Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
T

tranchées, (suite)

Le système des tranchées.

• Bien que les techniques de construction varient selon la nature des terrains rencontrés, les réseaux de tranchées sont organisés partout de manière identique : une première position composée de plusieurs lignes de tranchées espacées de quelques centaines de mètres, une deuxième position située à quelques kilomètres à l'arrière, où l'on essaie, quand le terrain le permet (comme au Chemin des Dames ou dans la région de Noyon), d'utiliser grottes et « creutes » qui fournissent des abris plus sûrs, pour aménager des postes de secours ou même de véritables casernements. Les différentes lignes sont reliées par des boyaux de communication, tous les tracés étant sinueux afin d'arrêter le cours des obus. Ces tranchées, profondes de 2 à 3 mètres, larges de 50 à 80 centimètres, menacent de s'ébouler et sont perpétuellement boueuses, d'où la mise en place d'étais en bois sur les parois et de caillebotis sur le sol. Entre les deux réseaux parallèles creusés par les belligérants, un no man's land, parfois extrêmement étroit (les soldats peuvent même s'entendre, s'observer), est recouvert de gigantesques amas de fil de fer barbelé plus ou moins déroulé.

L'essentiel du front est stable, jusqu'au repli stratégique des Allemands en Picardie, en 1917 : les tranchées sont, par secteurs, prises et reprises, modifiées, adaptées, au gré des décisions des états-majors - tenter des percées ou user l'ennemi. Elles sont repérées par les aviateurs, qui les photographient en permanence.

La vie quotidienne.

• Les soldats ne montent en première ligne que pour combattre, y vivant alors plusieurs jours de suite, sans eau pour se laver et parfois pour boire, dépendant de l'arrivée des « roulantes » pour se ravitailler, la plupart du temps sans courrier, soumis à la saleté, aux poux, aux odeurs des charniers et des déjections. Les tranchées françaises et anglaises sont en outre généralement moins bien équipées que celles des Allemands, qui sont, elles, quelquefois maçonnées. Mais tous les soldats sont en permanence sous le feu de l'artillerie et la menace des mines placées sous les tranchées. Les montées en lignes, ou relèves, comptent certainement parmi les plus terribles moments : trajets de nuit, avec 30 kilos de paquetage sur le dos, à travers les boyaux boueux. « Il y a des veines rouges sur cette flaque de boue. C'est le sang d'un blessé. L'enfer n'est pas du feu. Ce ne serait pas le comble de la souffrance. L'enfer, c'est la boue. » (le Bochofage, journal de tranchée.)

Le symbole.

• Si les tranchées ont pris une telle importance, au point de devenir le symbole même de la Grande Guerre, c'est qu'elles sont directement liées à la perception du conflit, que les différents belligérants considèrent comme une défense du sol. Cela est particulièrement vrai pour les Français, dont le sol même a été profané par l'invasion et l'occupation allemandes. S'y enfoncer, c'est doublement le sacraliser. La tranchée est sacrée parce qu'elle est le lieu de la mort des soldats, dont les corps servent parfois de protection parmi les sacs de terre, parce qu'elle est le lieu de l'engagement physique et moral pour la patrie, engagement qui prend bien souvent une connotation de ferveur quasi religieuse : pour le capitaine Dupouey, ne s'agit-il pas « de la longue ligne mystique où coule tant de sang » ?

Les tranchées sont aussi le lieu d'une redoutable violence d'individu à individu, quand les égorgeurs (ou nettoyeurs) utilisent leurs matraques ou leurs couteaux contre les ennemis. Lieux de la souffrance extrême, les tranchées sont encore celui de la haine extrême : c'est là que les combattants « tiennent », sur cette frontière du patriotisme et de la mort.

Transnonain (massacre de la rue),

tuerie perpétrée par l'armée à Paris le 14 avril 1834.

Cherchant à étouffer l'agitation politique et sociale qui ébranle régulièrement la monarchie de Juillet, le gouvernement prépare au printemps 1834 une loi contre les associations et leur division en sections. Cette mesure, qui vise la très républicaine Société des droits de l'homme, provoque un soulèvement à Lyon (9-12 avril), puis à Paris où, le 13 avril, malgré l'arrestation préventive de chefs républicains, des barricades s'élèvent dans les quartiers du Temple et du Marais. Conjuguant leurs efforts, Thiers, ministre de l'Intérieur, et le général Bugeaud, commandant militaire de Paris à la tête de quarante mille hommes de troupe, réduisent l'insurrection dans la soirée. Cependant, des barricades obstruent encore quelques rues, dont la rue Transnonain (une partie de l'actuelle rue Beaubourg) ; au matin du 14, elles sont balayées mais, à la suite de coups de feu tirés depuis une croisée du 12 de la rue Transnonain, des soldats pénètrent dans l'immeuble et massacrent ses habitants, sans distinction d'âge ou de sexe. Cette tuerie, qui s'inscrit dans le martyrologe républicain, met un terme à ces journées d'insurrection du mois d'avril 1834, les dernières avant celles de 1848.

Trappe (la),

ordre monastique cistercien, dont l'origine remonte à la fondation en 1140, à Soligny (Orne), par des moines de la congrégation de Savigny, de l'abbaye Notre-Dame de la Trappe, affiliée dès 1147 à l'ordre de Cîteaux.

Entrée en décadence au XVe siècle, la Trappe va connaître deux réformateurs, dont le plus important est l'abbé de Rancé, fervent adepte de l'ascétisme et de la pureté primitive de la règle de saint Benoît. En 1664, Rancé établit la très austère « règle de la stricte observance », qui impose le silence absolu à des moines partageant leur temps entre la prière et le travail manuel, et vivant dans une pauvreté et une frugalité proches de la mortification. Mais Rancé ne peut imposer ses vues aux autres cisterciens, et la Trappe n'essaime guère.

Après la Révolution, qui a supprimé les monastères, dom Augustin de Lestrange rachète l'abbaye de la Trappe (1815), établit l'ordre dans plusieurs autres abbayes, et y instaure une règle si rigoureuse - elle est souvent jugée morbide par les contemporains - qu'elle provoque l'éclatement de l'ordre. D'abord scindée en trois congrégations - une belge (1836) et deux françaises (1847) -, la Trappe prend, après leur réunification en 1892, le nom d'« Ordre des cisterciens réformés de la stricte observance ». Cet ordre restaure l'abbaye de Cîteaux en 1898, et abandonne les réformes les plus radicales de Rancé et de Lestrange.