Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Front national, (suite)

Mis en sommeil en 1942, le Front national devient, à partir de 1943, un élément essentiel de la stratégie communiste de contrôle de la Résistance (il est représenté au Conseil national de la Résistance en sus du PCF). Au total, il a permis au PCF de mobiliser les ardeurs résistantes, et, surtout, élargissant sa base sociale, de sortir de son ghetto et de se présenter, à la Libération, comme un grand parti national.

Front national,

parti politique d'extrême droite fondé en 1972.

Au début des années soixante-dix, l'extrême droite est une force marginale dans la vie politique française. En 1972, des responsables d'Ordre nouveau décident de fédérer ses différents courants au sein du Front national, dont le président, Jean-Marie Le Pen, ancien député poujadiste, est d'abord placé sous leur contrôle politique. Il s'en affranchit dès 1973, au prix d'une scission, mais ne parvient pas à élargir l'influence électorale de son parti, constamment inférieure à 1 %. Après dix années passées dans l'ombre, le Front national enregistre ses premiers résultats lors des élections municipales de 1983. L'extrême droite profite alors des difficultés que rencontre la gauche au pouvoir et de la reprise de ses thèmes traditionnels par la droite parlementaire - dénonciation de l'immigration, exploitation de l'insécurité. Les consultations électorales suivantes confirment l'importance du phénomène : lors des élections européennes de 1984, le Front national passe pour la première fois la barre des 10 %, puis, lors des législatives de 1986, favorisé par le mode de scrutin proportionnel, il obtient 35 sièges ; en 1988, Jean-Marie Le Pen rassemble 14,5 % des suffrages exprimés au premier tour des présidentielles, soit plus du double des voix recueillies par le candidat communiste. Devenue une véritable force militante, sa formation tente de s'implanter dans l'ensemble de la société par l'intermédiaire de nombreuses associations relais. Elle mène aussi une double stratégie de recherche de « respectabilité » et de radicalisation - à travers les outrances verbales antiparlementaires et l'« antisémitisme euphémique » (Pascal Perrineau) de son président. Isolé dans le paysage politique français - la droite classique, après des hésitations tactiques, refuse de s'allier avec lui -, le Front national confirme son audience lors des scrutins présidentiel et municipaux de 1995 : Jean-Marie Le Pen franchit le cap symbolique des 15 %, et son parti gagne plusieurs mairies, dont Toulon, ville de plus de 100 000 habitants. L'électorat évolue : principalement urbain, sur-représenté dans le sud et l'est de la France, il devient aussi plus populaire.

Le « national-populisme » du Front national se nourrit des conséquences sociales de la crise économique, et ses succès témoignent de la défiance d'une partie de la population à l'égard des forces politiques traditionnelles. Celles-ci ont pu mesurer le pouvoir acquis par le FN lors du scrutin régional de 1998, qui l'a vu se poser en arbitre dans plusieurs régions, obtenant des alliances locales avec la droite républicaine malgré les consignes des états-majors parisiens.

Après avoir surmonté la scission des partisans de Bruno Mégret qui fonde le MNR (mouvement national républicain), le FN poursuit son enracinement dans l'électorat : lors de la présidentielle de 2002, Jean-Marie Le Pen obtient 16,86 % des suffrages, devance le candidat socialiste Lionel Jospin (16,18 %) et se retrouve au second tour face à Jacques Chirac. Malgré une large défaite (17,79 % contre 82,21 %), cette présence du candidat du FN au second tour provoque une profonde émotion dans le pays et témoigne de la popularisation croissante des thèmes frontistes.

Front populaire

Le Front populaire est une alliance de diverses formations et organisations de gauche, constituée en 1934-1935 en réaction aux événements du 6 février 1934, dénoncés comme une manœuvre de l'hydre « fasciste ».

Victorieuse aux élections de 1936, cette coalition exerce le pouvoir à partir du mois de juin, avant de se disloquer entre juin 1937 et novembre 1938. Malgré sa brièveté, cette « expérience », qui est associée à un mouvement social d'une exceptionnelle intensité, marquera une étape importante dans l'histoire de la gauche.

Le rassemblement antifasciste

La crise des années trente atteint la France à partir de 1932, et s'aggrave pendant les années suivantes : la poussée du chômage, le marasme de l'activité, et la politique de déflation, qui consiste surtout à réduire le traitement des fonctionnaires, engendrent une inquiétude sociale généralisée, à laquelle s'ajoutent de sérieux doutes quant à la capacité du système politique de surmonter de telles difficultés. Alors que certains cercles ou groupes - les jeunes-turcs du Parti radical, ou des hommes politiques du centre droit, tel André Tardieu - se bornent à réclamer un aménagement du système, un courant de droite autoritaire et antiparlementaire, périodiquement réactivé lors des phases de troubles, connaît un regain à partir de 1933. Cette contestation antirépublicaine se manifeste par la création de ligues, mouvements de masse dont l'objectif est, dans la première partie des années trente, de faire pression sur le Parlement par des manifestations de rue. La montée en puissance de ces organisations culmine lors de l'émeute antiparlementaire du 6 février 1934, qui apparaît, pour nombre de citoyens attachés au régime démocratique, comme une tentative de coup de force « fasciste » susceptible de déboucher sur l'instauration d'une dictature analogue à celle de l'Italie mussolinienne ou de l'Allemagne hitlérienne. La gauche va donc s'unir contre ce danger, et constituer un rassemblement antifasciste. Cet antifascisme sera le ciment politique du Front populaire, tout comme la « défense républicaine » fut, au début du siècle, le dénominateur commun des socialistes, des radicaux et des modérés pour lutter contre l'agitation nationaliste.

Toutefois, dès le départ, les réactions face aux événements du 6 février 1934 révèlent de profondes divergences entre les différentes forces de gauche. Le Parti radical est lui-même traversé par des tensions : si Édouard Herriot voit dans la formation d'un gouvernement d'Union nationale, unissant les radicaux aux groupes parlementaires de centre droit et de droite, la solution susceptible de calmer l'agitation, Édouard Daladier, qui a dû quitter le pouvoir le 7 février, sous la pression de l'émeute, est favorable, pour sa part, à une alliance des gauches. À l'extrême gauche, le Parti communiste affirme toujours son hostilité globale à la république « bourgeoise », contre laquelle ses militants ont également manifesté le 6 février. La SFIO reste, quant à elle, marquée par des années de lutte acharnée avec le PCF. De tels désaccords expliquent que les contre-manifestations de masse, organisées pour riposter aux ligues, aient lieu en ordre dispersé : le 9 février, le PCF défile contre « les bandes fascistes » et contre « les fusilleurs Daladier et Frot » (ce dernier était ministre de l'Intérieur du gouvernement Daladier) ; pour le 12, la CGT lance un mot d'ordre de grève générale, auquel s'associe la SFIO, qui convoque une grande manifestation sur le cours de Vincennes. Et un cortège communiste se joint à celui des socialistes, place de la Nation.