Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
F

Foix (Gaston III, comte de),

dit Gaston Phébus ou Fébus, comte de Foix et vicomte de Béarn (1331 - Sauveterre-de-Béarn 1391).

Il hérite à la mort de son père, en 1343, d'un ensemble territorial considérable mais disparate le long des Pyrénées, comprenant, à l'ouest, le Béarn et, à l'est, le comté de Foix. La guerre de Cent Ans le met dans une position difficile, car le Béarn est sous la suzeraineté du roi d'Angleterre et le comté de Foix, sous celle du roi de France. Il choisit la neutralité et, dès 1347, transforme le Béarn en une principauté souveraine. Il a les moyens de mener cette politique indépendante puisque les deux rois cherchent avant tout à s'en faire un allié. Selon ses intérêts, il se rapproche de l'un ou de l'autre camp, ne poursuivant qu'un seul but, l'unification de ses terres séparées par deux ensembles, la Bigorre et le Comminges. Pour les acquérir, il guerroie contre l'autre grande famille de la région, les Armagnacs. Entre 1358 et 1362, les combats sont nombreux et s'achèvent par la bataille de Launac, au cours de laquelle Gaston Phébus fait de nombreux prisonniers, parmi lesquels Jean Ier d'Armagnac. La lutte reprend en 1376 jusqu'à ce qu'un accord soit trouvé : en échange de la renonciation au Comminges, qui revient au comte d'Armagnac, Gaston III obtient diverses seigneuries dans cette région. Enfin, il place peu à peu sous son contrôle la Bigorre, qui appartient au roi de France, ce qui est source de multiples conflits. Mais, à partir de 1388, Charles VI entreprend un rapprochement avec Phébus, qui aboutit à la signature du traité de Toulouse : contre l'octroi de la Bigorre à titre viager et de 100 000 francs or, Gaston fait du roi de France son héritier. Le comte de Foix-Béarn a donc réussi à rassembler sous son autorité, directe ou indirecte, l'ensemble des régions s'étendant, le long des Pyrénées, d'Orthez à Foix. Il y entretient une administration solide, une armée importante et y bat monnaie. Il dispose, en outre, d'une fortune considérable qui provient des rançons de Launac et de la fiscalité permanente qu'il a instaurée sur ses terres.

Seigneur très puissant et chevalier accompli, dont le surnom fait référence à Phoibos (dieu du Soleil), Gaston est aussi un prince fastueux, qui rassemble une cour brillante à Orthez. Passionné de chasse, poète et homme de lettres, il écrit, en 1387, un traité de vénerie. Mais il peut aussi faire preuve de cruauté : il renvoie son épouse dans sa famille en 1362, et, en 1380, tue son fils, qu'il soupçonne d'avoir voulu l'empoisonner. Hanté par son geste, il écrit le Livre des oraisons, où il adresse directement des prières à Dieu pour obtenir son absolution. Il meurt brusquement le 1er août 1391, enlevé par une attaque d'apoplexie.

folie.

Si l'adjectif « fou » est attesté dans notre langue dès le VIe siècle, le substantif « folie » n'apparaît que cinq siècles plus tard. Du Moyen Âge à l'époque contemporaine, le champ sémantique de ces deux termes se caractérise par une richesse et une complexité liées à la diversification précoce de leur usage : de la simple illusion au dérèglement des sens, du caprice inoffensif à la dérive criminelle de la raison, nombreux sont les modes de l'écart et du déséquilibre qu'enveloppe la notion unificatrice de « folie ».

Par-delà l'hétérogénéité de sens et les fluctuations historiques se fait jour un paradoxe structurel : phénomène pathologique qui appelle un traitement, la folie est cependant créditée d'une vérité ou d'une puissance de « remise en question » ; à ce titre, elle imprègne les stéréotypes du langage quotidien autant qu'elle hante l'expression artistique et l'interrogation philosophique. Figure de l'altérité psychique, elle n'en est pas moins intégrée aux grands mouvements par lesquels une culture se définit et se transforme. En inscrivant la folie dans le champ des études historiques, le livre inaugural de Michel Foucault, Histoire de la folie à l'âge classique (1961), a apporté une contribution précieuse - et controversée - à l'analyse de cette double dimension.

De l'intégration à l'exclusion.

• L'Antiquité classique, sous l'impulsion d'Hippocrate et de Galien, avait su arracher la folie aux explications magiques ou mystiques. Le Moyen Âge, contrairement à des légendes tenaces, ne marque pas un retour à l'obscurantisme. Certes, le traitement de la folie passe par des thérapeutiques hétéroclites qui mêlent exorcismes, pèlerinages, prières aux saints guérisseurs, administration de mixtures à base de plantes. Une tradition de prise en charge collective s'instaure néanmoins. Si les fous les plus dangereux sont enfermés pour d'évidentes raisons de sécurité, des structures d'assistance - dont certains indices permettent de faire remonter la création au VIIe siècle - accueillent les aliénés, l'esprit charitable suppléant tant bien que mal au manque de moyens matériels. Tel est vraisemblablement le cas de l'Hôtel-Dieu de Paris.

La folie inspire au christianisme médiéval une attitude ambivalente. L'hystérie, assimilée à la sorcellerie et à la possession démoniaque, ne relève guère que du bûcher. Mais la tradition paulinienne, qui assimile le fou à un innocent dépositaire de la sagesse divine, explique que l'Église se soit souvent montrée pleine de sollicitude à l'égard des malades mentaux. La même ambivalence caractérise l'attitude des autorités religieuses à l'égard de la folie simulée qui se donne libre cours dans les manifestations folkloriques : les célèbres fêtes des fous ou de l'âne, réjouissances populaires qui renversent parodiquement la hiérarchie sociale et l'échelle des valeurs, sont tolérées jusqu'à ce que les interdictions finissent par en avoir raison au début du XVIe siècle. La folie est également installée à demeure dans les cours royales, sous les traits du bouffon : à l'origine véritable débile mental, le fou à gages ne donne le spectacle de l'aliénation que pour mieux renvoyer chacun à sa propre vérité.

Si la Renaissance, comme le Moyen Âge, accorde droit de cité à la folie, c'est pour l'annexer à des fins de critique sociale, morale ou théologique, et donc en domestiquer la violence. Tandis que la compréhension du phénomène pathologique progresse relativement peu - la théorie de la « mélancolie », ou « excès de bile noire », domine largement les explications -, philosophes, moralistes et savants s'engouffrent dans la voie magistralement ouverte par l'Éloge de la folie d'Érasme (1511) : de Rabelais à Montaigne, nombreux sont les auteurs à décliner les rapports de réversibilité qui unissent sagesse et folie, raison et non-sens.