Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
P

peur. (suite)

Parallèlement, un dispositif intellectuel beaucoup plus élaboré se construit, qui inscrit ces pratiques élémentaires dans une vision d'ensemble du destin de l'homme. L'espoir en un Au-delà de mieux en mieux défini, la relativisation d'une vie terrestre considérée comme le simple passage dans une « vallée de larmes » donne au fidèle une espérance à la mesure de sa peur. La patiente pédagogie de la culpabilité de l'homme, née du péché originel, vient justifier cette conception du monde. Elle culmine, chez les catholiques, avec le recours à la confession, qui s'impose à partir du XVIIe siècle seulement, une partie des catholiques et les protestants plaçant plus largement leurs espoirs dans la justice et parfois la bonté divines. Cette explication cohérente et raisonnable de la condition humaine, à peu près achevée au XVIe siècle, au moment des Réformes catholique et protestante, est diffusée de plus en plus efficacement à la masse des fidèles. Elle se situe sur le même plan que l'autre réponse intellectuelle, fondée sur la raison et la science, affirmée pour l'essentiel à partir du XVIIIe siècle et répandue ensuite, en particulier par le biais du système scolaire. Le parallèle, peut-être choquant, explique cependant qu'une partie des Français d'aujourd'hui puissent recourir en même temps à l'une et à l'autre de ces réponses à nos peurs. La vogue de systèmes spirituels souvent totalement irrationnels, exprimée par le phénomène sectaire, rappelle toutefois qu'à ce niveau aussi les réponses sont le fruit d'une construction toujours difficile et sans cesse renouvelée.

De l'antijudaïsme au « règne de la Raison et de la Science », des incendiaires parisiens de 1524 à la xénophobie, de la croyance au miracle à l'abandon à Dieu, le risque est grand de faire de la peur une sorte de moteur des sociétés, alors qu'elle en exprime simplement les réalités. Il est cependant probable que la qualité des réponses à la peur permet d'apprécier le niveau des civilisations et, à l'échelle de l'individu, la qualité d'une culture.

Pflimlin (Pierre),

homme politique (Roubaix 1907-Strasbourg 2000 ).

Européen convaincu et strasbourgeois de cœur, Pierre Pflimlin est une grande figure de la démocratie chrétienne. Cet avocat adhère au MRP en 1945 (il en sera le président national de 1956 à 1959) et est élu conseiller municipal de Strasbourg en 1945, député du Bas-Rhin en 1946 (il restera parlementaire jusqu'en 1967). En novembre 1947, il est nommé ministre de l'Agriculture par Robert Schuman, et occupe successivement diverses responsabilités, notamment à la tête du ministère des Finances et des Affaires économiques dans les gouvernements Edgar Faure (1955-1956), puis Félix Gaillard (1957-1958). Son passage à la présidence du Conseil, fonction pour laquelle il a été pressenti à plusieurs reprises, sera de très courte durée : le débat d'investiture est fixé au 13 mai 1958, mais les activistes algérois, qui lui sont hostiles (Pflimlin préconise une politique libérale en Algérie), déclenchent alors une insurrection ; après une entrevue avec le général de Gaulle dans la nuit du 26 au 27 mai, il propose sa démission au président René Coty le 28, puis devient ministre sans portefeuille du général de Gaulle le 1er juin. Ses compétences de juriste lui permettent d'influencer la rédaction du projet de Constitution.

Farouchement attaché à l'intégration européenne, Pflimlin est parmi les cinq ministres MRP qui démissionnent du gouvernement Pompidou après la déclaration du général de Gaulle, le 15 mai 1962, ironisant sur les « apatrides » qui pensent « en quelque esperanto ou volapük intégrés ». Il choisit alors de se consacrer aux deux causes qui lui tiennent le plus à cœur : l'Europe (au sein du Conseil de l'Europe, puis à la présidence du Parlement européen de 1984 à 1989) et l'Alsace (comme maire de Strasbourg de 1959 à 1983).

Phélypeaux (Louis, comte de Saint-Florentin, duc de La Vrillière),

homme politique (Paris 1703 - id. 1777).

Phélypeaux est issu d'une famille où se sont déjà distingués plusieurs secrétaires d'État et un chancelier (Pontchartrain). En 1725, il succède à son père comme secrétaire d'État et partage avec son cousin et beau-frère Maurepas la charge de la Maison du roi. Il traite alors essentiellement des affaires religieuses, et fait preuve d'une certaine indulgence à l'égard des protestants. Sa fidélité lui vaut la faveur constante de Louis XV, qui lui attribue l'ensemble des charges de la Maison du roi après la disgrâce de Maurepas (1749), puis le nomme ministre d'État (1751), lui confie l'administration de la ville de Paris (1757) et, lors de la chute de Choiseul, l'intérim de la Marine, des Affaires étrangères et de la Guerre (1770-1771).

Conciliant à l'extrême, Phélypeaux cherche à ménager tous les partis et laisse reculer l'autorité royale face aux parlements. C'est pourtant lui qui délivre les lettres de cachet. Aussi lui reproche-t-on tantôt sa faiblesse, tantôt d'être le pilier de l'arbitraire. C'est en fait dans le domaine de l'urbanisme qu'il se distingue : il embellit plusieurs villes, notamment Bordeaux, Reims, et Paris, où il fait achever la place Louis-XV (actuelle place de la Concorde), aménager une partie des quais de la Seine, édifier l'église Saint-Philippe-du-Roule et la Halle au blé. Il se retire en 1775, au terme d'une carrière ministérielle d'une durée exceptionnelle.

Philippe Ier,

roi des Francs de 1060 à 1108 (1052 - Melun 1108).

Le fils aîné d'Henri Ier est baptisé par sa mère, la reine Anne de Kiev, d'un prénom byzantin - Philippe -, alors inusité. Sacré et associé au trône en 1059, du vivant de son père - expérience commune aux quatre premiers Capétiens -, il lui succède le 4 août 1060, d'abord sous la régence de son oncle, le comte Baudouin V de Flandre (1060/1066).

Comme ses prédécesseurs, Philippe Ier consacre l'essentiel de son règne à accroître le domaine royal. Il acquiert en 1068 le Gâtinais, autour de Nemours et Montargis, cédé par le comte d'Anjou Foulques IV le Réchin. Intervenant peu après en Flandre contre le nouveau comte, Robert le Frison, il est battu à Cassel en 1071 mais se réconcilie avec lui et épouse sa nièce, Berthe de Hollande. Il récupère grâce à cet accord la seigneurie de Corbie, donnée par Henri Ier à sa sœur lors de son mariage avec Baudouin V de Flandre. En 1076, lorsque le comte de Vexin se retire dans un monastère et lui abandonne ses droits, Philippe Ier met la main sur le Vexin français et ses villes, Mantes, Pontoise et Magny. Cette avancée étend son domaine royal aux portes de la Normandie et suscite l'inquiétude des Normands, qui mènent plusieurs campagnes, dont celle où meurt Guillaume le Conquérant, en 1087. En achetant à Eudes Harpin, en 1101, la vicomté de Bourges, Philippe Ier rapproche enfin le domaine royal d'Orléans.