Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
T

thermidoriens,

nom donné aux acteurs supposés du 9 Thermidor (27 juillet 1794) et aux députés qui dominent la Convention jusqu'à sa séparation, le 4 brumaire an IV (26 octobre 1795).

Le mot « thermidoriens » est ambigu car il suggère l'existence d'un groupe politique homogène, distinct de celui des montagnards. Or, rien n'est moins vrai. En effet, durant les quinze mois qui vont de la chute de Robespierre à l'installation du Directoire, le « moment thermidorien » voit la fin de la Terreur, non de la violence, la prise en main, non le démantèlement, du Gouvernement révolutionnaire par une coalition hétéroclite de montagnards, de députés de la Plaine et, plus tardivement, de girondins, réintégrés à l'Assemblée en frimaire et ventôse an III (décembre 1794-mars 1795).

Ambiguïté du « moment thermidorien ».

• Le 9 Thermidor est d'abord une affaire interne à la Montagne. L'ancien conventionnel montagnard et jacobin Levasseur de la Sarthe écrit dans ses Mémoires : « Nous étions tous thermidoriens. » Beaucoup, après Thermidor, se sont attribué - par forfanterie ou par prudence - un rôle dans le complot : anciens représentants en mission, amis de Danton, hommes de la Plaine, tous, en fait, étonnamment muets le 9 thermidor. Le mot « thermidoriens » n'a de signification que dans la mesure où Thermidor est un événement construit. Cette construction se fait d'abord par les pétitions, issues des sociétés populaires et des autorités constituées, qui dénoncent les « complots liberticides » de Robespierre et félicitent les « vertueux montagnards ». Puis, au fil du discours, s'impose l'idée qu'il faut « sortir de la Terreur » : la crise passée, il s'agit de gouverner la République pour terminer la Révolution.

Gouverner la République.

• Le décret du 7 fructidor an II (24 août 1794) fixe les nouvelles règles du gouvernement. Les comités de la Convention, dorénavant renouvelés tous les mois, sont réduits à seize (au lieu de vingt-et-un) et leurs compétences sont précisées : ainsi, le Comité de salut public conserve un rôle central dans la conduite de la guerre et le problème des subsistances ; le Comité de sûreté générale gère toujours la Police ; le Comité de législation acquiert une influence nouvelle en matière de surveillance. D'août 1794 à mars 1795, les renouvellements au sein des comités attestent le succès des « montagnards réacteurs » et des députés de la Plaine, et signent l'éviction des « derniers montagnards ». Le même phénomène est perceptible chez les représentants en mission : à ces postes également, les « derniers montagnards » sont remplacés par des « montagnards réacteurs », par des modérés et bientôt par des girondins, qui procèdent à l'épuration des sociétés populaires et des autorités constituées, à la libération des suspects et à l'arrestation des « terroristes ». Mais la chasse aux « terroristes », dont témoignent la fermeture du Club des jacobins (12 novembre 1794) et le procès de Carrier (exécuté le 16 décembre), inaugure le temps de la revanche, celui de la « jeunesse dorée », des « compagnons de Jéhu » ou « du Soleil ».

L'« impossible oubli » de la Terreur.

• À partir de l'hiver de l'an III se développe une vaste épuration politique : la « queue de Robespierre » (Barère, Billaud-Varenne, Collot d'Herbois, Vadier, acteurs influents du 9 Thermidor) est mise en accusation et la Terreur blanche se déploie à Lyon et dans le Midi. Les thermidoriens profitent des journées parisiennes des 12 germinal (1er avril 1795) et 1er prairial an III (20 mai) pour briser le mouvement populaire et décimer les « derniers montagnards » : soixante-cinq d'entre eux sont déportés, arrêtés, voire condamnés à mort. Surtout, la Convention affirme son projet - « ni 1791 ni 1793 » - en rédigeant une nouvelle Constitution. Ce texte, adopté le 5 fructidor (11 août 1795), rompt, certes, avec 1793, mais aussi avec 1789 : dans la « Déclaration des droits et des devoirs de l'homme et du citoyen » sont abandonnés les droits naturels et imprescriptibles, au profit « des droits de l'homme en société » et des obligations de chacun envers la société. Toutefois, les thermidoriens se montrent clairement républicains, et, le 13 vendémiaire an IV (5 octobre 1795), ils ordonnent à l'armée d'écraser la révolte royaliste parisienne, comme elle avait réprimé les insurgés de prairial. Ainsi débute le périlleux exercice de balance fondé sur le mot d'ordre « Ni royalisme, ni terrorisme » qui caractérise la République directoriale.

Théroigne de Méricourt (Anne Josèphe Terwagne, dite),

révolutionnaire (Marcourt, Belgique, 1762 - Paris 1815).

Issue d'une famille aisée de paysans ardennais (Pays-Bas autrichiens), elle voyage et se fait entretenir, avant de se fixer en France, en 1789. Elle s'enthousiasme pour la Révolution, suit quotidiennement les débats de l'Assemblée, fréquente plusieurs députés, fonde un club avec Romme, connaît la célébrité. Mais, devenue la cible de la presse royaliste, traitée de courtisane, accusée - à tort - d'avoir pris la tête des manifestantes d'octobre 1789, elle retourne en mai 1790 à Marcourt, où elle est enlevée en février 1791 par des émigrés français ; emprisonnée par l'empereur Joseph II, elle est libérée en novembre 1791 et regagne Paris au début de 1792. Elle prône alors l'entrée en guerre et appelle les femmes à « briser leurs fers », à sortir de la « honteuse nullité » où les hommes les tiennent asservies et à former un « bataillon d'amazones ». Elle participe le 10 août à l'assaut des Tuileries : les fédérés lui offrent une couronne civique, les royalistes l'accusent du massacre du journaliste Suleau. Déplorant le conflit entre la Gironde et la Montagne, elle passe en 1793 pour girondine, ce qui lui vaut d'être fouettée en mai par des jacobines ; elle quitte alors la scène publique. Arrêtée en 1794, elle est internée comme folle à la Salpêtrière jusqu'à sa mort.

Son mythe lui survit, notamment dans la célèbre description de son cas par Esquirol, qui l'a soignée, dans un sonnet de Baudelaire (Sisina, « amante du carnage »), dans l'interprétation théâtrale qu'en donna Sarah Bernhardt. Et, jusqu'au début du XXe siècle, les historiens contribuent eux-mêmes à forger la légende de « la belle Liégeoise », « l'amazone de la Révolution ».