Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
C

château. (suite)

Les nouveaux châteaux, libérés de toute contrainte militaire ou topographique, se soumettent, dès lors, aux effets de mode et adoptent le style du temps : néoclassique dans les années 1750 et suivantes, avec plan carré, colonnes et frontons, puis néogothique durant la période romantique, férue d'un Moyen Âge régulièrement remis au goût du jour. Le XIXe siècle a même été qualifié de « second siècle d'or » du château et on dénombre encore, en 1888, quelque 40 000 châtelains : outre la vieille aristocratie et la noblesse d'Empire, les grands industriels et les banquiers font eux aussi rénover ou construire des châteaux, souvent de type « moyenâgeux », en témoignage de leur réussite financière. Le château n'a rien perdu de son prestige : pour Napoléon III, et dans l'intention d'en faire une « habitation fort agréable », Viollet-le-Duc reconstitue le château de Pierrefonds sur des vestiges médiévaux. Même les grands propriétaires de vignobles s'attribuent des « châteaux » - 58 sont institués en 1855 - qui donnent leur nom aux vins du Bordelais ; mais il est vrai que les créateurs de nombre de ces vignobles appartenaient à l'aristocratie.

C'est la guerre de 1914 qui met fin à la construction castrale ; au demeurant, l'évolution des tactiques militaires impose alors de nouvelles formes de défense : au château médiéval, symbole intemporel de puissance, perché sur une éminence, succède, au XXe siècle, la fortification enterrée, avec ses tranchées et ses casemates, dont les bunkers souterrains de mise à feu des missiles atomiques ont représenté jusqu'à récemment un exemple extrême.

Chateaubriand (François René, vicomte de),

écrivain et diplomate (Saint-Malo 1768 - Paris 1848).

« J'ai fait de l'histoire et je pouvais l'écrire » : au terme de la « récapitulation de [sa] vie », le mémorialiste justifie son projet par son action publique. Affichant son regret de n'avoir été qu'un comparse, il s'érige cependant, par la seule force du verbe, en alter ego de Napoléon et propose une lecture du monde et de son temps qui, si elle ne l'impose pas comme l'un des penseurs majeurs du XIXe siècle, en fait le créateur d'une mythologie qui nourrit l'imaginaire romantique.

« Sicut nubes... quasi naves... velut umbra »

• (« Ainsi que des nuages... tels des navires... comme une ombre). Tirée du Livre de Job, l'épigraphe des Mémoi-res trace de ce Breton de famille tradi-tionaliste le portrait d'un être de fuite : rêveur impénitent, voyageur par goût (Amérique du Nord, 1791), par idéologie (émigration avec l'armée des princes [1792], puis exil à Londres [1793-1800]), par culture (séjour en Orient, 1806-1807) ou par profession (secrétaire d'ambassade à Rome, sous le Consulat [1803], ambassadeur de la Restauration à Berlin [1821], Londres [1822], Rome [1828-1829] avant de l'être officieusement de la duchesse deBerry auprès de Charles X à Prague [1833]), il ne se fixe que par et dans l'écriture. Refuge contre la fuite du temps et l'éparpillement du moi qui prend aussi bien la forme de la somme historico-philosophique (Essai sur les révolutions, 1797 ; Génie du christianisme, 1802) que du roman (les Martyrs, 1809), de la brochure circonstancielle (De Buonaparte et des Bourbons, 1814 ; De la monarchie selon la Charte, 1816), du récit de voyage (Itinéraire de Paris à Jérusalem, 1811), de la méditation personnelle désabusée (Vie de Rancé, 1844) ou de l'ample fresque du mémorialiste. Celle-ci, annoncée dès 1803, n'était d'abord qu'un projet narcissique. Mais ces premiers Mémoires de ma vie changent d'objet pour devenir tableau d'un monde, portrait d'une époque, chronique de la petite histoire, vision de l'histoire, perçus au travers d'une conscience qui se lit dans les soubresauts du temps et le chaos du réel ; et leur nouveau titre d'outre-tombe les fait apparaître comme un monument aere perennius.

« ...la légende, miroir de l'Histoire ».

• Rien d'étonnant, dès lors, que Chateaubriand porte un jugement sévère sur les hommes et les idéologies : celles-ci lui semblent vaines au regard du grand mouvement qui agite le monde ; ceux-là lui semblent subir plus que diriger. Dans ces conditions, son légitimisme est d'abord fidélité à ses ancêtres plus qu'à des postulats : et s'il crée le Conservateur (1818), s'il est ministre de Villèle (1823-1824), il démissionne sous Polignac (1829) comme il renonce à la pairie le 7 août 1830 lorsque la monarchie vacille dans ses principes, par dogmatisme anachronique ou par démagogie. Double refus qui procède d'une lecture de l'histoire fondée sur cette forme dialectisée de la providence qu'est la durée, et qui le fait remonter aux révoltes grecques, romaines ou médiévales pour expliquer 1789 et lui permet de surmonter la notion de rupture (qu'il traduit par la métaphore de l'océan qui sépare - mais, diront ses détracteurs, unit aussi - les mondes ancien et nouveau). « Royaliste par raison, bourboniste par honneur et républicain par goût », Chateaubriand ne peut que tenter de résoudre ses contradictions par la (re)création. Napoléon le fascine par son côté monarchien et son volontarisme, mais l'usurpateur et le tyran le révulsent : aussi en fait-il une figure quasi mythique, source de la double légende - noire et dorée - qui va traverser le siècle. De même transforme-t-il, dès l'Essai, l'émigré en un paria - figure que les romantiques broderont sous toutes les coutures - avant de développer autour de lui la thématique du « mal du siècle » (René, 1802-1805), appelé à devenir un véritable phénomène de société auquel Musset allait donner une retentissante expression lyrique dans sa Confession (1836). Ainsi, du petit nobliau de Combourg à l'inhumé du Grand-Bé, Chateaubriand impose-t-il son imaginaire aux « enfants du siècle »...

Château-Gaillard,

forteresse construite (1196-1198) par Richard Cœur de Lion, roi d'Angleterre et duc de Normandie, pour défendre Rouen et contrôler la vallée de la Seine.

Le château, bâti en pierre calcaire blanche, constitue une remarquable synthèse de l'architecture militaire du XIIe siècle : rattaché au plateau par un éperon rocheux, où a été édifiée une bastille triangulaire, il comprend deux enceintes entourant le donjon, qui se dresse au bord de la falaise. En 1204, Château-Gaillard, assiégé depuis huit mois par Philippe Auguste, tombe, malgré la défense acharnée conduite par Roger de Lassay ; sa chute ouvre la voie à la conquête de la Normandie, qui est alors rattachée au royaume de France. Transformée en prison par Louis X le Hutin au début du XIVe siècle, cette place stratégique est occupée par les Anglais entre 1419 et 1449, pendant la guerre de Cent Ans. Château-Gaillard est finalement démantelé, sur ordre d'Henri IV, en 1603, mais ses ruines se dressent toujours sur le méandre des Andelys.