Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
V

Versailles (château de). (suite)

À la place du Trianon de porcelaine, le roi fit élever le Trianon de marbre (1687-1688), un palais à rez-de-jardin. Son architecture était audacieuse : l'édifice était ouvert entre cour et parterre, et coudé pour mieux protéger la vie privée du roi et de sa seconde épouse, Mme de Maintenon. Les pièces exiguës et blanches furent décorées de toiles de peintres coloristes. Marly, par le style de vie qui y était mené, Trianon, par son décor, mais aussi le salon de l'Œil-de-bœuf annonçaient des temps nouveaux et les aspirations qui triomphèrent après la mort du roi, pendant la Régence.

Le roi conservait un goût infini pour ses jardins. Il rédigea lui-même, vers 1690, un texte en vingt-cinq paragraphes au style concis, une Manière de montrer les jardins de Versailles, et il insistait sur ce parcours complet des différents bosquets, en multipliant les haltes pour « considérer » le château, les statues, les bassins, les arbres, les fontaines, les parterres. Il aimait montrer ses jardins à des visiteurs étrangers. Sur le Grand Canal, une flottille évoquait les navires de combat du roi et ces modèles réduits permettaient des croisières vers Trianon.

Même si, à la fin du règne, les guerres difficiles obligèrent à fondre le mobilier d'argent et rendirent plus délicate la poursuite de nouvelles entreprises, un chantier s'ouvrit à Versailles, avec la chapelle qui vint compléter l'immense palais (1699-1710) et dont les travaux furent dirigés par Robert de Cotte. Elle ne tenait pas, comme à l'Escorial, le centre du palais. Elle alliait une sobriété classique à des dorures qui annonçaient le style rocaille. Le roi et sa famille étaient à la tribune pour assister à l'office. Robert de Cotte conçut aussi, tout à côté, pour mettre en valeur un immense tableau de Véronèse, le salon d'Hercule, qui ne fut achevé qu'en 1736. Car Louis XIV, à sa mort (1715), laissait un palais inachevé, où, en particulier, le petit château de Louis XIII n'avait toujours pas été démoli et remplacé.

Versailles après Louis XIV

Avant même 1715, l'influence de Versailles et de la cour, en matière de création artistique, s'était sans doute atténuée, et lorsque le roi mourut, son neveu, Philippe d'Orléans décida que le jeune Louis XV vivrait à Paris : la cour abandonna donc Versailles. Néanmoins, elle s'y réinstalla en 1722, mais la vie n'y fut plus la même qu'autrefois. Louis XV n'imposait pas une présence assidue à la noblesse du royaume, et lui-même allait volontiers de château en château, avec des amis intimes. Les courtisans ne venaient plus au palais que pour accomplir les obligations de leurs charges, lorsqu'ils en avaient, ou pour des cérémonies importantes. Après le mariage du roi, la reine Marie Leszczynska tint sa place au centre de la cour ; cependant, studieuse et pieuse, elle ne sut pas vraiment lui donner un grand éclat. Ce fut plutôt la marquise de Pompadour, d'abord maîtresse du roi, puis son amie fidèle, qui sut organiser des fêtes à Versailles, mais c'était désormais dans l'intimité et dans le cadre des appartements privés que Louis XV s'était fait aménager.

Ce roi avait permis l'achèvement du salon d'Hercule, dont le plafond fut peint par Le Moyne, puis il supervisa, dans la partie septentrionale des jardins, l'aménagement du bassin de Neptune (1733-1741), « le plus bel ensemble aquatique de Versailles » (Michel Antoine). À partir de 1742, et jusqu'à sa mort en 1774, le roi travailla avec Ange-Jacques Gabriel, son premier architecte. Il reprit un projet de Louis XIV : la construction d'un opéra ; mais la France manquait d'architectes capables d'élaborer ce type d'édifices, pour lesquels les Italiens excellaient. Il fallut attendre qu'une paix durable fût signée : les façades furent achevées en 1765, et la perspective du mariage du dauphin accéléra la réalisation du projet. La salle fut construite en bois pour l'acoustique, mais aussi par économie. Menuisiers et sculpteurs sur bois firent des merveilles et la salle apparut à la fois délicate et précieuse. Un plancher mobile permettait de transformer cette salle de spectacle en salle pour les bals ou les festins royaux. C'est là que se déployèrent les fastes du mariage du dauphin Louis et de l'archiduchesse Marie-Antoinette (1770).

Respectant l'espace destiné au cérémonial monarchique, Louis XV fit réaménager les cabinets du roi, sur la cour de marbre : ce fut l'« appartement intérieur du roi », à la fois « officiel et privé » (Michel Antoine). La chambre du roi (la cérémonie du lever avait toujours lieu dans la chambre de Louis XIV), le cabinet de la Pendule - nommé ainsi en raison de l'extraordinaire objet créé par Passemant - et le cabinet intérieur du roi furent décorés et meublés par « des chefs-d'œuvre absolus de décor et d'artisanat » (Hélène Himelfarb). Notons simplement parmi eux le bureau du roi, grand secrétaire à cylindre, commencé par ×ben et achevé par Riesener en 1769. Les filles du roi voulant avoir leurs propres appartements, cela conduisit à de profonds bouleversements, en particulier à la destruction de l'escalier des Ambassadeurs (1752). C'est Gabriel qui créa aussi une maison cubique de goût « grec », le petit Trianon (1762-1769) pour l'herbier du roi. Il prépara aussi la réédification sur cour (aile du Gouvernement), mais elle fut interrompue par la mort de Louis XV. La ville de Versailles se métamorphosa, et les ministères, comme celui des Affaires étrangères, furent construits avec le souci de protéger leurs archives du feu. Cette cité apparaissait bien comme une capitale.

Au temps de Louis XVI, les difficultés financières, le caractère du roi et la brièveté même du règne expliquent que ce dernier ait laissé une trace moins nette à Versailles. Avant la Révolution, le souverain eut le temps de modifier les appartements de Louis XV, et l'influence préromantique se fit sentir dans les jardins à travers les bosquets paysagers (comme ceux peints par Hubert Robert). Marie-Antoinette aimait le changement et recréa toute la décoration de l'appartement de la reine. Elle transforma le petit Trianon que son mari lui avait donné, et fit créer la ferme modèle du Hameau. C'est à Versailles qu'en octobre 1789 la foule vint chercher la famille royale pour qu'elle s'installât à Paris.