Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
B

bénédictins, (suite)

Des monastères bénédictins ...

• Dès le Xe siècle se créent, à partir d'une maison mère, des réseaux de dépendances qui observent la même règle et des usages identiques. Si Cluny est l'exemple le plus insigne, il n'est pas unique : Gorze, Saint-Benoît-sur-Loire, Saint-Victor de Marseille, sont des abbayes actives. Le renouveau monastique des XIe et XIIe siècles s'effectue au nom d'un retour à la pureté de la règle bénédictine, ce qui n'exclut pas des aspects érémitiques ou une action pastorale. Ces réseaux se structurent selon des modalités différentes : centralisation dans l'ordre clunisien, plus large autonomie des abbayes dans l'ordre cistercien. Le monachisme bénédictin connaît une période d'apogée aux XIe et XIIe siècles et exerce alors une forte influence sur l'Église et l'ensemble de la société.

À l'initiative d'Innocent III, le concile du Latran IV impose en 1215 aux monastères bénédictins la tenue de chapitres provinciaux tous les trois ans. Les réunions restent pourtant irrégulières. En 1336, par la constitution Summa magistri, appelée communément « bulle bénédictine », Benoît XII reprend ces mesures dans le plan de réforme et d'unification qu'il propose pour le monachisme bénédictin. Mais la concurrence d'autres formes de vie religieuse et les difficultés des XIVe et XVe siècles entraînent un déclin non seulement matériel, mais aussi moral des monastères. Des réformes sont tentées à Saint-Benoît-sur-Loire, Fontevraud, Tiron, Cluny, etc., tandis qu'à partir de 1479, l'abbaye de Chézal-Benoît unit des monastères dans une congrégation où l'accent est mis sur le respect des usages anciens et l'austérité. Le concordat de 1516 attribue au roi la nomination des abbés.

... à l'ordre bénédictin.

• Interrompues par les troubles du XVIe siècle, les mesures de restauration reprennent après le concile de Trente. La tendance est au regroupement et à la centralisation au sein de congrégations monastiques. Certaines n'ont qu'une existence éphémère : congrégation des Exempts (1580), de Bretagne (1604), de Saint-Denis (1607). Deux d'entre elles illustrent le renouveau bénédictin : Saint-Vanne (1604) et Saint-Maur (1621) ; à la fin du XVIIe siècle, elles comptent respectivement environ cinquante et deux cents maisons. D'autres monastères restent réunis dans la congrégation de Cluny, tandis que les cisterciens se réforment en plusieurs branches. Le dessein de Richelieu d'unir tous les monastères bénédictins de France dans une seule congrégation, dont il serait le supérieur général, échoue.

Mis à mal par la Révolution et l'Empire, le monachisme bénédictin est restauré grâce à dom Guéranger, qui, en 1833, fonde Solesmes, élevée en 1837 au rang d'abbaye mère de la « congrégation de France de l'ordre de Saint-Benoît ». L'idée de regrouper les monastères qui suivent la règle de saint Benoît progresse. Le 12 juillet 1893, par le bref Summum semper, Léon XIII nomme un primat de l'ordre bénédictin et établit la confédération des congrégations bénédictines. Celles-ci ne renoncent ni à leur indépendance, ni à leurs coutumes, ni à leurs privilèges, mais l'existence de l'Ordo S. Benedicti (OSB) est désormais consacrée.

Les bénédictins ont joué un rôle important sur le plan non seulement religieux et spirituel, mais aussi intellectuel et artistique. Outre la copie et l'enluminure de manuscrits liturgiques, les moines ont permis la transmission de textes antiques. En rédigeant chroniques, annales, livres de miracles, ils ont fait œuvre d'historiens. Cette tradition est reprise au XVIIe siècle par la congrégation de Saint-Vanne et, surtout, par les mauristes, dont les travaux d'érudition demeurent une des bases de la recherche historique.

bénéfices ecclésiastiques,

biens destinés à financer un office ecclésiastique et à donner à son titulaire des moyens de vivre.

Leur origine réside dans les dotations publiques ou donations privées que reçoit l'Église au Moyen Âge. Dès le VIe siècle, les évêques, plutôt que de les gérer eux-mêmes, en divisent l'administration entre les divers dignitaires du clergé séculier, qui possèdent dès lors des bénéfices attachés à leur titre. Le système s'étend plus tard aux ordres monastiques.

La collation des bénéfices est indépendante de la tonsure et du sacrement de l'ordre. Cependant, l'inévitable confusion entre charge spirituelle et détention temporelle crée très vite un incessant conflit d'attributions entre l'autorité religieuse et le pouvoir laïc. Dès le VIIIe siècle, rois et seigneurs interviennent dans la nomination des évêques et des curés, en principe élus. La simonie (vente et trafic de bénéfices) se développe, abus auquel va tenter de mettre fin la réforme grégorienne. Le pape Grégoire VII interdit (vers 1075) l'investiture royale d'évêques ou d'abbés, déclenchant la querelle des Investitures, très violente dans l'Empire (Allemagne et Italie), mais beaucoup moins dogmatique en France. Progressivement, l'idée s'impose que le roi peut procéder à l'attribution d'un bien épiscopal sans la crosse ni l'anneau, symboles de l'investiture spirituelle. En 1107, à Saint-Denis, le pape Pascal II et les rois Philippe Ier et Louis VI trouvent un compromis sur cette base, que reprendront plus tard la pragmatique sanction de Bourges (1438) et le concordat de Bologne (1516). Ce dernier rend le roi maître des bénéfices majeurs ; d'autres collateurs, les patrons (descendants de ceux qui ont fondé le bénéfice), les évêques, distribuent les bénéfices comme des faveurs ou des récompenses : tandis que le bas clergé vit dans la gêne, les patrons se réservent des pensions sur les bénéfices et ne laissent au titulaire (le curé) que la « portion congrue ».

L'Église a gravement pâti de ces pratiques. Cependant, la Réforme catholique améliore le système : si les collateurs ne renoncent pas à leur droit de nomination, on impose des conditions à l'accès aux bénéfices (obligation d'être passé par un séminaire, enquête du Conseil royal...). La qualité du clergé progresse ainsi sensiblement au XVIIe siècle, tandis que les rois surveillent de près la « feuille des bénéfices », état des bénéfices vacants et des candidats possibles. À la fin de l'Ancien Régime, on compte 95 000 « bénéficiers », nobles pour la plupart, ce qui illustre pour une part la « réaction aristocratique ». La nationalisation des biens du clergé le 2 novembre 1789 supprime, de facto, les bénéfices ecclésiastiques.