Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
C

clergé (suite)

Révolution et Restauration

La Révolution constitue, pour l'ensemble du clergé français, une épreuve et un creuset. En quelques mois, les curés s'imposent au haut clergé, lors des élections des états généraux (hiver 1789), puis se rallient au tiers état pour former l'Assemblée constituante (juin 1789). Cette dernière, par l'abolition des privilèges, abolit le clergé en tant qu'ordre, supprime la dîme (août 1789), nationalise les biens de l'Église (novembre 1789), interdit les vœux monastiques (février 1790), et promulgue la Constitution civile du clergé (juillet 1790), qui bouleverse l'organisation des diocèses ; elle adopte également le principe de l'élection des évêques et des prêtres, anéantit les chapitres, supprime le casuel, et salarie le clergé paroissial. La prestation de serment à la Constitution civile, durant l'hiver 1791, a valeur de consultation : 52 % des membres du clergé paroissial sont des « jureurs » (mais environ 5 % se rétractent dans les mois qui suivent, notamment après la condamnation pontificale). Le schisme est consommé entre clergé « patriote » et clergé « réfractaire », ce dernier étant majoritaire dans les futures « terres de chrétienté » de la France contemporaine - Ouest, Flandres, Franche-Comté, sud-est du Massif central, Pays basque. La persécution révolutionnaire atteint sévèrement le clergé : 230 prêtres sont massacrés dans les prisons de Paris en septembre 1792 ; plus d'un millier périssent sur la guillotine, ou lors des exécutions sommaires, en l'an II ; le clergé réfractaire est contraint à l'émigration, et le clergé constitutionnel, à la « déprêtrisation ». Elle accentue la rigueur et le prestige du modèle réfractaire : priorité du sacrifice eucharistique et de la mission, revalorisation de la discipline ecclésiale et du ministère sacerdotal, fidélité à Rome, refus de la Révolution. Tandis que les référents démocratiques de l'Église nationale s'effondrent malgré l'abbé Grégoire, le catholicisme intransigeant prépare par son témoignage et son sacrifice la restauration religieuse du XIXe siècle.

Le cadre institutionnel du concordat de 1801, négocié directement entre Bonaparte et le pape Pie VII, restaure, malgré l'étroitesse des articles organiques, la liberté religieuse, et confère au clergé français des structures durables. Les églises paroissiales sont rendues au culte ; un épiscopat nouveau est constitué selon le concordat de 1516 (nomination par l'État, préconisation par Rome) ; en contrepartie de l'abandon de ses biens, le clergé est salarié ; chapitres et séminaires sont rétablis. Le bilan quantitatif de la restauration catholique du XIXe siècle semble formidable. De 1815 à 1870, le nombre des paroisses passe de 29 000 à près de 36 000 ; celui des prêtres séculiers, principalement issus du monde rural, de 30 000 à 56 000 ; les effectifs des congrégations religieuses féminines, de 15 000 à 130 000 ; ceux des congrégations masculines, plus lents à se redresser, malgré Lacordaire et dom Guéranger, d'une centaine à plus de 15 000. À la veille de la Première Guerre mondiale, les trois quarts des missionnaires présents dans le monde sont français. Exemple de vie sacerdotale, Jean-Marie-Baptiste Vianney (1786-1859), curé d'Ars, formé dans l'épreuve des missions réfractaires, est à la fois chef de paroisse, confesseur, prédicateur, missionnaire immobile, considéré comme un saint vivant dans la France du Second Empire.

Cléricalisme et anticléricalisme

Si le redressement du clergé apparaît spectaculaire, la reconquête spirituelle est plus limitée dans ses effets, inégale selon les régions et les groupes sociaux, discontinue dans le temps. Mais le thème du cléricalisme - entendu comme système de domination de l'Église sur la société civile et politique - s'impose dans l'argumentaire des luttes républicaines. « Le cléricalisme, voilà l'ennemi ! », s'écrie Léon Gambetta en 1877. La querelle des deux France se conclut par le triomphe des lois laïques dans les années 1880, puis par la séparation des Églises et de l'État en 1905. Privée de soutien financier, mais libérée de la tutelle de l'administration, l'Église va toutefois - au lendemain de la Grande Guerre, qui réconcilie curés et fidèles dans les tranchées, et de l'institution des associations diocésaines (1924) - explorer hors du cadre paroissial de nouvelles formes de vie sacerdotale. Ainsi naissent les mouvements d'action catholique, ou l'expérience des prêtres-ouvriers, que condamne Pie XII en 1954. Paradoxalement, c'est l'aggiornamento engagé par le concile Vatican II (1962-1965) qui ébranle les structures du clergé français : chute des vocations (98 ordinations en 2005), diminution et vieillissement des effectifs (10 000 religieux, 40 000 religieuses et 23 000 prêtres séculiers en 2005, dont les deux tiers sont âgés de plus de 60 ans), retours à l'état laïc et sorties de l'Église. Les structures étiolées des diocèses mérovingiens sont en bout de course et l'ordination de diacres mariés a été réinstaurée. « Les tentatives de laïcisation du prêtre sont préjudiciables à l'Église », affirme pourtant le pape Jean-Paul II, à Ars, en 1986. « Pour que [les laïques] exercent pleinement [leur] rôle prophétique, sacerdotal et royal, les baptisés ont besoin du sacerdoce ministériel par lequel leur est communiqué, de façon tangible et privilégiée, le don de vie divine reçue du Christ. » Et de retrouver, à l'aube de temps difficiles, la définition sacrale du clergé qui parcourt l'histoire du catholicisme français depuis ses origines.

Clermont (concile de),

assemblée ecclésiastique réunie dans cette ville du Puy-de-Dôme (actuelle Clermont-Ferrand) en novembre 1095.

Ouvert le 18 novembre, le concile aborde les problèmes religieux qui préoccupent la chrétienté à la fin du XIe siècle : la discipline ecclésiastique, en particulier la simonie (trafic des charges), qui nécessite une profonde réforme du clergé ; l'excommunication du roi de France Philippe Ier à la suite de son union adultère avec Bertrade de Montfort. À la fin du concile, le 28 novembre, le pape Urbain II appelle les chrétiens d'Occident à un « pèlerinage armé » pour soutenir les chrétiens d'Orient face à la pression militaire des « infidèles » : depuis plusieurs mois en effet, l'empereur byzantin Alexis Ier Comnène sollicite du souverain pontife une aide militaire contre les Turcs. Les sources les plus fiables ne mentionnent pas explicitement dans le sermon d'Urbain II un engagement armé pour la délivrance du Saint-Sépulcre, qui deviendra la raison d'être des croisades pendant plusieurs siècles. Néanmoins, le discours pontifical rencontre un écho immense, déclenchant un mouvement populaire de départs pour la Terre sainte, donnant ainsi naissance à la première croisade.