Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
P

pieds-noirs,

Français d'origine européenne installés en Algérie jusqu'à la période de l'indépendance.

Le terme « pieds-noirs » apparaît en 1901, pour désigner sans doute des chauffeurs de bateau, souvent des Algériens, qui se tenaient pieds nus dans la soute à charbon ; récupéré par les Européens d'Algérie à partir de 1955, il marque leur prise de conscience d'une identité propre : ni Algériens musulmans, ni Français de métropole.

L'Algérie est destinée, surtout après sa constitution en département en 1870, à être une colonie de peuplement. Mais le nombre de colons français étant trop faible, on fait appel à des Espagnols, qui s'implantent surtout dans l'Ouest, ainsi qu'à des Italiens et des Maltais, présents surtout dans l'Est. À partir de 1889, leurs enfants sont automatiquement français, de même que les juifs algériens qui possèdent la nationalité française depuis le décret Crémieux de 1870 (ces derniers seront au nombre de 100 000 en 1958).

Au début des années 1950, la population pied-noire compte plus d'un million de personnes, mais reste minoritaire (à peu près 10 % de la population de l'Algérie). Ses représentants continuent de refuser que l'égalité juridique et politique soit accordée aux Algériens musulmans. L'insurrection du FLN surprend la communauté, dont une partie, s'estimant trahie par de Gaulle, appuiera l'OAS. Les accords d'Évian (mars 1962) prévoient pourtant que les Français d'Algérie pourront y demeurer après l'indépendance. Mais il est trop tard. La plupart des pieds-noirs quittent, dans la panique, l'Algérie pour la France en 1962 et 1963, abandonnant presque tous leurs biens derrière eux. Ils ne sont que 80 000 à se rendre à l'étranger (Espagne, Canada, etc.), quelques milliers choisissant cependant de rester en Algérie. Le secrétariat d'État aux rapatriés organise tant bien que mal leur arrivée en métropole : 30 % des nouveaux logements HLM leurs sont accordés. Mais le traumatisme reste fort. La croissance économique permet des réussites spectaculaires ou modestes, sans effacer le souvenir de l'accueil très réticent de la population métropolitaine.

Aujourd'hui, les pieds-noirs et leurs familles sont installés surtout dans le Sud (Provence et Languedoc), dans la région parisienne et en Aquitaine. Ils constituent 11 % de la population de Marseille, 5 % de celle de Nice, ce qui leur donne un réel poids politique local. Récemment, ils ont contribué au vote Front national dans le Sud, la prétendue menace d'une « invasion immigrée » ayant rouvert les blessures algériennes. Car, si une loi d'indemnisation a été votée en 1987, destinée à compenser les pertes économiques liées au rapatriement, toutes les passions ne sont pas éteintes, comme en témoigne les débats autour de la loi de février 2005 « portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés ».

Pierre l'Ermite,

prédicateur de la première croisade (Amiens, vers 1050 - Neufmoustier, aux environs de Liège, vers 1115).

Les chroniqueurs du XIIe siècle lui ont donné un rôle emblématique dans la prédication et l'organisation de la première croisade. En fait, comme beaucoup d'autres prédicateurs itinérants, ce dernier suit l'appel du pape Urbain II qui, le 27 novembre 1095, lors du concile de Clermont, exhorte les chevaliers à partir en croisade. Mais il se démarque rapidement de cette « croisade militaire » pour conduire à Constantinople, à partir d'avril 1096, une « croisade populaire », suivie par une foule de plusieurs milliers de pèlerins. L'indiscipline de la foule, jointe aux atrocités de toutes sortes commises en chemin, la conduit à sa perte. Massacrée par les Turcs à son arrivée à Constantinople (1er août), la « croisade populaire » se dissout aussitôt. Pierre l'Ermite se rallie alors à la croisade des chevaliers et joue un rôle de second plan au cours des combats en Terre sainte. Il disparaît de la scène historique après le siège d'Antioche de 1098 et quitte la Ville sainte à la fin de l'année 1099. Son départ marque aussi la fin des espérances eschatologiques dont la « croisade populaire » avait nourri les espoirs, et des signes prodigieux (miracles, apparitions) avaient alimenté la ferveur. Selon les chroniques médiévales, Pierre l'Ermite fonde ensuite le monastère de Neufmoustier (près de Huy), dans le pays de Liège, où il meurt en odeur de sainteté.

Pierre le Vénérable,

abbé de Cluny de 1122 à 1156 et grand intellectuel du XIIe siècle (Montboissier, Auvergne, 1094 - Cluny 1156).

Écolâtre puis prieur de Vézelay, Pierre le Vénérable est choisi comme abbé de Cluny en 1122, alors que la congrégation clunisienne traverse une crise profonde. En effet, depuis le début du XIIe siècle, le monachisme clunisien est sévèrement critiqué par les moines réformateurs, en particulier Bernard de Clairvaux et Guillaume de Saint-Thierry. De plus, le précédent abbé, contraint d'abdiquer par le pape, conteste l'élection de Pierre le Vénérable jusqu'en 1126. Cependant, à partir des années 1130, celui-ci entreprend de restaurer à la fois le patrimoine et le prestige de Cluny. Tout d'abord, il s'inspire du système cistercien des granges et des frères convers, et s'appuie sur une saine gestion des domaines, de manière à assurer le retour de la prospérité. Ensuite, le chapitre général de 1132 et les statuts de 1146 rétablissent la discipline monastique tout en renforçant la spécificité spirituelle de Cluny, c'est-à-dire la primauté accordée à la liturgie de l'office divin, face aux nouveaux ordres, en particulier celui de Cîteaux. Enfin, Pierre le Vénérable assure le rayonnement politique et intellectuel de Cluny. Ami de Suger, l'abbé de Saint-Denis, il rapproche la congrégation du royaume de France et du souverain capétien. Il participe aux grands débats de son temps en soutenant Abélard face à Bernard de Clairvaux comme en polémiquant contre les hérétiques, les juifs ou les musulmans. Il assure aussi le développement de la bibliothèque de Cluny et ordonne une traduction du Coran, qui fera autorité jusqu'au XVIe siècle. Pierre le Vénérable apparaît ainsi comme un parfait représentant de l'humanisme du XIIe siècle.