commencé avant les guerres de Religion. Tôt, des signes d'impatience sont perceptibles : paroles blasphématoires et actes iconoclastes dirigés contre les croix, les images saintes, le saint sacrement ; les réformés ne cessent de défier l'Église romaine, voire la justice royale, lors des rituels d'exécution capitale au cours desquels les condamnés exaltent leur abandon à la grâce divine.