Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
F

Fouquet ou Foucquet (Nicolas), (suite)

La chute.

• Face à autant d'ambitions maritimes, Colbert, chargé des marines du Levant et du Ponant depuis janvier 1661 - en attendant d'être secrétaire d'État à la Marine en 1669 -, décide de perdre Fouquet. Après la mort de Mazarin (7 mars 1661), il convainc le roi de mettre fin à la puissance du surintendant. Une légion d'ouvriers travaille à Belle-Isle pour Fouquet, et la mère de ce dernier a des amis protestants. Or, deux ans après avoir pardonné au frondeur Condé, Louis XIV ne peut courir le risque d'une nouvelle insurrection, menée cette fois à partir de Belle-Isle. D'autres ports n'ont-ils pas été naguère des foyers de rébellion (La Rochelle en 1621-1628, Brouage en 1649-1653) ? Aussi, Colbert dépêche-t-il Duquesne à Concarneau : dix vaisseaux du surintendant sont saisis et 70 canons mis sous séquestre (le roi, à Rocroi, en 1643, n'en avait que 14 !).

Fouquet fut donc puni, non pour avoir fait le mal mais parce qu'il était susceptible d'en faire. Nombre d'historiens, trop influencés par des personnalités de l'époque - certaines favorables à Fouquet, tels Lefèvre d'Ormesson, La Fontaine, Saint-Évremond, Mme de Sévigné, Melle de Scudéry, Pellisson ; d'autres hostiles, tels Henri Pussort (oncle de Colbert) ou Denis Talon –, n'ont pas compris que l'« affaire Fouquet » était liée à la détermination de Colbert de devenir - comme Richelieu - le maître du littoral. La lutte acharnée qu'a livrée la « couleuvre à l'écureuil » (Fouquets signifie « écureuil » en patois angevin) était, en réalité, le prolongement de celle menée par Richelieu contre les amiraux de Vendôme, de Guise et de Montmorency pour exactement la même raison. Richelieu et Colbert parvinrent, difficilement, à satisfaire leurs ambitions maritimes. Fouquet, pour avoir eu la même volonté, acheva sa vie à Pignerol.

Fouquier-Tinville (Antoine Quentin),

magistrat (Hérouel, Aisne, 1746 - Paris 1795).

Accusateur public auprès du Tribunal révolutionnaire, réputé pour son extrême sévérité et son attitude sans nuances, Fouquier-Tinville compte parmi les figures les plus honnies de la Révolution.

Ancien procureur au Châtelet (1774-1783), membre du jury d'accusation du Tribunal du 17 août (1792), puis substitut de l'accusateur public au tribunal criminel du département de Paris, il est désigné par la Convention pour siéger au Tribunal révolutionnaire, en avril 1793. Depuis son bureau de la Conciergerie, il étudie les dossiers des prévenus et rédige les actes d'accusation, une tâche qui nécessite l'assistance de cinq substituts avec l'application de la « loi des suspects » (17 septembre 1793). Rouage essentiel des grands procès politiques de l'an II, notamment de celui des partisans de Danton (avril 1794), où les accusés sont exclus des débats, Fouquier-Tinville est aussi l'homme des « fournées » consécutives à la loi du 22 prairial an II (10 juin 1794), qui simplifie la procédure du Tribunal et institue la Grande Terreur, durant laquelle, selon ses propres termes, « les têtes tombaient comme des ardoises ». Secondant le Comité de sûreté générale dans le conflit qui l'oppose au Comité de salut public, il dispose d'agents dans les prisons qui dénoncent des conspirations imaginaires permettant d'éliminer plus sûrement nombre de prisonniers. Devenu le symbole de la Terreur, l'accusateur public est arrêté le 14 thermidor an II (1er août 1794), au lendemain de la chute de Robespierre - contre lequel il a requis la mort -, et se défend en se présentant comme un simple exécutant. Il est guillotiné le 6 mai 1795, en place de Grève, avec d'autres membres du Tribunal.

Fourcroy (Antoine François, comte de),

chimiste et homme politique (Paris 1755 - id. 1809).

Il est l'un des quatre rédacteurs de la Nouvelle méthode de nomenclature chimique (1787), et on lui doit une importante contribution à la théorie de l'éthérification, ainsi que la première description de l'urée en 1799. Au-delà de son apport scientifique à la chimie moderne, Fourcroy est surtout représentatif de la génération des savants qui, par leur parcours intellectuel et par leur carrière politique, ont contribué à associer des savoirs scientifiques novateurs aux formes contemporaines du pouvoir issues de la Révolution.

Né dans une famille de petite noblesse sur le déclin, il fait ses études de médecine à Paris, grâce aux encouragements et au soutien de l'anatomiste Félix Vicq d'Azyr. Docteur en 1780, il s'oriente rapidement vers la chimie, et, dès lors, poursuit ses travaux dans des institutions qui, en marge d'une université devenue archaïque, sont ouvertes aux conceptions modernes : la Société royale de médecine (1780), l'École vétérinaire d'Alfort (1783), le Jardin du roi (1784), l'Académie des sciences (1785), le Lycée (1787).

À partir de 1789, son engagement politique prend le pas sur ses recherches : il est associé à différentes commissions entre 1789 et 1792, et devient député de la Convention nationale le 22 juillet 1793, en remplacement de Marat, assassiné le 13. Dans les années suivantes, membre du Comité d'instruction publique et du Comité de salut public, il joue un rôle important dans l'organisation de l'Instruction publique : il est ainsi à l'origine de l'École polytechnique et des Écoles de santé en 1794 (dans lesquelles il occupe la chaire de chimie), de l'Institut, en 1795, et des Écoles centrales. Membre du Conseil des Anciens sous le Directoire, il entre au Conseil d'État sous le Consulat. Il poursuit alors parallèlement ses activités de réformateur scolaire et de chimiste, publiant les résultats des travaux qu'il mène avec Nicolas Vauquelin. Napoléon le fait comte d'Empire en 1808, consacrant ainsi, à travers lui et quelques autres, l'intégration de la science aux fondements idéologiques du pouvoir public.

Fourier (Charles),

écrivain et théoricien socialiste (Besançon 1772 - Paris 1837).

Né dans un milieu de commerçants aisés - son père est marchand de draps, et préside le tribunal de commerce de Besançon -, Fourier prend vite en horreur la profession, cette « bergerie mercantile » qui nécessite tricheries et menteries. Pour subvenir à ses besoins, il doit pourtant en accepter les lois. Installé à Lyon grâce à la fortune de son père, il se spécialise dans les denrées exotiques. En 1793, il prend part à l'insurrection fédéraliste de Lyon ; il voit ses marchandises détruites par les troupes de la Convention qui s'emparent de la ville, et est arrêté. À sa libération, il est complètement ruiné, et doit affronter une vie difficile, faite d'aventures diverses - il est soldat au 8e régiment de chasseurs à cheval, ou salarié du commerce.