Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
D

départements, (suite)

Unifier l'espace pour unifier la nation.

• Touchant à la construction de la nation, la réforme administrative est l'une des premières qu'entreprend la Constituante. Contre les privilèges et les particularismes de l'Ancien Régime, il faut en effet « révolutionner l'espace français » (Jacques Revel), remodeler le territoire, pour réaliser l'unité nationale et permettre le développement de nouveaux rapports sociaux et politiques fondés sur l'égalité devant la loi. Réforme égalitaire, la création des départements apparaît comme la suite logique de la nuit du 4 août.

Le 29 septembre 1789, au nom du Comité de constitution, le député Thouret présente un projet de division géométrique : 80 départements (plus Paris) de forme carrée (sauf aux frontières du pays) et de superficie égale, chacun se subdivisant en 9 districts composés de 9 cantons. Ce plan soulève plusieurs oppositions, notamment celle de Mirabeau, qui lui reproche de ne pas tenir compte de l'histoire ni des traditions. Le 22 décembre, les députés votent le décret créant les départements et, le 26 février 1790, celui qui en précise le découpage. Finalement, les limites des 83 départements ne sont pas fixées géométriquement mais en tenant compte de la géographie et des anciennes frontières provinciales. Leur taille correspond à un ensemble ville-territoire : la distance entre la périphérie et le chef-lieu - dont le choix provoque d'âpres rivalités entre villes concurrentes - ne doit pas excéder une journée de voyage. Pour éviter tout rappel de l'Ancien Régime, leurs noms n'évoquent pas l'histoire, mais sont fondés sur la nature, la géographie qui permet la localisation. Chacun est subdivisé en districts (de 6 à 9), cantons et communes.

Entre pouvoir local et centralisation.

• L'administration départementale est confiée à un conseil général élu, composé de 36 membres, dont 8 forment le directoire chargé de l'exécution des arrêtés du conseil. Le procureur général syndic, également élu, représente le pouvoir central. Le département, qui n'est pas doté de la personnalité morale, est chargé de la répartition de l'impôt, de l'assistance, de l'enseignement, des travaux importants, etc.

Suspectes de fédéralisme aux yeux du gouvernement révolutionnaire, les administrations départementales voient leurs attributions passer aux mains des districts et des communes, puis les retrouvent avec la réaction thermidorienne, avant que le Directoire, dès 1795, n'amorce une centralisation et le renforcement de l'autorité : l'administration départementale, limitée à 5 membres, est placée sous le contrôle d'un commissaire nommé - et non plus élu - par le pouvoir exécutif, et qui peut destituer les administrateurs. Ce processus centralisateur est parachevé, sous le Consulat, par la loi du 28 pluviôse an VIII (17 février 1800), qui réduit à néant le rôle du conseil général et crée les préfets et les sous-préfets, dépendants du pouvoir central et dotés d'attributions étendues.

Le cadre départemental tracé par les constituants survit aux changements de régime : le nombre de départements peut varier suivant les aléas de l'histoire et l'étendue du territoire national, mais leur tracé ne change guère. Au XIXe siècle, ils deviennent peu à peu un espace de référence de la vie quotidienne des Français. Et ils résistent aux propositions de suppression avancées, vers 1900, par ceux, géographes, politiques ou industriels, qui leur opposent le petit « pays » ou la région. Mais l'évolution vers la décentralisation est lente : la rupture est marquée par la loi de mars 1982, qui transfère le pouvoir exécutif départemental du préfet au conseil général élu, dont les compétences, notamment financières, sont accrues.

déportation,

« peine politique perpétuelle, afflictive et infamante qui consiste à exiler un condamné dans un lieu déterminé » (Petit Larousse).

Au XIXe siècle, cette peine est fréquemment prononcée pour des détenus de droit commun, qui la purgent dans les bagnes de Cayenne ou de Nouméa, ou pour des prisonniers politiques, après le coup d'État de Louis Napoléon Bonaparte ou l'écrasement de la Commune de Paris. Le déporté le plus célèbre reste incontestablement le capitaine Dreyfus.

Au cours de la Seconde Guerre mondiale, en France comme dans les autres pays occupés par l'Allemagne nazie, le phénomène devient massif et touche diverses catégories de la population : sont soumis au transport forcé hors du territoire français des parlementaires communistes condamnés à la suite de l'interdiction du PCF et envoyés en mars 1941 en Algérie, les hommes contraints, à partir de 1943, d'aller travailler en Allemagne dans le cadre du Service du travail obligatoire (STO), les personnes arrêtées au cours de rafles, des droits communs, des prisonniers politiques, des résistants. Au fil des décennies qui ont suivi la fin de la Seconde Guerre mondiale, le terme de « déportation » en est venu à désigner l'internement dans un camp de concentration nazi ou l'acheminement des juifs de France vers les centres d'extermination, principalement celui d'Auschwitz-Birkenau.

Le 25 juillet 1941, un convoi quitte le Nord, transportant 244 mineurs vers Sachsenhausen : ce sont les premiers déportés de France, qui seront envoyés dans les camps de concentration du IIIe Reich : Buchenwald, Dachau, Mauthausen, etc., et Ravensbrück pour les femmes. Le 27 mars 1942, un premier convoi de 1 112 juifs quitte la France pour le camp d'Auschwitz. À partir de juillet 1942, les déportés sont « sélectionnés » à l'arrivée des trains. Une infime minorité est alors dirigée dans les camps. Les autres sont conduits directement vers les chambres à gaz couplées aux fours crématoires et gazés. La guerre finie, sur les 140 000 déportés de France, dont plus de 75 000 juifs, 40 000 environ sont rapatriés. Parmi eux ne figurent que 2 500 juifs.

Le terme de déportation recouvre donc des réalités différentes, selon la destination : camp de concentration ou centre de mise à mort.

La déportation dans les camps de concentration.

• Dès leur arrivée au pouvoir, les nazis ont construit un véritable réseau de camps sur tout le territoire du Reich. Le premier est celui de Dachau, non loin de Munich. Leur personnel provient d'un double essaimage : celui des membres de la SchutzStaffel (SS), déjà rôdés par des années de service ; celui des détenus, eux aussi rôdés par un long séjour concentrationnaire. C'est cet essaimage qui explique une sorte de culture commune à tous les camps de concentration, de celui du Struthof, dans l'Alsace annexée au Reich, à ceux de Buchenwald, Dachau ou Auschwitz. Avant le déclenchement de la guerre y sont internés les ennemis réels ou supposés du régime : socialistes, communistes, ainsi que les « asociaux », les témoins de Jéhovah..., désignés du terme générique de Häftlinge, « détenus de sécurité ». Pendant la guerre, les effectifs s'accroissent, en provenance de tous les pays que l'Allemagne occupe.