Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
V

Vergennes (Charles Gravier, comte de), (suite)

Le 6 juin 1774, quelques jours après l'avènement de Louis XVI, Vergennes est nommé secrétaire d'État aux Affaires étrangères, poste qu'il conserve jusqu'à sa mort, et qu'il cumule à partir de 1783 avec la présidence du Conseil des finances. Arrivant aux affaires alors que la France est encore sous le coup de sa défaite dans la guerre de Sept Ans, il tente de mettre en œuvre une politique d'équilibre, visant à rendre au pays un rôle d'arbitre en Europe en neutralisant les ambitions rivales de l'Autriche, de la Prusse et de la Russie : défense du statu quo dans l'Empire face aux ambitions autrichiennes, alliance avec la Suède face à la Russie. Pour contenir la puissance maritime et coloniale britannique, il se fait l'avocat d'une alliance privilégiée avec l'Espagne. Car, malgré sa prudence - et le médiocre état des finances -, il est acquis à l'idée d'une revanche, dont Choiseul avait forgé l'instrument. Aussi, lorsque les colonies anglaises d'Amérique se révoltent, et malgré son aversion pour les idées républicaines, Vergennes comprend le parti que la France peut en tirer pour affaiblir l'Angleterre. En dépit de l'opposition de Turgot, au renvoi duquel il contribue activement, il engage le royaume aux côtés des insurgents américains, leur accordant dès 1776 une aide secrète en armes et en argent, puis concluant avec les États-Unis une alliance officielle (6 février 1778), élargie à l'Espagne l'année suivante. Mais il redoute que le conflit maritime franco-anglais ne dégénère en guerre continentale. C'est pourquoi il freine les ardeurs autrichiennes dans les affaires de la succession de Bavière (1778), qui peuvent embraser l'Empire ; c'est aussi pourquoi il fait preuve de modération dans les négociations avec l'Angleterre, et que, la paix revenue, il est l'artisan du traité de commerce franco-anglais de 1786.

Vergniaud (Pierre Victurnien),

homme politique (Limoges 1753 - Paris 1793).

Né dans une famille de la bourgeoisie limousine d'un père fournisseur des armées ruiné dans les années 1770, il fait ses études à Paris, puis à Bordeaux, où il devient avocat (1781). Il écrit des vers et fréquente les salons littéraires, se faisant remarquer par son éloquence. C'est celle-ci, plus que ses fonctions politiques, qui le distingue pendant la Révolution.

En 1789, patriote actif, Vergniaud est l'un des fondateurs de la Société des amis de la Constitution (le Club des jacobins) de Bordeaux. Il est élu administrateur du département de la Gironde (1790), puis député à l'Assemblée législative (1791), et s'inscrit aux Club des jacobins de Paris. Proche de Brissot, il devient l'orateur du parti brissotin (girondin). Vergniaud multiplie les attaques violentes contre la monarchie à la tribune de l'Assemblée, mais, en secret, conseille Louis XVI, lui proposant de l'appuyer s'il rappelle les ministres girondins. Après la chute de la monarchie (10 août 1792), il est surtout désireux - comme les autres girondins - d'endiguer le mouvement populaire. Élu à la Convention, Vergniaud s'engage alors contre la Commune de Paris et la Montagne. Il se montre un partisan enthousiaste d'une guerre de conquête, qui vire néanmoins au désastre ; il adopte une attitude ambiguë au cours du procès du roi, suggérant à ses collègues de faire appel au peuple tout en votant la mort, sans sursis ; il prône la liberté du commerce et soutient la grande propriété malgré la crise des subsistances : tels sont les choix politiques qui mènent Vergniaud à sa fin. À la suite de l'insurrection des 31 mai et 2 juin 1793, il est décrété d'arrestation, en même temps que les principaux chefs girondins, et guillotiné le 31 octobre 1793, avec 21 autres députés.

Les jugements posthumes portés sur cette figure de la Révolution varient selon les courants historiographiques, qui ont longtemps mesuré la lutte des girondins et des montagnards à l'aune des joutes oratoires ayant opposé Vergniaud et Robespierre. Lorsque certains magnifient en Vergniaud « la plus grande âme » de la Révolution (Michelet) ou voient en lui l'épicurien nonchalant amateur de saint-émilion, d'autres n'épargnent pas « l'organe de la pensée de Brissot » (Mathiez), l'homme aux habitudes paresseuses et aux discours lentement composés (Lamartine). Ces discours, appris par cœur, et joués comme par un acteur, suscitent, rapportent les témoignages, « des murmures d'admiration silencieuse ». Mais, d'après Mathiez, ce succès est littéraire, non politique, et même Michelet considère que Vergniaud est peu doté « d'esprit de suite, d'énergie dans les actes ».

Vermandois (maison de)

, maison comtale fondée par Herbert Ier, comte de Vermandois (mort entre 900 et 906), petit-fils de Bernard d'Italie, lui-même petit-fils de Charlemagne.

Comme la famille des Baudoin de Flandre, qui est sa principale rivale en Francie, la maison de Vermandois prospère dans le dernier quart du IXe siècle en jouant de la rivalité entre Carolingiens et Robertiens : entre 886 et 899, Herbert Ier obtient les comtés de Soissons, de Meaux et de Mézerais, la forteresse de Château-Thierry, l'abbatiat laïc de Saint-Crépin et Saint-Médard de Soissons. En 896, nouvellement rallié au roi Eudes, il obtient de surcroît le comté de Vermandois et l'abbatiat laïc de Saint-Quentin. Toutes ces positions sont les fondements d'une principauté territoriale que la famille de Vermandois entend établir en Francie : Herbert II conforte les positions acquises par son père, n'hésite pas à garder en prison le roi Charles le Simple, capturé en 923 lors d'une révolte des grands du royaume, et étend sa puissance aux dépens des possessions de l'église de Reims en faisant élire archevêque son fils, Hugues, qui n'a que 5 ans. Herbert II entend occuper en Francie la première place après le roi ; dans les années 930-936 la maison de Vermandois apparaît ainsi comme la plus puissante dans le nord du royaume, situation qui amène les Robertiens à se rallier au Carolingien Louis IV et à le reconnaître pour roi.

À la mort d'Herbert II (23 février 943), ses fils se disputent son héritage, et ce conflit, qui dure jusqu'en 946, fait perdre à la maison de Vermandois la prééminence qu'elle avait acquise. Herbert III reste en possession des comtés les plus importants et se met au service du roi Lothaire, qui lui confère en 967 le titre de comte palatin. Herbert porte aussi celui de comes Francorum, par analogie avec le titre de dux Francorum porté par les Robertiens. Mort sans héritier direct entre 980 et 984, Herbert III est le dernier représentant de la maison de Vermandois, dont les possessions à l'est de la Francie sont la première ébauche de la maison de Champagne, qui prend sa succession au début du XIe siècle.