Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
B

Brossolette (Pierre),

résistant (Paris 1903 - id. 1944).

Issu d'une famille qui doit son ascension sociale au mérite scolaire, Pierre Brossolette est reçu premier à l'École normale supérieure en 1922 et n'est devancé à l'agrégation d'histoire que par Georges Bidault. Mais l'enseignement l'intéresse moins que le journalisme et l'action politique. Militant de la fédération socialiste de l'Aube, dont il devient le secrétaire général en 1935, il collabore à plusieurs revues et journaux de gauche, dont Marianne, de 1932 à 1936. Pendant le Front populaire, Léon Blum lui confie une rubrique quotidienne de politique étrangère à la Radio nationale. Conscient de la montée des périls, il abandonne le pacifisme dès 1933, et s'oppose aux accords de Munich en 1938. Son engagement dans la Résistance intervient au lendemain même de la défaite, en liaison avec le réseau du Musée de l'homme. En novembre 1941, il entre au service du colonel Passy à Londres et se consacre alors à l'unification de la Résistance, sous la direction du général de Gaulle, avec l'espoir de contribuer au renouvellement de la vie politique française après la guerre. Il est ainsi à l'origine de la création du Conseil national de la Résistance. Arrêté par la Gestapo le 3 février 1944, Pierre Brossolette meurt le 22 mars, après s'être défenestré pour éviter de parler sous la torture.

Broussais (François Joseph),

médecin et physiologiste (Saint-Malo 1772 - Paris 1838).

Chantre de la « médecine physiologique », Broussais a davantage marqué son temps par ses positions politiques que par son apport scientifique. Fils d'un officier de santé, il commence ses études à Dinan avant d'être réquisitionné dans l'armée en 1793. Sa carrière de médecin militaire l'occupe pendant plus de vingt années, au cours desquelles il poursuit sa formation, sert comme chirurgien et suit la Grande Armée en Europe centrale et en Espagne. En 1814, il est nommé au Val-de-Grâce, puis, malgré son attachement à l'héritage de 1789, il occupe à partir de 1820 la chaire de pathologie à la faculté de médecine de Paris et entre à l'Académie de médecine en 1823. Fidèle à la leçon de Bichat, il développe une théorie médicale fondée sur l'irritabilité des tissus. Sa pensée n'est alors ni originale ni marginale. Mais son influence s'exerce ailleurs : il incarne, dans le milieu médical, l'opposition libérale à la monarchie restaurée. Ancré dans la tradition matérialiste, son enseignement est perçu comme une résistance au spiritualisme clérical. Coqueluche des carabins, médecin des chefs libéraux (Benjamin Constant ou Casimir Perier), il s'impose comme une figure emblématique. La monarchie de Juillet ne s'y trompe pas, qui le fait élire à l'Académie des sciences morales et politiques. Son enterrement donne lieu à un immense défilé public du Val-de-Grâce au Père-Lachaise. En 1883, la IIIe République triomphante donne son nom à un hôpital parisien.

Brousse (Paul),

militant anarchiste puis socialiste, et théoricien du réformisme (Montpellier 1844 - Paris 1912).

 Fils d'un médecin de Montpellier, il se destine d'abord à la carrière médicale. Membre de l'Association internationale des travailleurs (AIT), il doit se réfugier à Barcelone, où il dirige une feuille d'agitation, la Solidarité révolutionnaire. En 1873, au congrès de Genève de l'AIT, il prend parti pour Bakounine contre Marx. Resté en Suisse, il entre à la Fédération jurassienne (de tendance anarchiste). La diffusion de son journal l'Avant-garde et l'organisation d'une manifestation de l'AIT le 18 mars 1877 à Berne (pour laquelle il écrit son célèbre chant le Drapeau rouge) lui valent d'être expulsé. Il gagne Londres en 1879. Amnistié avec les communards, il revient à Paris l'année suivante, représentant désormais l'aile modérée du mouvement ouvrier. Il rompt en 1882 avec les guesdistes, puis en 1890 avec les allemanistes (anti-électoralistes). Sa Fédération des travailleurs socialistes de France s'affirme « possibiliste », c'est-à-dire partisane d'une ligne gradualiste, justifiée dans la Propriété collective et les services publics (1883). Élu en 1887 au conseil municipal de Paris, il collabore avec les radicaux et soutient Alexandre Millerand lorsqu'il devient ministre. Il adhère néanmoins en 1902 au Parti socialiste français de Jean Jaurès, puis, en 1905, à la SFIO, dont il devient député en 1906.

brumaire an VIII (coup d'État des 18 et 19),

coup de force des 9 et 10 novembre 1799 renversant le Directoire et inaugurant le Consulat.

Devant l'instabilité politique du Directoire et l'impossibilité de modifier légalement la Constitution, les « révisionnistes », républicains conservateurs hostiles aux jacobins et partisans d'un pouvoir exécutif renforcé, organisent un coup d'État. Exploitant les menaces d'invasion et entretenant la peur auprès des nantis, leur propagande n'a aucune peine à dresser contre le Directoire une opinion publique lasse du régime et de la guerre. Pour les conjurés, soucieux de préserver une apparence de légalité, il s'agit, en inventant un « complot anarchiste » contre le Conseil des Anciens et le Conseil des Cinq-Cents, de réunir ceux-ci hors de Paris, faire démissionner les directeurs, puis, devant le vide, d'amener les députés à accepter une nouvelle Constitution. Ils bénéficient du soutien des milieux d'affaires, et s'assurent, avec le général Joubert, de celui de l'armée. À leur tête, chacun espérant manipuler l'autre, il y a Sieyès, l'un des cinq directeurs et l'âme de la conjuration, et Napoléon Bonaparte, rentré d'Égypte auréolé de gloire le 9 octobre, auquel est confié le rôle de Joubert, mort le 15 août.

Le 18 brumaire, les Anciens, puis les Cinq-Cents - présidés par Lucien Bonaparte depuis le 1er brumaire (23 octobre) -, acceptent leur transfert à Saint-Cloud ; les directeurs démissionnent ou sont neutralisés, tandis que Bonaparte est nommé commandant des forces militaires de Paris. Mais, le 19 brumaire, la manœuvre parlementaire tourne mal et s'achève sur une action militaire. Demeurant attachés à la Constitution de l'an III, les Cinq-Cents accueillent Bonaparte au cri de « À bas la dictature ! » et menacent de le mettre hors la loi. Bousculé, déconcerté, le général doit quitter la salle. Puis, haranguées par Lucien, qui accuse les députés d'avoir voulu tuer son frère, les troupes, conduites par Murat, dispersent les Cinq-Cents. En fin de journée, une cinquantaine de députés des Anciens et des Cinq-Cents réunis par les conjurés nomment une commission exécutive provisoire de trois consuls (Bonaparte, Sieyès et Ducos), ainsi que deux commissions parlementaires chargées d'établir une nouvelle Constitution. La population ne réagit pas, le coup d'État étant approuvé d'avance. Dès le 20 brumaire, Bonaparte se pose en sauveur, soldat de la liberté et citoyen républicain au-dessus des partis, promettant la paix et la fin de la Révolution. Évinçant Sieyès, il est le grand bénéficiaire de l'opération.

Un mois plus tard, la Constitution de l'an VIII, rédigée sous ses ordres, représente à la fois la conclusion de la Révolution et le préambule de la dictature napoléonienne.