Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
C

compagnies de commerce et de navigation, (suite)

Nées de la volonté de l'État, les compagnies se heurtent néanmoins à l'hostilité de villes manufacturières comme Lyon, qui craignent la concurrence des toiles indiennes, et à l'indifférence de la plupart des négociants français : peu entreprenants, ces derniers se méfient de ces entreprises lointaines, malgré l'exemple de Louis XIV qui y investit des millions de livres. En outre, les compagnies souffrent de la mauvaise conjoncture économique qui domine le XVIIe siècle et des politiques protectionnistes, telle celle de Louvois. La plupart d'entre elles ont ainsi une existence éphémère. Parfois, l'État se substitue à elles et prend en charge directement l'administration des colonies : c'est le cas pour les Antilles, en 1674, lors de l'effondrement de la Compagnie des Indes occidentales.

Le déclin des compagnies.

• Au XVIIIe siècle, malgré la création, dans le cadre du système de Law, de la Compagnie d'Occident (1717), qui fusionne bientôt avec la Compagnie des Indes orientales (1719), les compagnies ne sont plus adaptées à l'évolution de l'économie. Dans une conjoncture beaucoup plus favorable, le système de l'exclusif apparaît comme un obstacle aux échanges. Au nom de la liberté du commerce, les physiocrates, tels Turgot ou l'abbé Raynal, indifférents voire hostiles à la colonisation, entretiennent un mouvement d'opinion dirigé contre les monopoles des compagnies. En 1769, Choiseul supprime le privilège de la Compagnie des Indes, et l'exclusif est assoupli en 1784. Dans ce qui reste des possessions coloniales, largement amputées par le traité de Paris de 1763, un gouvernement direct (intendants et gouverneurs) se substitue partout à l'administration des compagnies. Enfin, les Assemblées révolutionnaires leur portent le coup de grâce : considérées comme des corporations, elles sont supprimées. Survivances du mercantilisme à l'heure où naît le libéralisme, elles disparaissent avec l'Ancien Régime.

Malgré leurs échecs, les compagnies de commerce et de navigation ont permis de mener à bien des opérations hors de portée des simples particuliers, notamment par leur ampleur financière ; elles ont contribué à fonder le premier Empire colonial français et jeté certaines bases de l'essor économique du XVIIIe siècle.

Compagnies des Indes,

compagnies de commerce et de navigation chargées prioritairement d'assurer le commerce avec les Indes.

En France, les premières sont fondées par Colbert, en 1664. Au XVIIe siècle, la Hollande et l'Angleterre deviennent les principaux acteurs du grand commerce maritime. Dans ces deux pays sont créées des Compagnies des Indes orientales (l'East India Company anglaise en 1600, et son équivalent aux Provinces-Unies en 1602). La France de l'époque, handicapée par la faiblesse de sa marine et le manque de capitaux, ne peut rivaliser avec elles : les expériences tentées sous Henri IV ou sous Richelieu n'aboutissent pas véritablement, malgré la création de quelques établissements à Fort-Dauphin (Madagascar), à l'île Bourbon (la Réunion) et jusqu'à Surat, sur la côte orientale de l'Inde.

Les grands projets de Colbert

• . C'est en 1664 que Colbert va pouvoir lancer des projets plus ambitieux : la création de la Compagnie des Indes occidentales et celle de la Compagnie des Indes orientales. À la première échoit le monopole sur l'Amérique et la côte occidentale de l'Afrique ; toutefois, elle périclite très vite. La seconde, dont Lorient (et plus tard Nantes) est le port d'attache, reçoit pour une durée de cinquante ans le privilège du commerce à l'est du cap de Bonne-Espérance, aux Indes, en Extrême-Orient et dans les mers du Sud, ainsi que la propriété de Madagascar et de toutes les terres conquises sur les ennemis du roi. Dotée à l'origine d'un capital de 15 millions de livres, détenu par le roi, la noblesse et les villes marchandes, gérée par vingt et un directeurs représentant ces différents actionnaires, la Compagnie des Indes orientales a pour objectif premier le renforcement de la colonie de Madagascar et l'établissement de comptoirs français aux Indes. Après sa fusion, en mai 1719, avec la Compagnie d'Occident dans le cadre du système de Law, elle prend le nom de Compagnie française des Indes, étend ses activités jusqu'au Nouveau Monde, au Sénégal et au comptoir de Canton, en Chine, et reçoit en outre pour mission de coloniser le Mississippi. Mais, en Amérique comme à Madagascar, c'est un échec pour la Compagnie, qui rend bientôt l'administration du Mississippi à la couronne. En Inde, malgré de nombreux déboires, l'implantation réussit, marquée, entre autres, par la fondation de Pondichéry et de Chandernagor. Y sont envoyés plusieurs brillants gouverneurs, tels François Martin, Benoît Dumas et, plus tard, Dupleix.

Un bref apogée

• . Dupleix, gouverneur général des possessions françaises en Inde à partir de 1742, donne une extension considérable aux activités et aux territoires de la Compagnie en s'impliquant largement dans les affaires locales. Il intervient dans les conflits entre les princes indiens pour en obtenir des avantages commerciaux, et réussit ainsi à mettre toute la péninsule du Deccan sous influence française. Néanmoins, la Compagnie manque de fonds de roulement pour soutenir une si grande entreprise, qui d'ailleurs n'intéresse pas les actionnaires. En outre, Versailles craint de mécontenter l'Angleterre, et les premiers revers que subit Dupleix provoquent son rappel.

La désagrégation d'un système

• . Confronté aux ambitions de Dupleix qui impliquaient une réorientation de la politique coloniale en Inde, le gouvernement de Louis XV et la Compagnie des Indes restent fidèles à une conception mercantiliste de l'expansion. En 1769, la Compagnie perd son monopole, et ses comptoirs reviennent à la couronne, qui prend en charge un passif énorme. La liquidation, progressive, ne sera achevée qu'en 1795. Entre-temps, en 1785, une nouvelle Compagnie des Indes a été créée, qui reçoit le monopole du commerce au-delà du Cap. Elle le perd en 1790, puis tente de tourner la législation sur les impôts établie par l'Assemblée législative en août 1792. Éclate alors le scandale de sa liquidation, dans lequel est impliqué un groupe de conventionnels, notamment Fabre d'Églantine, qui périt sur l'échafaud en avril 1794. La liquidation n'est pas pour autant réalisée : jusqu'en 1866, les actionnaires réclameront leur indemnisation.