Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
M

ministères. (suite)

Naissance de la fonction de « ministre ».

• C'est à la Renaissance et avec l'avènement de l'Ancien Régime, qui marque l'essor de la monarchie administrative et centralisée, qu'apparaît peu à peu la fonction de ministre : son origine se trouve dans le corps des notaires du roi, notaires clercs du « Secret », puis secrétaires d'État et des Finances, à qui le souverain délègue progressivement une part de son autorité. Une ordonnance d'Henri II, datée de 1547, répartit l'administration des provinces entre quatre secrétaires d'État ; les ordonnances d'Henri III, en 1588 et 1589, y ajoutent une première spécialisation administrative. Mais c'est Richelieu qui fonde véritablement les départements ministériels, lesquels subsisteront jusqu'à la Révolution : par l'ordonnance du 11 mars 1626, il crée les secrétariats d'État à la Maison du roi et aux Affaires ecclésiastiques, aux Affaires extérieures, à la Guerre et à la Marine, tout en conservant la répartition de l'administration des provinces entre les quatre titulaires.

Avec le chancelier, chef de l'administration judiciaire, et le surintendant, puis contrôleur général des Finances, les secrétaires d'État forment le corps des ministres, plus proches collaborateurs du souverain. Le titre leur est d'ailleurs reconnu, dès lors qu'ils entrent au Conseil d'en haut, conseil de gouvernement où le roi est présent. Pour autant, leur collectivité ne forme pas un ministère et la pratique du gouvernement personnel de Louis XIV accentue leur rôle de « grand commis ». Après l'intermède de la Régence, l'organisation du gouvernement ainsi définie demeure jusqu'en 1789.

L'instauration d'une responsabilité collective des ministres.

• L'évolution fondamentale survient sous la Révolution. Le décret des 24 avril-25 mai 1791 supprime la compétence géographique des secrétaires d'État et modifie leurs attributions administratives ; six départements ministériels sont créés - Justice, Intérieur, Guerre, Marine, Affaires étrangères, Contributions et Revenus publics. En outre, le décret établit la responsabilité des ministres et crée la notion de cabi-net. Peu appliquée par la suite et mise à mal par la pratique du gouvernement napoléonien, cette responsabilité collec-tive est rétablie par la Restauration qui marque l'avènement du régime parlementaire : le concept de ministère, auquel s'attache le nom du principal ministre, est désormais intégré dans la vie politique de la nation. Le Second Empire voit une régression de la fonction, mais la loi organique des 31 août et 3 septembre 1871, puis les lois constitutionnelles de 1875 maintiennent le principe de la responsabilité individuelle et collective des ministres, en vigueur depuis, quelle que soit la nature du régime parlementaire, donnant ainsi corps à la notion de ministères.

ministériaux,

agents seigneuriaux chargés de fonctions domestiques ou administratives au sein de la maisonnée et de la seigneurie ecclésiastique ou laïque entre le XIe et le XIIIe siècle.

L'essor économique et social des ministériaux, en particulier dans le nord et l'est de la France, entraîne leur progressive intégration à la noblesse à partir du XIIe siècle.

Une grande diversité de situations.

• Aux XIe et XIIe siècles, les grands seigneurs ecclésiastiques et laïcs, qui disposent de vastes seigneuries le plus souvent dispersées sur plusieurs domaines, délèguent la gestion et l'administration de leurs biens et de leurs droits à des serviteurs dotés d'attributions plus ou moins spécialisées. Maires et prévôts sont ainsi chargés de la perception des redevances et des taxes foncières et banales (cens, champarts, lods et ventes, tailles), de la gestion de la réserve seigneuriale (direction des travaux agricoles, embauche des salariés, vente des surplus) et de la justice seigneuriale mineure. Jusqu'à l'essor des franchises rurales aux XIIe et XIIIe siècles, ils sont à la fois les représentants du seigneur auprès de la communauté et les porte-parole des paysans face au seigneur. Certains ministériaux ont toutefois des attributions plus étroites, comme les forestiers, chargés de la protection des bois seigneuriaux, ou comme ceux à qui sont confiés l'entretien et l'utilisation des équipements artisanaux (fours, moulins, ateliers de monnayage). La diversité du monde des ministériaux tient aussi à leur origine sociale. Les seigneurs laïcs recrutent généralement leurs agents au sein de leur entourage, chez les riches alleutiers ou les chevaliers de leurs châteaux. Les seigneurs ecclésiastiques, évêques et abbés, préfèrent choisir les leurs parmi les serfs de leur dépendance, de manière à conserver sur eux un contrôle plus étroit. Il arrive toutefois, dans le Val de Loire par exemple, que certains chevaliers choisissent d'entrer volontairement en servitude de manière à exercer des fonctions qui sont alors considérées comme très lucratives.

L'essor des ministériaux aux xiie et xiiie siècles.

• Les ministériaux sont rétribués par la donation d'un fief ou par un intéressement plus ou moins important aux prélèvements seigneuriaux : ils perçoivent une part des taxes foncières et banales ou des amendes de justice. Ils profitent alors directement de la croissance de l'économie seigneuriale à partir de la fin du XIe siècle. Comme ils exercent eux-mêmes les pouvoirs seigneuriaux au sein des villages, ils en profitent souvent pour se constituer leur propre clientèle. En outre, ils pratiquent fréquemment le métier des armes, en particulier dans les seigneuries ecclésiastiques, où ils interviennent contre les exactions de l'aristocratie laïque. Enfin, à partir des années 1150, ils obtiennent généralement la transmission héréditaire de leurs fonctions. Dès lors apparaissent de véritables lignages de ministériaux, détenant des fiefs et des portions de droits seigneuriaux, adoptant un mode de vie chevaleresque et déléguant parfois à leur tour leur fonction ministériale à des agents subalternes. La plupart de leurs seigneurs, en particulier les seigneurs ecclésiastiques, s'efforcent pourtant de limiter leur ascension : les fonctions et les droits des ministériaux font l'objet de sévères réglementations ; il est exigé d'eux un serment de fidélité et leur état de servitude est parfois renforcé. Dans certains cas, des établissements monastiques préfèrent même racheter leurs charges afin de les confier directement à des membres de la communauté. Mais, généralement, ces mesures s'avèrent inefficaces. À la fin du XIIe siècle et au XIIIe siècle, par le jeu des mariages et de la reconnaissance sociale, la plupart des lignages de ministériaux parviennent à intégrer la noblesse. Les contraintes de la gestion seigneuriale et la croissance économique du monde rural ont ainsi permis l'ascension des ministériaux, laquelle a provoqué l'élargissement de la noblesse.