Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Religion (guerres de). (suite)

Catholiques contre protestants

C'est dans ces conditions que se produit le passage à la première guerre, dans un climat de méfiance réciproque des communautés catholiques et protestantes, et du fait d'une intervention du duc de Guise. Le 1er mars 1562 a lieu un massacre de religionnaires à Wassy, auquel répond, trois semaines plus tard, un ordre de mobilisation calviniste : c'est pour libérer le roi mineur de ses mauvais conseillers et pour redonner une légalité au gouvernement du royaume que Condé déclare avoir pris les armes. Malgré les tentatives de Catherine de Médicis pour empêcher le conflit, la guerre commence, s'ouvrant par des succès calvinistes : prises d'Orléans, de Tours, de Rouen et d'un nombre important d'autres villes, signature d'un traité par lequel Élisabeth d'Angleterre promet son appui militaire (traité d'Hampton Court).

Le temps des rites de violence.

• La guerre est perçue comme « inouïe ». D'une part, parce qu'après un temps d'attente, le combat protestant devient un combat contre les profanations de Dieu que sont les images : partout où les calvinistes sont vainqueurs, l'iconoclasme scande la victoire ; d'autre part, parce que les clercs deviennent des cibles privilégiées pour les combattants huguenots, dans un désir d'anéantissement de ceux qui, nommés la « peste du monde », organisent la « résistance à la Vérité ».

Mais le déchaînement de la violence frappe aussi les huguenots : assassinats d'hommes et de femmes, grands massacres collectifs (Sens) mis en scène selon des rituels de marquage et de mutilation des corps. La violence est l'acte par lequel les catholiques expriment à Dieu leur fidélité. Le corps de l'hérétique n'est, pour eux, que le sépulcre d'une âme morte. L'hérétique est pensé comme un être possédé par Satan et devenu une bête ; puisqu'il n'a plus d'âme, il n'est plus homme...

Parallèlement à ces rites de violence, la guerre, classiquement, repose sur des armées constituées à la fois de professionnels démobilisés après la paix avec l'Espagne, de volontaires (recrutés dans les églises mêmes pour l'armée réformée) et aussi de mercenaires (Suisses, Wallons, Allemands), ces derniers représentant peut-être, en 1562, près de la moitié des armées, tant royale que huguenote. Les effectifs de ces armées atteignent à peine les 2 000 hommes mais, peu à peu, une société militaire plus large qu'auparavant se constitue, le rôle des hommes de pied continuant à s'affirmer. La tactique consiste à progresser en colonnes à travers le royaume afin de contrôler les points stratégiques que sont les villes, et donc à alterner les avancées et une guerre statique de siège. Les grandes confrontations sont peu recherchées ; elles sont perçues comme des « jugements de Dieu », et sont précédées par des prières et des services religieux. Elles donnent lieu, de la part de l'armée défaite, à une guerre de mouvement ayant pour objectif de déstabiliser la stratégie de l'adversaire.

Entre politique et colère de Dieu.

• Il est difficile de discerner les causes d'un conflit qui n'est jamais que la reprise des armes après la paix de Cateau-Cambrésis avec l'Espagne (3 avril 1559) : au point que l'on peut se demander si la guerre n'est pas une nécessité pour la société française de l'époque, et notamment pour sa composante nobiliaire. Par-delà les ambitions individuelles, le facteur politique peut rendre compte des partages : pour les lignages aristocratiques et leurs clientèles, l'enjeu aurait été le contrôle du Conseil royal, lieu de la puissance où se distribuent pensions, dons et charges (la crise des finances monarchiques aurait limité la grâce royale, dans un moment où les finances nobiliaires auraient été fragilisées). La religion aurait fonctionné comme l'outil du politique, et, dans les villes, certaines élites bourgeoises l'auraient instrumentalisée contre l'État, pour la défense des privilèges urbains et contre les officiers royaux. Il est possible aussi que des antagonismes socio-économiques aient suscité, de part et d'autre, des mobilisations religieuses. Mais il est possible encore que la crise religieuse renvoie à des déterminations véritablement religieuses, la conversion au calvinisme permettant de rompre avec une angoisse eschatologique ascendante depuis la fin du XVe siècle, et le maintien dans la religion traditionnelle assurant au fidèle de faire son salut dans un rêve de croisade.

La guerre ne dure qu'une année. Deux événements contribuent à la cessation des hostilités : la bataille de Dreux, qui tourne à l'avantage de l'armée royale (19 décembre 1562), et où le prince Louis Ier de Condé est fait prisonnier ; l'assassinat du duc de Guise, devant Orléans (18 février 1563).

Un temps de concorde.

• Les négociations débouchent sur la promulgation de l'édit d'Amboise, qui garantit aux huguenots la liberté de conscience (19 mars 1563). Le culte calviniste n'est autorisé que dans les maisons des seigneurs hauts justiciers, pour leurs familles et leurs sujets, ainsi que dans une ville par bailliage. Cette paix apparaît aux « bons catholiques » comme une offense à Dieu, dont la colère ne va pas tarder à s'abattre sur un peuple impie. S'ouvre néanmoins une période de calme civil, entrecoupée de temps à autre d'agressions interconfessionnelles, et marquée par le grand voyage de Charles IX et de Catherine de Médicis à travers le royaume. Après avoir fait proclamer la majorité du jeune souverain (17 août 1563) par le parlement de Rouen, Catherine de Médicis tente en effet de parfaire la cohabitation religieuse par l'établissement de relations personnelles entre le roi et les élites du royaume. L'idéologie de la concorde affirme que l'État doit être préservé, par-delà les divisions religieuses ; il doit, avant tout, faire vivre les Français dans la paix civile, parce que la guerre ne peut que le détruire par la rupture de tout lien de « police » entre les hommes ; mais la paix n'implique pas une autonomisation du politique : la « tolérance » de deux religions n'est pas une fin de l'action royale, mais un moyen qui doit déboucher, dans un futur plus ou moins proche, sur une réunion des contraires.