Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Dupont de Nemours (Pierre Samuel), (suite)

Secrétaire de l'Assemblée des notables en 1787, il réapparaît comme député du tiers état de Nemours aux états généraux de 1789 : le cahiers de doléances qu'il rédige annonce largement l'œuvre de la Constituante, où il se montre très actif. Demeuré fidèle au roi, il se fait discret en 1792-1793, avant de revenir à la vie publique comme membre de l'Institut et du Conseil des Anciens. Mais le coup d'État du 18 fructidor le pousse à rejoindre son fils Victor aux États-Unis. À défaut de la colonie agricole initialement projetée, il fonde une poudrerie dans le Delaware, et devient un proche de Thomas Jefferson et de James Monroe. Rentré en France en 1802, il est secrétaire de la chambre de commerce de Paris, tandis que ses affaires prospèrent. En 1814, il occupe brièvement les fonctions de secrétaire général du Gouvernement provisoire, mais repart pour l'Amérique pendant les Cent-Jours. Il y meurt en 1817, laissant à ses fils une firme appelée à une grande fortune.

Duport ou Du Port (Adrien Jean François),

homme politique (Paris 1759 - Gais, Suisse, 1798).

Issu d'une famille de parlementaires anoblie, conseiller au parlement de Paris, Duport joue pendant la Révolution un rôle essentiel à la Constituante. Hostile à l'absolutisme, il fonde dès 1787 le parti national (ou « patriote »), puis en 1788 la Société des Trente, qui milite en faveur du tiers état, pour l'égalité des droits et la souveraineté de la nation. Élu député de la noblesse aux états généraux de 1789, il rejoint le Tiers dès le 25 juin, et prend part de façon déterminante à l'abolition du régime féodal et à la rédaction de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. À la fin de 1789, il se lie à Barnave et à Alexandre Lameth, avec lesquels il forme le très influent triumvirat. Intervenant dans tous les débats importants de la Constituante, il est le principal architecte de la réforme judiciaire.

Dès le printemps 1791, cependant, hostile au mouvement populaire et soucieux de stabiliser la Révolution, il se rapproche de la cour et cherche à renforcer le pouvoir royal, ce qui est chose faite après Varennes et la révision de la Constitution de 1791, dont il est l'un des promoteurs. Personnalité dominante du Club des feuillants, et sans mandat sous la Législative, il ne peut empêcher la guerre, mais œuvre au renvoi du ministère girondin en juin 1792, espérant négocier la paix et renverser les jacobins. Après l'échec de cette politique et la chute de la monarchie, il est arrêté en septembre 1792, puis, libéré grâce à Danton ; il émigre en Angleterre, où il se met au service de la Coalition. Installé en Suisse, il meurt prématurément de tuberculose.

Dupuy (Charles),

homme politique (Le Puy, Haute-Loire, 1851 - Ille-sur-Têt, Pyrénées-Orientales, 1923).

Normalien, agrégé de philosophie, député républicain modéré de Haute-Loire en 1885, Dupuy devient ministre de l'Instruction publique, des Beaux-Arts et des Cultes dans le gouvernement Ribot (décembre 1892-avril 1893), puis président du Conseil (1893). Présidant la Chambre des députés en décembre 1893, lorsque l'anarchiste Auguste Vaillant y lance une bombe, il déclare : « Messieurs, la séance continue. » Il défend ensuite l'adoption des lois scélérates, qui assimilent les anarchistes à des malfaiteurs et soumettent les délits de presse aux tribunaux correctionnels. En 1894, de nouveau chargé de la présidence du Conseil, il gère les effets de la crise de Panamá et le discrédit qui frappe la classe politique. Lors de l'affaire Dreyfus, en 1898, il retrouve la direction du gouvernement, s'oppose à toute révision pour regagner la confiance de l'armée, affirmer l'autorité civile et la raison d'État. Au même moment, il fait face à la crise de Fachoda, et négocie avec la Grande-Bretagne l'abandon de la vallée du Nil. Le gouvernement de Défense républicaine, sous la direction du dreyfusard Waldeck-Rousseau, l'écarte du pouvoir. Dupuy devient sénateur en 1900, siège qu'il occupe jusqu'à sa mort. Notable de la République, qu'il souhaite conservatrice, il n'exerce plus de responsabilités ministérielles.

Duquesne (Abraham, marquis),

marin (Dieppe, Seine-Maritime, 1610 - Paris 1688).

Fils d'un officier marchand protestant qui l'embarque dès l'enfance sur son navire, Duquesne fait ses premières armes de marin à l'âge de 17 ans. Capitaine de vaisseau durant la guerre de Trente Ans, il s'illustre aux îles de Lérins, à Tarragone (1641) et à Carthagène (1643). De 1644 à 1647, il combat dans la marine suédoise, et remporte notamment la bataille de Femern contre la flotte danoise. À son retour en France, en 1647, il est nommé chef d'escadre, puis intervient dans la lutte contre la Fronde bordelaise.

Lieutenant général des armées de mer en 1667, il guerroie contre les flottes hispano-hollandaises en Méditerranée (1675), expédition qui se solde par quatre victoires décisives : Stromboli (janvier 1676), Augusta (avril 1676), Palerme (juin 1676) et Syracuse. En guise de récompense, Louis XIV lui offre la terre du Bouchet (1681), près d'Étampes, et le marquisat ; il le charge également de bombarder Alger et Tripoli, repaires de pirates (1682-1683). En 1684, après être allé soumettre Gênes, qui fournissait des armes et des navires aux ennemis du roi, Duquesne prend sa retraite. Entre 1684 et 1688, il travaille avec Vauban à la fortification des côtes françaises.

Calviniste convaincu, Duquesne refuse d'abjurer sa foi contre le titre d'amiral que lui offre le roi. Il est néanmoins le seul protestant à avoir été nommément exempté des mesures imposées par la révocation de l'édit de Nantes.

Durand (Marguerite),

féministe (Paris 1864 - id. 1936).

Issue d'un milieu bourgeois, Marguerite Durand s'illustre d'abord comme comédienne. Elle entre au Conservatoire en 1879, puis à la Comédie-Française, en 1882, qu'elle quitte en 1888 pour épouser le député Georges Laguerre, partisan du boulangisme, mouvement dont elle devient la « muse ». Sous l'égide de celui-ci, elle se lance dans le journalisme et dirige la Presse. En 1891, séparée de son mari, elle entre au Figaro. Sa conversion au féminisme date du Congrès féministe de 1896, auquel elle assiste en tant que journaliste. Elle crée alors un journal unique dans l'histoire de la presse, entièrement rédigé, composé et distribué par des femmes, à la fois grand quotidien d'information générale et porte-parole de la revendication féministe : la Fronde (1897-1905), qui joue un rôle majeur dans l'avancée du féminisme. Belle femme élégante, républicaine et dreyfusarde, Marguerite Durand fréquente le Tout-Paris et mène sa vie sans souci des préjugés. Candidate aux législatives de 1910 et aux municipales de 1927, organisatrice en 1907 d'un congrès pour la création d'un office du travail féminin, elle crée également plusieurs syndicats féminins. Cette figure pionnière des luttes féministes a aussi œuvré pour perpétuer leur mémoire. En 1931, elle fait don à la Ville de Paris de la documentation qu'elle a réunie : naît ainsi la première bibliothèque féministe officielle, qui porte son nom et qu'elle dirigera jusqu'à sa mort.