Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Dominici (affaire),

fait divers criminel. Le 5 août 1952 sont découverts à Lurs (Alpes-de-Haute-Provence) les corps d'un couple d'Anglais, Mr. et Mrs. Drummond, et de leur fille, qui s'étaient installés la veille au soir pour camper.

Soupçonné, à la suite de l'accusation portée par ses fils Gustave et Clovis, d'être l'auteur de l'assassinat, Gaston Dominici est condamné à mort, alors que sa culpabilité n'est pas formellement établie. Sa peine est commuée, puis il est gracié en raison de son âge, et libéré en 1960. Il meurt en 1967, sans que le mystère soit éclairci. Les conditions confuses de l'enquête, les dires contradictoires de Gaston Dominici, ses mœurs patriarcales et sa personnalité controversée (rustre buté pour les uns, paysan madré pour les autres), tout comme l'attitude des siens, qui ne cesseront eux aussi de se contredire, ont suscité bien des débats passionnés. Gaston Dominici a été incarné à l'écran par Jean Gabin (l'Affaire Dominici, 1973).

don gratuit,

contribution financière, théoriquement volontaire, acquittée sous l'Ancien Régime par le clergé et les pays d'états.

La prétention ancienne de l'Église, maintes fois réaffirmée, était de ne contribuer aux charges de l'État que par ses œuvres et ses prières, et par des contributions extraordinaires pour aider au financement de la croisade. Tout aussi constante était la position de la monarchie qui prétendait avoir « la disposition pleine et libre de tous les biens, tant des séculiers que des ecclésiastiques » (Louis XIV).

Au XVIe siècle, l'accroissement vertigineux des dépenses de l'État et de la dette publique rend d'autant plus tentante la mise à contribution du clergé que la Réforme jette la suspicion sur la richesse temporelle de l'Église. Menacé aux états généraux d'Orléans (1560) et de Pontoise (1561) d'une sécularisation partielle ou totale de ses biens, le clergé est contraint d'accepter une contribution « spontanée », moyennant la réaffirmation de son immunité fiscale et l'obtention d'un statut particulier. Par le « contrat de Poissy » (1561), il s'engage à verser en seize ans 17 millions de livres destinées à éteindre la dette royale. Mais le roi ayant contracté de nouveaux emprunts, le clergé s'engage par un second contrat (Melun, 1580) à verser 1,3 million de livres annuelles pendant dix ans ; en contrepartie, il obtient la création d'une représentation régulière, l'Assemblée du clergé, chargée de voter, de répartir et d'administrer les subsides.

Le clergé n'échappe pas au « tour de vis fiscal » de la première moitié du XVIIe siècle et doit, non sans résistance, consentir à des « dons extraordinaires » de plus en plus fréquents. Le don gratuit ne cesse de croître et dépasse, au XVIIIe siècle, les 3 millions de livres annuelles. Au total, l'ordre a versé plus de 500 millions de livres de 1568 à 1788, dont 268 millions pour la seule période 1715-1788. Mais, si l'on tient compte de l'érosion monétaire, la charge fiscale réelle imposée au clergé n'aura cessé de diminuer, passant de 10 % des recettes de l'État au XVIe siècle à 2 % environ à la fin de l'Ancien Régime, une part infime eu égard aux revenus estimés à 150 ou 200 millions de livres, annuelles, et aux besoins de l'État.

Tout comme le clergé, les pays d'états prétendaient lier leur contribution au consentement de leurs assemblées représentatives. En réalité, ils ne pouvaient guère intervenir que sur les modalités de répartition et de perception de l'impôt. Néanmoins, clergé et pays d'états ont pu, dans la mesure où l'État devait négocier avec des assemblées parfois indociles, obtenir sinon une exemption totale, du moins une modération sensible de la pression fiscale.

Doriot (Jacques),

homme politique (Bresle, Oise, 1898 - Allemagne 1945).

Ouvrier métallurgiste, socialiste à partir de 1916, communiste dès 1920, remarqué à Moscou, Doriot prend la direction des Jeunesses communistes en 1923, puis est élu député en 1924, alors qu'il purge une peine de prison pour antimilitarisme. En 1925, il entre au bureau politique du Parti communiste et mène le combat contre la guerre du Rif. Il semble alors promis aux plus hautes responsabilités, mais, dès 1928, il s'oppose à la direction du parti en prônant l'alliance avec les socialistes. Sa grande popularité lui vaut néanmoins d'emporter la mairie de Saint-Denis en 1931. Après le 6 février 1934, il réclame l'unité d'action à gauche, d'où son exclusion en juin pour indiscipline, alors même que sa politique est mise en œuvre par son rival, Maurice Thorez. Doriot conserve son bastion de Saint-Denis, mais il est toutefois marginalisé. Il attire des communistes dissidents, mais aussi des déçus des Croix-de-Feu, tel Pierre Pucheu, lié au patronat, et des intellectuels, tels Fabre-Luce ou Drieu La Rochelle.

Son anticommunisme, né d'une volonté de revanche, et l'argent de grandes entreprises et du fascisme italien sont à l'origine, le 28 juin 1936, de la création du Parti populaire français (PPF), qui revendique 200 000 adhérents en 1937. En réalité, ils ne sont pas plus de 100 000, dont 15 000 militants actifs, dotés cependant d'une véritable organisation de masse qui imite celle des fascistes et des nazis, avec qui Doriot prône le dialogue. Bien vite, son discours « révolutionnaire » est remplacé par un corporatisme procapitaliste et une défense des travailleurs indépendants et du colonialisme. En mars 1937, il propose un « front de la liberté » qui n'attire que les ex-Jeunesses patriotes, la Fédération républicaine, des isolés tels que Tixier-Vignancourt. Cet échec et la fin du Front populaire, qui rassure les entreprises et donc tarit ses financements, le radicalisent. Le PPF devient totalitaire, xénophobe, antisémite. Mais sa complaisance face aux revendications irrédentistes de Mussolini le prive de maints adhérents nationalistes et entraîne la désertion des intellectuels. Sans avenir, le parti dérive entre fascisme et ultraconservatisme.

La défaite de 1940 relance la carrière de Doriot. Il se veut d'abord l'« homme du Maréchal », puis joue la carte allemande contre les ministres en place, applaudit à la guerre contre l'Union soviétique, est l'un des fondateurs de la Légion des volontaires français, part sur le front russe, espérant y trouver les clés du pouvoir. Si Hitler le choisit comme chef du gouvernement français, c'est en août 1944, et dans l'hypothèse d'une victoire allemande. Et c'est en Allemagne, où il a fui, qu'est tué - par un avion allié, semble-t-il - celui qui pourrait le plus exactement incarner un fascisme français.