Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
H

Héloïse, (suite)

La destinée d'Héloïse est difficilement séparable de celle d'Abélard, qui a été son professeur, son amant, son mari, puis son directeur de conscience. Née dans une famille noble, la jeune Héloïse reçoit une première éducation chez les religieuses d'Argenteuil, non loin de Paris. Son oncle Fulbert, chanoine de Notre-Dame de Paris, entreprend de parfaire cette éducation et s'assure le concours de Pierre Abélard, qui enseigne les arts libéraux à l'école de Notre-Dame. Entre le brillant dialecticien, alors âgé de 36 ou 37 ans, et sa jeune élève de 15 ans commence une passion pour la vie, sur laquelle nous renseignent un récit autobiographique, l'Histoire de mes malheurs, adressé presque vingt ans plus tard par Abélard à un ami anonyme, et la correspondance - elle aussi, tardive - échangée avec Héloïse, dont l'authenticité a été mise en doute sans qu'on puisse la nier totalement.

Bientôt, la jeune fille est enceinte : en Bretagne, chez l'une des sœurs d'Abélard, elle donne naissance à un fils, prénommé Astralabe. D'abord réticente à l'idée d'un mariage qui compromettrait la carrière de son amant, elle finit par consentir à l'épouser, mais doit subir les pressions de Fulbert pour rendre cette union publique, ce qui l'amène à se réfugier au couvent d'Argenteuil. Après la castration d'Abélard par les sbires de Fulbert (1117), et avant même que son époux ne se fasse moine, Héloïse prend le voile à Argenteuil, où elle deviendra prieure. Suger, abbé de Saint-Denis, ayant dissous cette communauté de moniales, Héloïse trouve refuge avec ses compagnes, en 1130, au Paraclet, ermitage champenois fondé en 1122 par Abélard et, depuis, tombé en déshérence. Elle s'y montre une abbesse remarquable, parvenant à faire prospérer les biens de la fondation, stimulée par l'aide spirituelle de celui qui est encore son mari et qui vient lui rendre quelques visites. Les époux ne se verront plus après 1132 ; ils n'échangeront dès lors que des lettres fameuses, encore empreintes chez Héloïse des brûlures d'une passion toujours vivace. Grâce à l'abbé Pierre le Vénérable, le philosophe, mort en disgrâce à Cluny en 1142, est enseveli au Paraclet, où Héloïse vient enfin le rejoindre dans la mort en 1164. Cette trajectoire idéale, menant de l'amoureuse passionnée à la pieuse abbesse, ne peut que séduire les théoriciens de l'amour : dès le XIIIe siècle, Jean de Meung fait tenir à Héloïse, dans son Roman de la Rose, un vif plaidoyer contre le mariage et, quelque temps plus tard, traduit du latin en français les Espitres de Pierres Abaelart et Heloys sa fame. C'est cette figure de fougueuse amoureuse et de femme éclairée - inspiratrice d'une Nouvelle Héloïse rousseauiste - qui est restée dans la mémoire collective.

Henri Ier,

roi des Francs de 1031 à 1060 ( ? 1008 - Vitry-aux-Loges, près d'Orléans, 1060).

Deuxième fils de Robert le Pieux et de Constance d'Arles, Henri est associé au trône après la mort de son frère aîné, Hugues. Il est sacré à Reims, du vivant de son père, en 1027. Cette pratique des premiers Capétiens vise plus à assurer l'avantage de l'aîné que la transmission héréditaire du royaume, déjà couramment admise. De fait, à la mort de Robert le Pieux en 1031, Henri Ier se heurte à l'insurrection de son frère Robert, soutenu par la reine mère et par le comte de Blois.

Si le roi de France paraît bien faible compte tenu de la petite taille du domaine royal, il dispose en réalité d'une zone d'influence plus étendue que celui-ci. Le conflit est résolu lorsque Robert obtient le duché de Bourgogne. Par ailleurs, les acquisitions et les pertes du domaine royal au cours du XIe siècle n'ont que de faibles conséquences. L'essentiel réside dans le jeu d'alliances entre le roi et ses voisins immédiats. Henri Ier maintient l'alliance normande en soutenant le duc de Normandie (futur Guillaume le Conquérant), jusqu'à ce que la puissance de ce dernier le menace.

Si les grands du royaume ne reconnaissent réellement à Henri Ier qu'une préséance, et non une autorité, le roi de France dispose d'un certain prestige à l'extérieur, comme en témoignent les échanges d'ambassadeurs des pays lointains. En 1051, il épouse en secondes noces Anne de Kiev, fille du prince Jaroslav de Kiev. Leur fils aîné, Philippe, est associé au royaume en 1059, à l'âge de 7 ans, et devient roi le 4 août 1060, à la mort d'Henri Ier, sous la tutelle de sa mère Anne et de son oncle, le comte de Flandre, Baudouin V. Cette période de minorité ne remet pas en cause les premiers acquis de la monarchie capétienne.

Henri Ier Beauclerc,

roi d'Angleterre de 1100 à 1135 et duc de Normandie de 1106 à 1135 (Selby, Yorkshire, 1069 - Lyons-la-Forêt, Eure, 1135).

Dernier fils de Guillaume le Conquérant, privé d'héritage à la mort de son père en 1087, Henri accède au trône d'Angleterre après la disparition de son frère Guillaume le Roux, et s'empare de la Normandie après une lutte difficile contre son aîné Robert Courteheuse, qu'il chasse d'Angleterre en 1101, et qu'il fait prisonnier en 1106 à la bataille de Tinchebray. Dès lors, son action se déroule pour l'essentiel sur le continent, notamment en Normandie, où il passe près de vingt ans, et dont il cherche tout au long de son règne à garantir la sécurité et la paix. Ce but le conduit à se heurter aux ambitions capétiennes, qu'il contient par ses succès militaires et par une stratégie d'alliance avec l'Empire. Ce même désir le pousse à entrer en conflit avec la puissance angevine, alors en pleine expansion. Henri cherche à en prévenir le danger par un double projet de mariage : celui de son unique fils légitime, Guillaume, avec la fille du comte Foulques V, puis, après la disparition de son héritier dans le naufrage du Blanche-Nef en 1120, celui de sa fille Mathilde, veuve de l'empereur Henri V, avec l'aîné du comte, Geoffroi Plantagenêt. L'arrangement, bien qu'accepté sous serment par les barons en 1127, ne peut résister à la mort de son promoteur : si Mathilde conserve la Normandie, l'Angleterre lui échappe, au terme d'une longue guerre civile où triomphe le neveu d'Henri Ier Beauclerc, Étienne de Blois.