Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
C

classicisme. (suite)

Passions

Même si le classicisme apparaît comme une esthétique en situation, il ne faut pas oublier qu'il est un art, et non une doctrine sociale ou une morale de l'art. Boileau ne laisse planer aucun doute sur ce point : « Le secret est d'abord de plaire et de toucher » (Art poétique). La Fontaine s'inscrit dans la même perspective : « On ne considère en France que ce qui plaît : c'est la grande règle et pour ainsi dire la seule » (préface des Fables). Racine lui fait écho dans la préface de Bérénice : « La principale règle est de plaire et de toucher : toutes les autres ne sont faites que pour parvenir à cette première. » Faut-il, pour s'en convaincre, lire la Princesse de Clèves, de Mme de La Fayette, ou écouter les Oraisons funèbres de Bossuet ? Toute vraie passion est une compassion. L'univers du classicisme est celui du charme : le paradoxe de l'art classique consiste à revendiquer le flou, alors qu'il se proclame l'ami des règles. Quel aveu plus fort peut-on demander que ce soupir de Pauline devant Sévère : « Un je ne sais quel charme encor vers vous m'emporte » (Corneille, Polyeucte) ? On songe également à l'aveu d'Assuérus devant Esther : « Je ne trouve qu'en vous je ne sais quelle grâce / Qui me charme toujours et jamais ne me lasse » (Racine, Esther).

L'extrême précision de l'art classique semble se perdre dans l'indéfini, dans l'infinitésimal. La préciosité, condamnée à juste titre quand elle était ridicule, se voit ainsi réhabilitée : elle protège l'âme, le cœur, le moi, le sujet des vicissitudes mondaines. Le style est la dernière illusion. La naïveté de La Fontaine, la clarté racinienne, la gloire cornélienne, exigent de tout sacrifier à l'art. La Rochefoucauld n'écrit pas sans raison : « L'esprit est toujours la dupe du cœur » (Maximes). La raison classique s'exténue dans l'écriture de la passion. L'ambition historique ou politique, la connaissance scientifique de la nature, le théâtre - espace de purgation des passions ou de correction des vices -, l'analyse philosophique de l'homme, du monde et de Dieu, la domination des passions par la raison, ou leur étouffement par d'autres passions : tout est, au même degré, nécessaire et inutile. Tel est le message littéraire du classicisme.

Enjeux

Que reste-t-il donc du classicisme ? La conscience de la grandeur et de la misère donne à la conscience sa grandeur, tout comme elle la préserve de la misère. Le paradoxe de l'esthétique classique est de faire coïncider l'apogée et l'épitaphe des principaux styles. Quelle fable écrire après La Fontaine, quelle comédie après Molière, quelle tragédie après Corneille ou Racine ? Quel palais souverain construire après Versailles ? Quelle oraison funèbre prononcer après Bossuet ?... Point n'est besoin d'expliquer le classicisme en l'opposant au baroque, aux Lumières, au romantisme, car chaque créateur a été un pionnier ou un rebelle plus qu'un imitateur ou un doctrinaire. L'unité exceptionnelle de langue et de mœurs ayant marqué la France pendant quelques décennies explique, en partie, le nombre non moins exceptionnel des œuvres, ainsi que leur variété et leur diversité. Il n'est pas certain que le créateur classique ait conscience d'être un classique, quelle que soit la force de la tentation ou de la pression académique, mais il a conscience, sans nul doute, d'être un créateur. La passion de la raison, en philosophie, tout comme en physique ou en architecture, éclaire l'ambition classique, mais l'exigence esthétique va au-delà de la passion et de la raison. L'art est une « loi figurative », au sens pascalien, de la vérité ou de la réalité. De même que les preuves les plus certaines de l'existence de Dieu sont dans les miracles, et non dans les ouvrages de métaphysique, la grandeur du classicisme n'est pas dans les règles de cette grandeur, mais, sans doute, dans l'émotion, dans le charme, dans le sublime, dans quelques mots de La Fontaine, dans quelques couleurs de Poussin, dans quelques notes de Lully.

Claude de France,

épouse de François Ier, reine de France de 1515 à 1524 (Romorantin 1499 - Blois 1524).

Fille aînée et héritière de Louis XII et d'Anne de Bretagne, elle sera l'enjeu d'une politique matrimoniale complexe. En 1501, pour ne pas soustraire le duché de Bretagne à la mouvance des Valois, Louis XII s'engage à marier sa fille à son cousin François de Valois, duc d'Angoulême (futur François Ier). Cette politique n'est pas du goût d'Anne de Bretagne, qui obtient de son royal époux un projet de mariage de Claude avec Charles de Luxembourg (futur Charles Quint) par le traité de Blois (1504), la princesse devant apporter en dot la Bretagne, la Bourgogne, Naples et Milan. Mais le roi fait finalement annuler cet engagement : dès 1506, les états généraux, réunis à Tours, votent les fiançailles de François et de Claude. Celles-ci sont fêtées le 21 mai 1506 ; il a 12 ans, elle en a 7. Le mariage est célébré en mai 1514, après la mort d'Anne de Bretagne. En 1515, à l'avènement de François Ier, Claude - qui a reçu entre-temps le titre de duchesse de Bretagne - devient reine. Toutefois, elle ne jouera aucun rôle politique, contrairement à sa belle-mère, Louise de Savoie, à qui François Ier confie la régence lorsqu'il s'absente du royaume. Douce et pieuse, elle passera la majeure partie de son temps loin des intrigues politiques et amoureuses de la cour, dans son château de Blois, où elle fait aménager jardins et vergers. Elle y donnera naissance à sept enfants, parmi lesquels le futur Henri II. Elle meurt à 25 ans, « fort regrettée pour ses admirables vertus et bontez » (Brantôme).

Clavière (Étienne),

homme politique (Genève 1735 - Paris 1793).

Il consacre sa vie professionnelle à la finance, et son engagement politique, aux idées démocratiques. Actif au sein de la République genevoise, il doit s'exiler en Irlande en 1782, lorsque les troupes de Berne interviennent pour réduire l'agitation qui s'y était développée. Ses origines suisses l'incitent tout d'abord à créer une entreprise d'horlogerie. Ces ambitions industrielles restent sans succès ; il parvient, en revanche, à se constituer une petite fortune par la spéculation. Cependant, c'est de nouveau la politique qui modifie son destin. Les rumeurs de la Révolution commençante l'incitent à gagner Paris en 1789. Administrateur-gérant d'une compagnie d'assurances, il mène de front activités financières et politiques en devenant le principal collaborateur de Mirabeau pour les affaires économiques. La littérature et le goût des opérations boursières le rapprochent de Brissot, qu'il rencontre à la Société des amis des Noirs. Membre du Club des jacobins, Clavière rédige des articles pour le Courrier de Provence, publié par Mirabeau. Son influence ne cesse de croître, notamment grâce à son salon, qui est l'un des plus fréquentés de Paris. Les plus grandes figures de la Gironde s'y retrouvent, et Clavière y critique très violemment la politique économique menée par son compatriote Necker.