Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Delcassé (Théophile), (suite)

La carrière de Delcassé redémarre en 1911. Il obtient alors le ministère de la Marine. Ambassadeur en Russie en 1913, il reprend dès la guerre le portefeuille des Affaires étrangères. S'il parvient à rapprocher l'Italie de l'Entente, il échoue à gagner la Bulgarie à la cause des Alliés. Il démissionne en octobre 1915, et se retire dès lors de la vie publique.

Delescluze (Louis Charles),

homme politique (Dreux, Eure-et-Loir, 1809 - Paris 1871).

Étudiant en droit à Paris et clerc d'avoué, puis journaliste, il se fait bientôt connaître pour ses opinions républicaines. Poursuivi pour complot en 1836, il se réfugie en Belgique. À son retour en France, il s'installe à Valenciennes où, grâce à son journal l'Impartial du Nord, il devient l'une des figures importantes du mouvement républicain, jacobin, démocrate-socialiste. En février 1848, le Gouvernement provisoire le nomme commissaire de la République pour le département du Nord. Battu aux élections à l'Assemblée constituante, il renoue très vite avec ses activités d'opposant. Recherché après les journées de juin 1848, il fuit en Angleterre. Rentré en France en 1853, il est arrêté et condamné à la déportation, et ne retrouve la liberté qu'en 1860. Il dirige le Réveil, qui s'illustre par la souscription ouverte dans ses colonnes pour l'érection d'un monument au député Jean-Baptiste Baudin. Durant la guerre de 1870 et le siège de Paris, il est maire du XIXe arrondissement, et s'oppose à la capitulation. Élu député de Paris à l'Assemblée nationale en février 1871, il refuse d'aller siéger à Versailles. Au sein de la Commune, qui l'élit bientôt au Comité de salut public, il anime le groupe le plus nombreux : celui des jacobins de tradition robespierriste. Membre des commissions du gouvernement, puis délégué à la Guerre, il organise la résistance face à l'armée versaillaise ; il est tué le 25 mai 1871 sur la barricade de la rue du Château-d'Eau.

Symbolisant la lutte incessante pour la république, modèle du républicain rigoureux et vertueux, il focalise la haine du gouvernement versaillais, au point d'être condamné à mort par contumace en 1874.

Délicieux (Bernard Deliciosi, dit),

moine franciscain (Montpellier, entre 1265 et 1270 - Avignon 1320).

« Lecteur », c'est-à-dire professeur en théologie, au couvent de Carcassonne, puis de Narbonne, Bernard Délicieux acquiert rapidement la célébrité : il prêche avec véhémence contre la papauté, contre l'Inquisition, contrôlée par l'ordre rival des dominicains, et contre certains évêques qui persécutent les habitants du midi de la France et leurs protecteurs franciscains. Le contexte historique semble lui être favorable : depuis le début du XIIIe siècle, le Midi a été mis au pas par les barons du Nord et les tribunaux de l'Inquisition. Mais, si Philippe le Bel n'entend pas renoncer à cette politique, il sait que la réussite de son action repose sur le respect des droits et usages de ses récents sujets. En outre, le conflit entre le roi et la papauté est alors amorcé. Bernard Délicieux, entré dans la mouvance franciscaine spirituelle, reçoit donc dans un premier temps l'appui des commissaires royaux, qui démettent l'inquisiteur de Toulouse et libèrent en août 1303 des bourgeois de Carcassonne emprisonnés pour hérésie. Mais Délicieux, qui n'est pas un politique, redouble d'ardeur oratoire : l'anarchie menace le Midi. Philippe le Bel y effectue un voyage à la Noël 1303. Ses anciens alliés de circonstance vont alors commettre une erreur qui leur sera fatale : ils intriguent contre le souverain en faveur de Fernand, troisième fils du roi d'Aragon, seigneur à Montpellier et, à ce titre, vassal du roi de France. Le complot découvert, Philippe le Bel fait juger et pendre le « roi » des bourgeois de Carcassonne et ses complices, et remet le franciscain à Clément V, qui le libère en 1307. De retour en Languedoc, Délicieux reprend le combat, malgré la défection de la plupart de ses partisans. De nouveau arrêté en 1318, au cours d'une ambassade auprès du pape Jean XXII, il est condamné à la prison perpétuelle, et meurt oublié en 1320.

démarcation (ligne de),

ligne séparant la France, aux termes de l'article 2 de l'armistice du 22 juin 1940, en une zone occupée et une zone non occupée.

Elle laisse sous contrôle allemand toute la façade atlantique. D'autres lignes de démarcation traversent le pays : le Nord et le Pas-de-Calais sont rattachés aux autorités d'occupation installées en Belgique, l'Alsace et la Lorraine sont annexées à l'Allemagne, une zone interdite est instituée dans le Nord-Est (Aisne, Ardennes, Meuse, Meurthe-et-Moselle, Vosges), et une zone rouge, très surveillée, longe la frontière franco-suisse.

Frontière militaire, bien qu'elle ne coïncide pas exactement avec la ligne de front, la ligne de démarcation joue aussi le rôle d'une frontière économique, administrative et politique, longue de 1 200 kilomètres, et conçue par les Allemands comme un moyen de pression sur le gouvernement de Vichy. Les vainqueurs en modifient arbitrairement le tracé et le degré de perméabilité, au gré des fluctuations de leurs relations avec les vaincus. Elle est l'objet d'une surveillance rigoureuse et, même après le 11 novembre 1942, elle est maintenue, avant d'être ouverte - et non supprimée -, le 1er mars 1943. Jusqu'à cette date, un laissez-passer (Ausweis), qui est parcimonieusement accordé par les Allemands, est obligatoire pour la franchir (en quatorze points). Elle marque une coupure dans le trafic ferroviaire, entrave les communications télégraphiques, téléphoniques et postales (jusqu'en octobre 1941, seules les cartes interzones préimprimées permettent aux familles d'échanger des nouvelles), et interdit les mouvements de capitaux d'une zone à l'autre.

Démia (Charles),

prêtre, fondateur des « petites écoles » (Bourg-en-Bresse 1637 - Lyon 1689).

Éduqué par les jésuites, il se rend à Paris en 1660 et y reçoit la prêtrise en 1663. Persuadé de la nécessité de donner une éducation élémentaire aux jeunes garçons pauvres des villes, il présente en 1666 un premier projet allant en ce sens aux autorités lyonnaises. Grâce à l'appui de l'archevêque, de la municipalité et d'anciens membres de la Compagnie du Très-Saint-Sacrement de l'Autel, il peut ouvrir plusieurs écoles gratuites à Lyon, au cours des années suivantes : on en compte seize en 1689. L'enseignement dispensé insiste, à travers l'apprentissage de la lecture et de l'écriture, sur la morale chrétienne : il s'agit de détourner les enfants du libertinage et de l'oisiveté. En 1689, Démia se voit confier la direction du bureau des écoles qui contrôle tous les établissements du diocèse de Lyon, même payants, et qui reçoit les donations. Pour assurer la formation des futurs maîtres, il crée en 1671 la Communauté Saint-Charles, composée de séminaristes qui consacrent une partie de leur temps à l'enseignement dans les écoles de charité. Parallèlement, il fonde la congrégation des Sœurs de Saint-Charles de Lyon, qui se vouent à l'instruction des filles. Son œuvre, reprise par Jean-Baptiste de La Salle à Reims, est à l'origine du développement de l'enseignement charitable dans les villes sous l'Ancien Régime.