Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Défense de la France,

mouvement de Résistance fondé à l'automne 1940 par Philippe Viannay, Marcel Lebon et Robert Salmon.

Se plaçant d'emblée sur le terrain culturel et moral, ces derniers optent pour une intense propagande, menée grâce à l'édition, dès l'été 1941, du journal Défense de la France, dont le tirage devient rapidement l'un des plus importants de la presse clandestine sous l'Occupation (450 000 exemplaires imprimés en janvier 1944). Par ailleurs, ne cachant pas ses penchants « maréchalistes » puis « giraudistes », le mouvement se distingue par son refus, longtemps marqué, de reconnaître l'autorité du général de Gaulle. L'activité qu'il déploie autour de la fabrication et de la diffusion du journal lui impose une extension géographique qui va de l'Est à la Bretagne, en passant par le Loiret, le Poitou, la Normandie et la région parisienne. Olivier Wieviorka, dans Une certaine idée de la Résistance, attribue près de trois mille membres à Défense de la France, qu'il qualifie de « mouvement de jeunes ». Une centrale de faux papiers, dont le rayonnement devient national, est mise en place dès février 1942 ; enfin, à partir de 1943, le mouvement étend ses activités au domaine paramilitaire en créant quelques corps francs et maquis. Non représentée au Conseil national de la Résistance, Défense de la France adhère au Mouvement de libération nationale, et tente de propager les idéaux de la Résistance, après la Libération, en éditant France-Soir.

Défense nationale (gouvernement de la),

gouvernement provisoire de la République, au pouvoir du 4 septembre 1870 jusqu'à l'élection de l'Assemblée nationale en février 1871.

Ce gouvernement est directement issu de la révolution du 4 septembre : une fois la déchéance de Napoléon III prononcée par Gambetta dans la salle des séances du Corps législatif envahie par la foule, des manifestants, conduits par Jules Favre et Gambetta, se rendent à l'Hôtel de Ville, où ils font proclamer la République. Un gouvernement de la Défense nationale est aussitôt constitué, uniquement composé des députés de Paris élus en 1869 (y compris ceux qui, élus par plusieurs circonscriptions, avaient alors opté pour la province), choix qui suspend la question de sa légitimité et en écarte les révolutionnaires les plus radicaux. Ces députés de Paris sont Emmanuel Arago, Adolphe Crémieux, Jules Favre, Jules Ferry, Léon Gambetta, Alexandre Glais-Bizoin, Louis Garnier-Pagès, Eugène Pelletan, Ernest Picard, Henri Rochefort et Jules Simon. Le général Trochu, gouverneur militaire de Paris, accepte d'entrer dans ce gouvernement, mais à la condition d'en être le président. On désigne alors le ministère, qui comprend des membres du gouvernement (Gambetta à l'Intérieur, Jules Favre aux Affaires étrangères) mais aussi des ministres qui lui sont extérieurs (Dorian aux Travaux publics, ou Magnin au Commerce). Cet exécutif provisoire a une double tâche, militaire et politique : vaincre les Prussiens et leurs alliés, affirmer le pouvoir de la République qu'il représente. La difficulté de s'acquitter à la fois de ces deux missions ne va cesser de s'accroître.

La Défense nationale entre détermination et attentisme.

• Une fois le Corps législatif et le Sénat dissous, Gambetta remplace les préfets de l'Empire par des républicains, qui se heurtent, à Lyon et à Marseille, à des comités républicains radicaux autoproclamés. Jules Favre, qui rencontre Bismarck à Ferrières (19-20 septembre), tente, sans succès, de négocier un armistice à des conditions honorables.

Le siège de Paris par les Prussiens à partir du 19 septembre conduit le gouvernement de la Défense nationale à envoyer à Tours une délégation, que Gambetta rejoint en octobre, et dont il prend la direction pour tenter de donner un élan énergique à la lutte. Mais le général Bazaine, encerclé dans Metz, capitule le 27 octobre, livrant quelque 173 000 hommes et 1 700 pièces d'artillerie, ce qui compromet les chances de victoire. La nouvelle de cette capitulation et l'échec d'une sortie pour forcer le blocus prussien au Bourget provoquent, le 31 octobre, une tentative d'insurrection contre le gouvernement. Celui-ci organise à Paris un plébiscite début novembre : la victoire du « oui » (321 373 contre 53 584 « non ») raffermit son autorité pour plusieurs mois.

À Tours, Gambetta fait remplacer les conseils municipaux et les conseils généraux élus sous l'Empire par des commissions provisoires composées de républicains. Il doit lutter à la fois contre la passivité des partisans de la paix et contre l'activisme révolutionnaire et patriotique des comités de Lyon, de Marseille et des ligues (notamment celle du Midi). Il organise une armée de la Loire, qui prend Orléans en novembre, mais doit l'évacuer et se replier sur Le Mans, tandis que la délégation se réfugie à Bordeaux. À Paris, l'attentisme de Trochu, son refus d'engager la Garde nationale dans les combats, l'échec des rares sorties (prise et évacuation de Champigny, début décembre), auxquels s'ajoutent l'apparition de la famine et le bombardement de Paris en janvier, contribuent à accroître la lassitude et l'exaspération de la population. La Garde nationale est enfin employée à Buzenval, mais l'échec de cette ultime sortie, ses nombreuses victimes, provoquent, le 22 janvier, une nouvelle tentative d'insurrection et la démission de Trochu.

L'armistice et la démission du gouvernement.

• Confronté à cette situation sans issue, les dernières armées du Nord et de l'Est ayant été vaincues ou repoussées, le gouvernement envoie Jules Favre négocier la capitulation et un armistice pour élire une Assemblée nationale chargée de signer la paix. Gambetta refuse la convention d'armistice du 28 janvier, appelle à la guerre à outrance et déclare l'ancien personnel impérial inéligible, mais, désavoué par ses collègues de Paris, qui abrogent son décret, il démissionne le 6 février. Le 13, au lendemain d'élections remportées par les partisans de la paix, Jules Favre remet à l'Assemblée réunie à Bordeaux la démission du gouvernement.

La Défense nationale en question.

• La politique du gouvernement de la Défense nationale et de la délégation ont été l'objet de vives polémiques dès l'élection de l'Assemblée. En juin 1871, la majorité, monarchiste, reprenant une proposition de l'extrême gauche faite dès le 6 mars, ouvre une enquête parlementaire dont les rapports, publiés les années suivantes, mettent en cause « les hommes du 4 septembre » et provoquent des débats dans la presse. La commission d'enquête reproche au gouvernement de la Défense nationale sa participation à la révolution du 4 septembre, qu'elle estime être à l'origine de la Commune. Elle l'accuse également de ne pas avoir cherché à faire la paix au lendemain de la bataille de Sedan, et d'avoir tardé à organiser des élections législatives. On critique la « dictature » de Gambetta, les échecs militaires de ses armées, mais aussi ce qu'on juge être un manque de sévérité à l'égard des comités radicaux de province. Si la menace des bonapartistes en 1874 et le vote des lois constitutionnelles de 1875 suspendent le débat, celui-ci n'est pas complètement clos.