Vergennes (Charles Gravier, comte de), (suite)
Le 6 juin 1774, quelques jours après l'avènement de Louis XVI, Vergennes est nommé secrétaire d'État aux Affaires étrangères, poste qu'il conserve jusqu'à sa mort, et qu'il cumule à partir de 1783 avec la présidence du Conseil des finances. Arrivant aux affaires alors que la France est encore sous le coup de sa défaite dans la guerre de Sept Ans, il tente de mettre en œuvre une politique d'équilibre, visant à rendre au pays un rôle d'arbitre en Europe en neutralisant les ambitions rivales de l'Autriche, de la Prusse et de la Russie : défense du statu quo dans l'Empire face aux ambitions autrichiennes, alliance avec la Suède face à la Russie. Pour contenir la puissance maritime et coloniale britannique, il se fait l'avocat d'une alliance privilégiée avec l'Espagne. Car, malgré sa prudence - et le médiocre état des finances -, il est acquis à l'idée d'une revanche, dont Choiseul avait forgé l'instrument. Aussi, lorsque les colonies anglaises d'Amérique se révoltent, et malgré son aversion pour les idées républicaines, Vergennes comprend le parti que la France peut en tirer pour affaiblir l'Angleterre. En dépit de l'opposition de Turgot, au renvoi duquel il contribue activement, il engage le royaume aux côtés des insurgents américains, leur accordant dès 1776 une aide secrète en armes et en argent, puis concluant avec les États-Unis une alliance officielle (6 février 1778), élargie à l'Espagne l'année suivante. Mais il redoute que le conflit maritime franco-anglais ne dégénère en guerre continentale. C'est pourquoi il freine les ardeurs autrichiennes dans les affaires de la succession de Bavière (1778), qui peuvent embraser l'Empire ; c'est aussi pourquoi il fait preuve de modération dans les négociations avec l'Angleterre, et que, la paix revenue, il est l'artisan du traité de commerce franco-anglais de 1786.