Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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universités. (suite)

Organisation et nouvelles fondations.

• La corporation des maîtres et des écoliers de Paris (Universitas magistrorum et scolarium Parisiensium) obtient du roi Philippe Auguste une charte (1200) puis, une bulle papale (1215) qui lui accordent les droits et privilèges d'une corporation ecclésiastique. Elle a en particulier le droit exclusif de conférer les grades, dès lors établis : le baccalauréat, la licence, la maîtrise ou le doctorat. L'écolier, admis vers 15 ans à la faculté des arts, y devient, en six ans, bachelier et licencié. Les treize années d'études à la faculté de théologie permettent d'accéder au grade de docteur. En 1255, la corporation reçoit du pape Innocent IV l'autorisation d'avoir son propre sceau. Elle s'organise en quatre « facultés » : théologie, droit canon, médecine et arts libéraux. La faculté des arts libéraux, qui attire le plus grand nombre d'étudiants, se divise elle-même en quatre « nations » afin de répartir les jeunes gens selon leur pays d'origine : France, Normandie, Picardie et Angleterre. Chacune de ces « nations » désigne un représentant, nommé « procureur ». À partir de 1245, les quatre procureurs sont placés sous l'autorité d'un « recteur », lui aussi élu. Les trois autres facultés élisent, de leur côté, chacune un « doyen ». Mais le recteur des quatre « nations » s'impose rapidement comme le chef de toute l'Université. Les « collèges », qui avaient à l'origine pour fonction de loger les boursiers pauvres ou étrangers, se transforment bientôt en établissements d'enseignement. L'une des premières de ces maisons, fondée en 1257 par Robert de Sorbon à l'usage des étudiants en théologie, devient, sous le nom de « Sorbonne », le siège de la faculté de théologie elle-même. Du XIIIe au XVe siècle, seize universités sont fondées dans les provinces, à Toulouse (1229), Montpellier (1289), Avignon (1303), Orléans (1306), Cahors (1332), Grenoble (1339), Angers (1364), Orange (1365), Aix (1409), Dole (1423), Poitiers (1431), Caen (1432), Bordeaux (1441), Nantes (1460), Besançon (1464) et Bourges (1469), tandis que celle de Paris reste l'une des plus prestigieuses de l'Occident.

Déclin et nouveaux principes.

• Faute de s'être ouverte aux apports de l'humanisme, l'Université de Paris connaît à partir du XVIe siècle un long déclin. Rigidement attachée à la vieille scolastique, elle doit subir une double concurrence : celle du Collège royal (futur Collège de France), créé en 1529, en dehors d'elle, par le roi François Ier, et à l'instigation de Guillaume Budé, afin que soit donné à Paris un enseignement plus conforme aux idées de la Renaissance ; puis celle du collège de Clermont, ouvert en 1563 par les jésuites, auxquels elle conteste - en vain - jusqu'au droit d'enseigner. La Sorbonne seule garde son rang : aussi son nom finit-il par désigner l'ensemble de l'Université de Paris. Gardienne de l'orthodoxie, elle est, à ce titre, appelée à se prononcer contre les jansénistes, puis contre les philosophes du XVIIIe siècle.

Parce qu'elle établit la légitimité de l'autorité fondée sur les Lumières, la révolution de 1789 prépare les conditions d'une réorganisation générale de l'instruction publique. Talleyrand et Condorcet s'accordent à la diviser en trois degrés. Pour le troisième degré, Talleyrand prévoit d'ouvrir, dans les chefs-lieux des départements, des « écoles spéciales », mais il concentre à Paris, en un Institut national, « toute la haute science et tout le haut enseignement » (Jean Jaurès). En 1792, Condorcet propose d'y ajouter, sous le nom de « lycées », neuf établissements d'enseignement supérieur, qui sont installés à Douai, Strasbourg, Dijon, Montpellier, Toulouse, Poitiers, Rennes, Clermont-Ferrand et Paris. Mais si la Convention a supprimé, par décret du 15 décembre 1793, les universités d'Ancien Régime, elle n'a pu se donner le temps ni les moyens d'établir durablement les institutions destinées à les remplacer.

Le décret du 17 mars 1808 organise l'Université impériale (fondée par la loi du 10 mai 1806), c'est-à-dire l'ensemble de l'administration et du corps enseignant chargés d'assurer, sous l'autorité d'un « grand-maître » assisté d'un Conseil, l'instruction publique sur le territoire de l'Empire, divisé en académies dirigées chacune par un recteur. Napoléon Ier remet en usage le terme de « facultés » pour désigner les établissements d'enseignement supérieur, qui sont de cinq ordres, correspondant aux cinq disciplines fondamentales : théologie, droit, médecine, lettres, et sciences mathématiques et physiques. Dans ses grandes lignes, cette organisation administrative a été maintenue par les régimes suivants.

Mais, comme pour l'enseignement primaire, c'est aux fondateurs de la IIIe République que revient le mérite d'avoir, après la « longue stagnation des années 1800-1880 » (Antoine Prost), réformé l'institution universitaire dans la fidélité aux vues de la Révolution. Cette réforme, note Antoine Prost, répondait à « une idée philosophique de la science ». « C'était l'Encyclopédie mise en acte » : telle était, à propos de ce qu'il appelait la « théorie » de l'enseignement supérieur propre aux hommes de la Révolution, l'opinion de Louis Liard, qui a rempli, pour la réforme universitaire, le rôle joué par Ferdinand Buisson dans la réorganisation de l'enseignement primaire. En effet, il entendait créer « un vrai organisme, un et multiple à la fois, ouvert à tout ce qui peut être sujet d'études et de recherches ». Mais son but, qui était de faire des universités « de puissants foyers d'étude et de science, réunissant toutes les facultés », n'a pas été atteint. Deux décrets du 25 juillet 1885 ont donné aux facultés la personnalité civile et les ont autorisées à recevoir des subventions des particuliers aussi bien que des collectivités locales. Le décret du 28 décembre 1885 définit la composition et les attributions du conseil général des facultés, puis du conseil et de l'assemblée de chaque faculté. Mais ce cadre juridique, à la fois logique et libéral, permet en réalité de développer la structure des facultés au détriment de la coordination, de l'unité auxquelles aurait dû conduire l'organisation de véritables universités. Finalement, en 1896, le législateur se contente de donner le titre d'université aux groupes de facultés déjà installés dans chacun des chefs-lieux d'académie créés en 1808.